Introduction :
Les Socialistes ont toujours porté la vision d’un monde plus juste et fraternel. C’est du fait de cet idéal que Jaurès fut assassiné et ce combat est poursuivi par des milliers d’anonymes à travers le monde.
Plus que jamais le fracas du monde a jailli dans nos vies : qu’il s’agisse de l’irruption de la pandémie, des réfugiés laissés dans le dénuement par des passeurs, et plus récemment encore par le retour d’un conflit interétatique meurtrier et illégal sur le sol européen. Comment ne pas se sentir concerné par les inégalités entre femmes et hommes ou ne pas vouloir remettre radicalement en cause les dérégulations et les délocalisations qui ont été la norme et qui continuent ? Comment ne pas vouloir être acteur du progrès humain dans un monde qui s’appuie sur des inégalités toujours plus criantes ?
Le monde fourmille pourtant d’initiatives, de militant.e.s, d’innovations à même de relever tous les défis. Alors, nous, Socialistes, avons la responsabilité de renouveler en profondeur notre pensée sur le monde, à même de répondre aux défis de notre époque. Car oui, hier comme aujourd’hui, on ne peut avoir la gauche au cœur sans être internationaliste.
Paix et justice : les valeurs indépassables des Socialistes
Un ordre international qui n’en a plus que le nom
Le monde est moins sûr aujourd’hui qu’hier. Qu’il s’agisse des ruptures de chaînes d’approvisionnement, de crises alimentaires, des points de bascule climatique, de conflits et du terrorisme, la sûreté des populations est en recul et les institutions internationales se sont trouvées incapable d’y répondre.
Cet ordre néo-libéral dominant, qui a réussi à quelques-uns maintient le plus grand nombre dans la pauvreté et dans la concurrence internationalisée. Les inégalités, repoussant sans cesse les limites de l’indécence, ne cessent de progresser alors que sont révélés super-profits de multinationales, optimisations fiscales, courses au dumping fiscal et social, montages offshore et que le moins-disant social, bien loin d’être l’exception est la règle.
Étrangement, nous, Socialistes, nous sentons parfois déboussolés face à tant de défis, alors que nous portons historiquement les solutions à ces bouleversements ! Il est plus que temps de réformer le système onusien, pour une représentation enfin juste des peuples, les institutions financières et monétaires, alors qu’il faut plus d’ambition et de moyens pour éradiquer la pauvreté, améliorer le bien être humain et préserver le vivant sur cette planète. N’ayons pas peur de porter avec nos partenaires le combat pour l’annulation des dettes, pour la régulation des GAFAM et la protection de nos données. Refusons les traités de libre-échange qui soumettent les États à des tribunaux privés. Engageons-nous pour préserver les communs qui assurent notre avenir. Cet avenir doit être celui de plus de droits alors que tant de reculs sont constatés sur la planète.
S’appuyer sur les dynamiques civiles pour lutter contre les impérialismes
L’invasion brutale de l’Ukraine par la Russie poutinienne, soutenue par des alliances que nous réfutons, a sonné comme un coup de tonnerre dans notre horizon. Depuis lors notre solidarité n’a de cesse d’aller au peuple ukrainien qui résiste vaillamment aux troupes du despote. Si ce conflit nous rappelle que la guerre est toujours possible, il illustre la quête de puissance absolue à laquelle se livrent nombre de dirigeants autocrates, dans les pétromonarchies, en mer de Chine ou ailleurs. Le monde ne peut que pâtir de la guerre commerciale entre Washington et Pékin, et alors que resurgissent partout des logiques de blocs, pour mieux contrôler des pans du monde. Internet devient une arme de contrainte massive dans le sillage de George Orwell. Cette quête n’est d’ailleurs plus le seul apanage de gouvernements, l’emprise des GAFAM et autres géants du numérique appelle à une régulation beaucoup plus contraignante.
Mais sans même aller à l’autre bout du globe pour chercher les nouveaux impérialismes, nous, Socialistes, devons jeter un regard lucide sur les comportements et réseaux impérialistes en Europe, et en premier lieu français - qu’il s’agisse des Outremers, de l’Afrique ou même de nos partenaires européens. Nous nous devons de porter une éthique de l’écoute et du partenariat, de porter le dialogue au service des sociétés et des dynamiques citoyennes. Nous réaffirmons notre rejet des surenchères militaires et bellicistes, alors que des armes toujours plus perfectionnées peuvent anéantir toute vie, et plusieurs fois. Notre ambition fut, est, et restera la paix.
Agir pleinement pour l’amélioration concrète des conditions de vie des individus
Cette paix durable, fondement de l’internationalisme socialiste, ne peut advenir sans éradication de la pauvreté et des inégalités sociales. C’est pourquoi nous lutterons toujours contre les trafics et les rentiers de la misère et du désespoir. En ce sens, nous faisons le vœu de refaire de la Méditerranée non plus un cimetière marin mais un espace commun de partage et de dialogue des cultures, porteur de projets entre deux rives, faisant échos aux métissages de nos populations. L’amélioration des conditions de vie, quel que soit le rivage, doit ainsi être la base de notre logiciel. Nous militons pour une sécurité sociale universelle, pour faire du travail décent la norme. En somme, nous affirmons le primat du politique sur l’économie.
L’agenda ambitieux adopté en 2015 par les Nations-Unies, et l’ensemble de ses membres, fixe à 2030 l’éradication de la pauvreté et l’amélioration globale des conditions de vie des femmes et des hommes. La pandémie de Covid-19 a fait perdre en deux ans l’équivalent de 10 ans de gain de développement sur les cinq continents. C’est pourquoi, plus que jamais, nous pensons que les objectifs de développement durable permettent de structurer nos modes d’actions, car ils embarquent les pays du Nord et du Sud sur les mêmes cibles, de manière soutenable.
2. Face à l’urgence climatique, le défi de porter une transition juste et durable
Passer de l’indignation à l’action - penser global, agir local :
Nous n’avons jamais eu autant accès à l’information et pourtant les actes tardent à venir face au défi du siècle : la lutte contre le dérèglement climatique, la préservation de l’environnement et de la biodiversité. Le temps est compté : il s’agit d’assurer nos conditions de vie et celles de nos descendants. La succession des catastrophes climatiques sur des territoires jusqu’ici épargnés doit nous pousser à agir, plus vite et plus fort, dans la justice sociale.
Notre responsabilité est d’adapter nos sociétés au réchauffement climatique dès maintenant. Nous avons brûlé nos opportunités d’atténuer les effets du dérèglement climatique. La France, avec ses façades maritimes, ses collectivités d’Outremer, en grande majorité insulaires, a la particularité d’être particulièrement vulnérable, alors qu’elle abrite une biodiversité unique.
L’Union européenne est l’échelon adéquat pour engager cette mutation profonde et inventer de nouveaux imaginaires et modes de vies tournant le dos à la société de consommation. Pour cela, les forces progressistes et socialistes doivent élaborer ensemble une palette ambitieuse de mesures et faire émerger une candidature commune à la présidence de la Commission européenne, qu’elles porteraient conjointement au Manifesto lors des élections européennes.
Assumer la responsabilité de l’Occident dans l’état actuel du monde
Les pays occidentaux ont été les principaux bénéficiaires de l’exploitation des matières premières, trop souvent dans une logique de prédation, hier coloniale, aujourd’hui inéquitable. Cette répartition entre économies exportatrices de leurs ressources et économies transformatrices est toujours l’une des plus grandes iniquités des structures capitalistiques. A chaque crise économique, les pays en développement se trouvent un peu plus fragilisés du fait de cette trop grande dépendance aux exportations. C’est pourquoi, dans l’approche de l’Agenda 2030, nous voulons faire des politiques de développement durable le socle du soutien aux pays en développement, dans une logique de diversification de leurs économies. Nous militons pour qu’1% du budget de l’Etat aille aux projets de développement durable et climatique, avec une priorité nette pour l’Afrique et les Etats insulaires.
L’Afrique, point de bascule contre le dérèglement climatique
L’Afrique est jusqu’ici le continent qui produit le moins de gaz à effet de serre et qui subit déjà le plus les effets du changement climatique. Son développement, légitime, et sa croissance démographique ne peuvent être invoqués pour empêcher son émergence, en tant que puissance économique mondiale, au nom de la lutte contre le dérèglement climatique - alors que le capitalisme s’est nourri de ses richesses. Pourtant, c’est en Afrique que se jouera la bataille climatique, car c’est le continent qui a le plus d’infrastructures à construire au monde dans les prochaines décennies.
Aussi nous devons redéfinir les relations franco et euro-africaines autour de partenariats climatiques, et accompagner les porteurs de projets engagés dans cette transition unique. Partir des projets des sociétés civiles, de nos partenaires, devra nous amener à contrer des positionnements et attitudes encore trop souvent paternalistes et à la carte dans les condamnations politiques. Cette approche nous permettrait de sortir enfin des reliquats de la “Françafrique” quand la jeunesse des populations concernées devrait permettre d’imaginer de nouvelles relations plus honnêtes et équitables - notamment autour de nouveaux imaginaires et projets francophones.
3. Partir de nos atouts pour refonder un idéal humaniste
Repenser l’Europe-Monde
Les Socialistes doivent renouer avec une vision profondément géopolitique du projet européen, tel qu’à ses débuts. Avec nos partenaires de l’Union européenne, nous devons définir des secteurs stratégiques qui seraient rapatriés sur le sol européen, et protégés de tous les Etats n’ayant pas mis en œuvre des mesures de réciprocité. La Défense doit être mieux coordonnée au niveau européen, car la sécurité du continent est une priorité absolue. Nous considérons qu’une défense commune, coopérant avec l’OTAN mais également capable d’agir seule, est indispensable pour l’assurer.
L’autre volet auquel nous tenons est la défense des valeurs européennes. Au-delà d’un marché commun, l’Europe doit rester un espace de liberté, de démocratie exemplaire concernant les droits humains et la transition écologique. Face à la montée des conservatismes, nationalismes et mouvements obscurantistes, l’Europe doit faire de sa diversité culturelle une force et donc faire de la culture une donnée structurelle de son projet. Elle doit porter haut le soutien aux défenseurs de la démocratie, en son sein, à ses portes et dans le monde.
Ses partenariats de voisinage, doivent être repensés en profondeur : du bassin méditerranéen au Caucase, en passant par le Grand Nord, ou par l’ensemble des collectivités ultramarines européennes. Cette perspective repousse les frontières de l’Union hors des frontières du Vieux-continent et nous rappelle à notre responsabilité mondiale. Parmi les voisinages l’Europe doit agir pour concrétiser le projet des deux Etats israélien et palestinien. Enfin, les alliances stratégiques seraient débattues à l’échelle européenne pour harmoniser une même vision du monde et porter une diplomatie plus cohérente. En un sens, nous ne concevons plus les affaires européennes comme étant “étrangères” : elles sont communautaires.
Promouvoir le dialogue culturel face au fracas des armes
Nous pensons que le dialogue et la diplomatie doivent toujours prévaloir sur les armes. La France dispose d’un réseau et d’opérateurs diplomatiques qui sont aujourd’hui en péril du fait des réformes du président Macron et de baisses continues de budgets et de réductions de personnels. C’est pourtant grâce à eux, sous présidence socialiste, que la France a pu réussir, lors la COP21, à donner naissance au premier accord universel sur le climat : l’accord de Paris. Face à la montée des périls, nous promouvons des actions concrètes de terrain selon l’approche “diplomatie, développement et défense”, qui permet un continuum d’opérations de terrain au service des populations dans le besoin, en parallèle d’une refonte de notre dispositif militaire à l’étranger.
Les outils et dispositifs performants, les tissus associatifs et professionnels français et européens qui préservent la diversité culturelle sont à renforcer et valoriser, dans ce moment où les sociétés se défient et où la connaissance de l’autre, paradoxalement, recule, et alors que les dynamiques actuelles tendent vers une uniformisation des productions et de la création, sous la coupe de quelques géants étasuniens. A travers la Francophonie, les pays francophones pourraient porter des projets ambitieux reposant sur d’autres dynamismes culturels.
Contre les obscurantismes, pour les valeurs internationalistes
Nous ne pouvons être naïfs sur l’état du monde alors que les obscurantismes se renforcent (religieux, identitaires, sociaux, etc.). Face au retour des fascistes au pouvoir, l’Europe doit rester le continent à la pointe des combats progressistes.
Notre agenda est celui de l’égalité et de la solidarité : il est féministe, pour les droits humains, en appui des sociétés civiles et pour tous les combats du progrès humain, comme l’abolition universelle de la peine de mort. Nous soutenons tous les combats pour l’égalité et contre toute forme de discrimination, les actions féministes à travers le monde (dans les rues iraniennes, pour la scolarisation des filles en Afrique, les droits des femmes afghanes, Pro-choice aux US, pour l’IVG en Pologne ou à Malte…), celles qui renforcent les liens sociaux, la citoyenneté, les médiations (l’Ubuntu cher à Mandela, ou l’artivisme soutenu par le Prix Nobel Mukwege). Plus que jamais nous devons porter la voix des mouvements citoyens qui agissent pour la transparence et contre la corruption. Nos compatriotes issus des diasporas et ceux vivant à l’étranger peuvent ainsi être des ambassadeurs entre ces mouvements et nos organisations. Nous promouvons les coopérations souples entre collectivités, qui traduisent la solidarité en actes.
Enfin, nous devons accompagner nos partis frères et organisations sœurs progressistes, dans le sillage de l’élection de Lula*, dans leurs campagnes face à ces conservatismes plus ou moins rampants. Notre action doit s’inscrire au-delà des temps électoraux, dans une large famille comme l’Internationale Socialiste revigorée, à travers le soutien aux militants et activistes sur le plan des idées, en développant un programme ambitieux de formations, avec l’appui de nos organisations partenaires, comme la Fondation Jean Jaurès. Ce texte renouvelle l’engagement internationaliste du PS et actualise ses positions afin de mobiliser ses militants à l’avenir.
*sous réserve des résultats de l’élection présidentielle brésilienne.
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