1971 constitue une date importante dans l'histoire du socialisme en France : c'est cette année là que se tient le congrès d'Epinay qui marque l'unification des socialistes au sein du parti Socialiste et le début du développement du PS qui conduira 10 ans après, à la victoire du 10 mai 1981.
En 1971, la gauche non communiste est divisée entre plusieurs partis ou clubs. Et on peut dire, qu'à ce moment, elle est au fonds du trou par manque d'unité et de leader. Au congrès d'Epinay, elle se dotera de l'une et de l'autre.
Le Parti socialiste existe depuis 1969. Au congrès d'Alfortville, le 4 mai 1969, les amis d'Alain Savary, qui avaient fait scission en 1958, ont rejoint la SFIO, rebaptisée Nouveau Parti Socialiste. Ce parti désigne Gaston Defferre comme candidat à l'élection présidentielle qui suit la démission du général de Gaulle, après son échec au référendum sur la réforme du Sénat.
Peu de temps après, ce sont les amis de Jean Poperen, ancien adhérent du PSU, qui intègrent le NPS, dirigé par Alain Savary, soutenu par Guy Mollet.
Plusieurs éléments expliquent la volonté d'unification des socialistes, en ce début des années 70. D'une part, les très mauvais résultats électoraux ( Gaston Defferre ne rassemble que 5.1% au premier tour de la présidentielle de 1969) conduisent un certain nombre de socialistes à remettre en cause les divisions et les querelles fratricides. D'autre part, le rôle de Guy Mollet est de plus en plus remis en cause par les minoritaires, au sein du NPS.
Le congrès de l'unification
Depuis 1965, François Mitterrand est convaincu que, compte tenu de la logique de la 5ieme République, la gauche est condamnée à s'unir si elle veut, un jour gagner les élections. C'est pour cette raison qu'il propose que la CIR ( Convention des Institutions Républicaines) qu'il dirige fusionne avec le NPS. Cette Convention est née en 1964 de la fusion du club des jacobins, créé en 1951 par Charles Hernu, et de la ligue du combat républicain, fondée en 1960 par François Mitterrand.
Le congrès d'Epinay qui se tient les 11,12 et 13 juin 1971 a pour objectif de rassembler, au sein du Parti Socialiste rénové, la CIR, le NPS et les nouveaux adhérents. Pour les socialistes, il s'agit de rénover le Parti et de le doter d'un leader, capable d'inverser le rapport de force entre les socialistes et les communistes qui, à cette époque, rassemble près d'un quart de l'électorat.
François Mitterrand peut compter, à l'intérieur du NPS, sur le soutien des opposants à Guy Mollet. Cette minorité regroupe d'une part, l'aile modérée menée par Pierre Mauroy, patron de la fédération du Nord, et par Gaston Defferre, patron de la fédération des Bouches du Rhône et d'autre part, l'aile gauche, menée par Jean Pierre Chevènement et Didier Motchane qui plaident en faveur d'une alliance avec le PC et de la rédaction d'un programme commun de gouvernement.
A la direction du NPS, Guy Mollet et Alain Savary, pour leur part proposent, en préalable, de discuter de la doctrine avec le parti communiste, avant de s'engager plus loin. Pour tous les observateurs, il apparaît clairement que la prise du pouvoir, au sein de la nouvelle organisation représente le véritable enjeu du congrès.
17 motions soumises aux votes
Six motions principales sont soumises aux votes des congressistes mais en réalité 17 motions, (de A à R) seront présentées. La Bretagne se distingue en présentant la motion G, signée par les 4 premiers fédéraux de Bretagne dont Francis le Blé pour le Finistère. Cette motion, particulièrement moderne, demande que chaque région française soit représentée au comité directeur du PS. Dans l'exposé des motifs, les socialistes bretons expliquent notamment que " les problèmes économiques et sociaux, les problèmes d'investissement, de planification, dépassent aujourd'hui largement le cadre des départements et se posent dans celui de la région. La régionalisation doit devenir un grand thème de lutte du Parti Socialiste. (...) il est nécessaire d'adapter la structure du Parti Socialiste à la réalité régionale, tout en maintenant l'organisation départementale classique pour les problèmes purement politiques ( stratégie et tactique, candidatures etc...). Cette motion ne sera pas adoptée par le congrès. La commission des résolutions "propose de renvoyer cette question, avec les autres questions relatives aux structures régionales dans le parti, à l'examen du comité directeur."
Les principales motions sont présentées par Vincent (J), par objectif 72 (K) par Mermaz (L), par Poperen, (M) par Savary et Mollet, (O) par Chevènement (P) et par Mauroy et Defferre (R)
90 719 adhérents votent sur ces motions : Savary-Mollet obtiennent 34 % des voix, Mauroy Defferre 30 %, Mermaz 15%, Poperen 12% et Chevènement 8,5 %.
Dans la fédération du Finistère, 307 adhérents se sont prononcés lors du congrès de Morlaix qui s'est tenu le 6 juin 1971. Parmi ces adhérents : 180 appartenaient au NPS, 45 ˆ la CIR et 22 étaient des nouveaux adhérents. Sur ces 307 socialistes, 278 se sont prononcés en faveur de la motion M ( Poperen) 17 pour la motion O ( Savary) et 12 pour la motion R ( Mauroy).
A la suite de ces votes, Alain Savary, d'un coté, et François Mitterrand de l'autre proposent des textes qui doivent déterminer le futur leader du PS. Jean Poperen se rallie à la thèse de Savary, tandis que toutes les autres motions soutiennent François Mitterrand : sur 90 719 votants, 43 923 votent pour le texte de Mitterrand et 41 757 pour celui de Savary. C'est donc avec le soutien du CERES et des grosses fédérations des Bouches du Rhône et du Nord que François Mitterrand prend le contrôle du PS. Il demeurera à ce poste jusqu'en 1981, date à laquelle Lionel Jospin lui succédera. Les résultats de la fédération du Finistère sont : 295 voix pour Savary et 12 abstentions. Le Finistérien, Jacques Martinais siégera au comité directeur au titre de la motion M.
La dynamique d'Epinay
Ce congrès marque le début d'une période de développement pour le PS dans le Finistère. Durant le printemps 71 et après le congrès de Morlaix, Francis Le Blé, secrétaire fédéral, visitera tout le département pour soutenir les sections qui se montent. Le 3 avril, les adhérents de la région de Morlaix se réunissent à Ploujean. Le 1er mai, la fédération organise à Brest, un colloque sur le thème : " la stratégie du parti de tous les socialistes ". A Brest le 13 mai 1971, une conférence débat, animée par Jean Poperen et Claude Estier rassemble plus de 150 personnes. En outre, de nombreuses réunions d'informations, destinées aux sympathisants sont organisées.
Le congrès fédéral qui se déroule à Morlaix, le 6 juin 1971 donne d'ailleurs à de nombreux " inorganisés " l'occasion de rejoindre le PS, puisque, comme le souligne Ouest France, " sur les 400 mandats rassemblés dans le département près de 100 ont été souscrits par des adhérents jusqu'à présent étrangers à toute organisation politique (...) la grande majorité de ces nouveaux est très jeune ". Ce n'est donc pas un hasard si c'est une " inorganisée ", Madame le Berre, qui est désignée pour présider le congrès.
Il ressort du congrès de Morlaix que les militants souhaitent, à une grande majorité, un parti ancré, résolument à gauche. Des accords avec les communistes sont voulus par tous. En outre tous les militants présents à Morlaix se prononce pour " un puissant parti socialiste et la recherche de l'unité de la gauche. "
Les objectifs de la fédération sont, d'une part de recruter de nouveaux adhérents et de créer le maximum de sections sur l'ensemble du département, et d'autre part de réaliser un gros effort en ce qui concerne la formation des adhérents.
Dès le mois d'avril 1971, la fédération socialiste du Finistère publie un bulletin mensuel dont le titre est le " Combat socialiste du Finistère ". On y trouve les textes préparatoires du congrès d'Epinay, des discours de responsables nationaux et des tribunes libres.
Dans l'éditorial du Combat socialiste du Finistère n°4, daté de juillet 1971, Francis Le Blé se réjoui des perspectives qui s'ouvrent après le congrès d'Epinay : " le large regroupement de militants qui constitue désormais le Parti Socialiste, la volonté d'ouverture qui s'est manifestée en son sein, tant au plan départemental que national, l'orientation à gauche, clairement affirmée et la prise en considération de la nécessité de poursuivre la formation des militants, créent les conditions pour construire le grand parti de masse et d'action qu'attendent les travailleurs. "
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