Faire reculer l’extrême-droite dans les urnes et dans les vies
Premiers signataires* : Ninuwé Descamps(83), Sébastien Baguerey(40), Fanny Pidoux(45), Yasmine El Jaï(75), Maxime Zafiropoulos(83), Pierre Coste(83), Damien Lerouge(08), Alexandre Goutagny(93), Louis Estelle(04), Léopold Comtet(75)
*(Signataires en bas de page)
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Il y a dans le combat contre les idées rétrogrades, une profonde réflexion sur le sens du collectif et la manière dont nous faisons, ensemble, société. Car il faut le dire et le répéter, c’est dans la plus profonde inégalité sociale et le sentiment violent de l’injustice que se trouvent les racines de l’extrême droite et du fascisme.
En 2027, le scrutin présidentiel précédera les 80 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et s’il faut se réjouir de cette date anniversaire, nous ne pouvons que déplorer qu’elle s’accompagne d’une montée inexorable des extrêmes et cela depuis près de 20 ans. C’est le bafouement des valeurs humaines fondamentales de solidarité et de progrès que l’on observe depuis les années 90 aux quatre coins de la planète. Nous vivons une époque troublée et traversée par les crises.
Ce temps où nous pensions que les différences s’effaceraient au profit de l’inclusion et de la justice sociale appartient désormais à l’Histoire et résonne aujourd’hui comme un idéal à atteindre. Il ravive le combat de nos camarades passés et des grandes luttes de l’Histoire. De Maurice Thorez à Victor Hugo, de Léon Blum à Jean Jaurès, qui chacun - de par leur propre histoire ou leur classe sociale d’appartenance - luttaient et réaffirmaient sans cesse, cette nécessité à l’émancipation sociale et à l’anéantissement des idées avilissantes. Il est aujourd’hui de notre responsabilité, urgente, de ramasser le flambeau pour contrer les idées fascisantes qui reviennent avec force et violence dans le débat social. Car oui, le fascime avilie, le fascisme anéantie l’individu. Oui, le fascisme supprime toute possibilité aux individus de s’épanouir, d’avoir la pleine liberté de vivre selon leurs croyances, leurs valeurs, leurs aspirations. Oui toujours et encore, c’est le fascisme et les extrêmes qui sont le lit de ces provocations à la liberté fondamentale. C’est le fascisme, enfin, qui met en avant cette société du plus fort et où les plus fragiles sont niés et mis à l’écart, invisibilisés, outranciés, violentés. C’est de cette domination qui n’a pas sa place au Parti Socialiste, et en tant que militant·es de gauche, qu’il nous incombe d’agir.
Le constat est sans appel. A la fin des années 90, nous ne comptions que quelques communes Front National. Aujourd’hui, l’extrême droite a continué d’accroître son emprise territoriale en conquérant plus de mairies, plus de territoires : Perpignan, Fréjus, Hénin Beaumont, Béziers, des territoires ruraux aux petites villes, nous ne sommes plus à l’abri de voir le Rassemblement National prendre les rênes d’une métropole. Des territoires, dits de la diagonale du vide, où ceux qui autrefois étaient des bastions ouvriers ont été perdus par nos camarades et gagnés par une gangrène qui, ne nous cachons pas, ne profitera jamais aux plus fragiles. Paradoxalement les premières mairies gagnées par le FN ont été perdues après seulement un mandat car incapables de répondre aux problématiques des populations.
Le 21 avril 2002 le candidat frontiste parvient pour la première fois à atteindre le second tour d’une élection présidentielle. Depuis, le FN n’a jamais cessé de croître. En avril 2022, soit 20 ans après son père, Marine Le Pen obtient plus de 13 millions de voix au second tour, 41,5% des suffrages exprimés. Cependant, si elle échoue à remporter le suffrage, elle réalise le score le plus élevé jamais obtenu avec son parti du Rassemblement national.
En juin 2022, ce sont 89 député·es Rassemblement National (RN) qui font une entrée fracassante au sein de l’hémicycle de l’Assemblée Nationale.
ANALYSE DU VOTE RN
Le RN a contre toute attente une forte assise populaire. Son électorat, historiquement à gauche, a été conquis à 45% par des ouvriers contre seulement 18% en faveur de la NUPES. Parmi ces électeurs, les 50-59 ans sont majoritaires avec un taux allant à 30% et une forte prédominance de non-bacheliers (28%) et d’électeurs se déclarant d’un milieu social défavorisé (31%). En d’autres termes, c’est l’électorat qui aurait le plus à souffrir des politiques du RN qui votent en leur faveur et, si l’on sait qu’il devrait se tourner vers la gauche, nous assistons au détournement de leur voix car la notre ne porte plus.
Du sentiment de relégation au vote contestataire.
Ainsi, il nous incombe de parler à nouveau à ces personnes dans la tourmente de la vie dure et des combats du quotidien pour une vie digne. Les variables chômage, pauvreté́ et de non qualification étant corrélées, il faut noter que sur les 108 circonscriptions cumulant ces triples problématiques, les trois-quart ont porté leur voix vers des candidats députés de la NUPES (39%) ou du RN (38%). De cette observation, nous retiendrons que le vote RN ou NUPES ne constitue pas toujours un vote d’adhésion mais aussi un vote de contestation.
A cela, portons aussi notre attention sur le poids de nos bilans car si les votes pour la NUPES ou le RN ne sont pas des adhésions, le résultat de nos actions concrètes pour lutter contre la vie chère sera scrutée au cordeau par les électeurs. Mais cette vigilance vaudra également pour les élus du RN, ce qui conditionnera leur inscription au long terme au sein de chaque territoire. Nous préconisons d’assurer une veille très active et fine des équipes locales pour pointer chacun de leurs faits et gestes quand ceux-ci s’inscrivent en dehors des politiques de progrès et d’égalité.
Au sentiment de relégation sociale observé dans les 108 circonscriptions réparties majoritairement et de façon hétérogène dans les Hauts-de-France, Ile-de-France, Occitanie, PACA et Grand Est, s’ajoute un facteur de non-qualification qui constitue un levier important pour le RN.
De nombreux autres facteurs peuvent contribuer au sentiment de relégation et d’éloignement de certaines populations aux enjeux démocratiques et avoir un impact sur les politiques publiques nationales. L’un de ces facteurs est le phénomène d’illettrisme ou de bas niveau de qualification. Daniel Fujiwara (2015), chercheur de la LSE démontre qu’au Brésil, l’introduction du vote électronique avec photos des candidats et autres dispositifs facilitant le vote a permis de réduire la fraction de votes nuls. Cette innovation permet d’augmenter le rôle des plus défavorisés dans les choix électoraux et ainsi, une fois élus, l’augmentation des politiques publiques en matière de formation et d’accompagnement des plus fragiles. Nous préconisons là aussi de lutter activement contre les inégalités à l’accès de la vie citoyenne.
Enfin, le Conseil d’analyse économique relève dans un rapport sur l’abstention (2022) que les populations au chômage sont celles qui participent le moins aux choix démocratiques nationaux (et qui ne bénéficient pas, de fait, des politiques éventuelles qui favorisent leur essor social), que le poids de leur vote (en % de la population totale) est minime et que la précarité́ de l’emploi est un facteur de démobilisation électorale.
2. L’effort d’image du RN
La dynamique électorale du RN se construit en tout premier lieu sur la stratégie de dédiabolisation et de normalisation enclenchée par Marine Le Pen dès les années 2010 pourtant en contradiction avec leur programme, notamment sur le respect des minorités et les choix économiques en matière de justice sociale. Ils tendent ainsi à gommer beaucoup de références à leur histoire, leurs racines et leur lien avec les anciens fondateurs issus de la Waffen SS, de l’extrême droite et de la cutlure raciale tout en polissant leur image antisémite.
Le parti est passé d’un champ lexical guerrier (« Front ») à un champ lexical rassembleur. Si aucune référence n’est faite à Jean-Marie Le Pen, à l’OAS, à la colonisation, ou à la seconde guerre mondiale, l’essence et les motivations initiales sont restées, elles, intactes.
En s’offrant une “respectabilité” qui rassure l’électorat auparavant frileux et opposé aux idées de l’extrême droite, ils amènent des citoyen·nes à franchir le pas alors que cela était impensable quand il était dirigé par Jean-Marie Le Pen.
3. Le rejet du politique.
L’électorat a semble-t-il rejeté massivement les partis traditionnels pour se tourner vers des formes de radicalité. L’effacement des différences idéologiques traditionnelles a participé à la dilution des identificateurs politiques de deux blocs historiquement reconnus auxquels s’ajoute l’influence du candidat LREM en 2017 s’affirmant comme ni de gauche, ni de droite. Sans possibilité de recours à un parti d’opposition, une partie de ces électeurs s’est tourné vers des partis radicaux avec des positions plus tranchées et s’affirmant contre une doxa considérée comme majoritaire. Jouant d’un va-tout démocratique et las de ne pas voir leurs conditions s’améliorer au fil des mandatures, une forme de ras-le-bol s’est installée dans la population.
Enfin, le rejet et l’incompréhension de la politique européenne ont participé à la montée du RN. L’électeur ne comprenant pas les enjeux qui engagent les politiques communautaires, on observe une défiance grandissante envers les partis européanistes. Il y a là un sujet d’engagement fort de pédagogie et d’accompagnement de nos actions à ce niveau et en dehors des campagnes électorales européennes. Nous préconisons d’accroître et d’améliorer nos communications, au nom du Parti Socialiste mais également au nom de nos élu.e.s européens, pour contribuer au sentiment d’appartenance à l’UE.
II. UNE STRATÉGIE DE PLAIDOYER POUR RECONQUÉRIR NOTRE ÉLECTORAT
Former nos militant·es
Le militant est parfois désemparé lorsqu’il se trouve face à un électeur RN. Il faut pouvoir lui donner les moyens de disposer d’un « Kit EDL ». Il faut pouvoir aussi préconiser des formations militantes sur cette stratégie et doter les élus d’un cadre d’actions facilitant la lutte.
Réfléchir à une stratégie “front républicain”
Si l’électeur comprenait cette démarche en 2002, force est de constater qu’il ne la comprend plus en 2022. La peur du FN tel qu’on l’a connu en 2002 avec le duel Chirac/Le Pen est de moins en moins partagée par les français. L’appel au vote républicain ne fonctionnant plus ou quasiment plus, il favorise le RN et la droite en détruisant durablement la gauche tant dans son image que dans sa représentativité dans les instances d’élus.
L’électeur voit ainsi dans le RN la seule opposition « crédible » à la droite de Macron et des LR. Dans cette optique et en cas de saisine d’un front républicain, il faudra consulter obligatoirement les militants locaux et prendre en considération leur décision.
Inventer des outils et mettre en place une stratégie de conquête de l’électorat cible spécifique à la lutte contre l’extrême droite
Doter le parti d’un groupe d’action dédié à la rédaction de tracts (marketing politique, pédagogique et idéologique) à destination de notre électorat tout en adaptant le langage et le ton. Le parti doit retrouver sa capacité d’agir et proposer des actions concrètes éradiquant les sources du vote rassemblement national (lutte contre les fake news et cible des choix idéologiques).
Enfin, favoriser l’égalité réelle, lutter contre la pauvreté, garantir l’égal accès aux services publics, lutter contre le chômage et le mal emploi c’est lutter contre les extrêmes.
Action à mener
Nous partons du constat que le RN ne défend pas les plus précaires dans les collectivités où ils sont en responsabilité et contribue à stigmatiser les populations, à baisser les subventions par idéologie, ou mettre en péril financier des associations qui luttent contre la précarité ou l’accès à la culture.
Nous proposons de communiquer sur leurs actions en publiant les votes à l’Assemblée Nationale ou au local. Au plan européen, les élus du RN favorisent le nationalisme et freinent le bon déploiement d’une politique européenne tournée vers les plus précaires. Comme dans le point précédent, et à l’instar de nos amis écologistes nous préconisons de communiquer en interne comme à l’externe sur leurs choix de votes ou de posture en matière de mesures urgentes pour les plus précaires. Nous devrions être en mesure dans le cadre des élections européennes, de construire une campagne ciblée sur la défiance de l’électorat RN vis-à-vis de l’Europe et adopter des propositions alternatives sur chaque thématique portées par le RN (mondialisation régulée, lutte contre le libre-échange, souveraineté économique, défense du modèle social européen).
Mise en place d’une veille et remontée de toutes les actions des élus RN. Montrer aux électeur·rices que les élus RN ne défendent pas leur intérêt tant dans les circonscriptions qui regroupent les indicateurs précarité/pauvreté/chômage, qu’ailleurs. La gauche doit montrer qu’elle est la mieux placée pour répondre aux problématiques des citoyens.
Regrouper tous les militant·es des départements en difficultés pour mettre en commun les solutions, actions et idées et proposer des jumelages de sections pour créer des comités d’actions, d’entraides et d’échanges.
Organiser les assises autour de notre combat commun contre l’extrême droite avec tous les partis de gauche, les syndicats, organisations caritatives, associations et acteurs de l’éducation populaire dans les territoires impactés.
Muscler la riposte sur les réseaux sociaux en déconstruisant le discours du RN, 2ème parti le plus actif sur les réseaux sociaux auprès des jeunes. Nous devons investir ces espaces et permettre une riposte efficace aux positionnements et interventions politiques en direct sur des outils favorisant une communication directe (Twitch, Twitter, Tik Tok…).
Nous proposons également de créer une cellule de riposte digitale coordonnée à l’aide d’outils qui favorisent la coopération entre militant·es (comme discord).
Améliorer la préparation et travailler à un média-training des camarades qui se rendent sur les chaines TV qui sont entendues pro-RN.
Réfléchir collégialement au fonctionnement du parti en améliorant les échanges démocratiques (décentralisation accrue) : Il faut donner à cette stratégie la possibilité d’être décentralisée et que chaque militant·e ou élu·e de notre parti puisse proposer des solutions et participer (même sporadiquement), s’ils le souhaitent, au travail commun.
La task force doit être un lieu de formation et d’information accessible à chaque militant et élu. Nous savons aussi que dans certains territoires, nos sections sont dépeuplées - et ont même disparues. Nos camarades ne doivent pas se sentir seul·es face à la violence des élu·es et militant·es RN. Elle doit permettre aux membres exposés à des cyber violences d’identifier des interlocuteurs en capacité d’accompagner les militants et élus concernés (soutien accueil, orientation, appui juridique - permanent-). De la même manière que le parti est doté d’une cellule de lutte contre les Violences Sexistes et Sexuelles, le parti doit se doter dans le cadre d’une stratégie d’occupation du débat public plus musclé d’une cellule de lutte contre le harcèlement et cyber-harcèlement.
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Signataires :
Remi Cardon (80), Nora Mebarek(13), Dimitri Biche (83), Arnaud Bord (30), Dieynaba Diop (78), Marilyne Cosme (93), Franck Guillory (75), Flavien Cartier (86), Dylan Boutiflat (45), David Jacquet (45), Baptiste Chapuis (45), Anne Le Moal (93), Yannick Trigance (93), Estelle Picard (79), Laure Botella (95), Aline Jeudy (03), Mahmoud Farwati (03), Aschwin Ramenah (93), Amély Hébel (75), Paul Gabriel (30), Florent Lacarrère (64), Fatima El Hadi (30), Vincent Poutier (30), Armelle Poutier (30), Ryad Selmani (75), Céline Hervieu (75), Frédéric Orain (41), Malika Bonnot (69), Patrick Bequet (35), Julien Samak (20), Eric Ducros (86), Christelle Berenger (41), Roger Pham (65), Pierre-Karl Zahner (59), Mohamed Moulay (37), Patrick Marin (65), Marc Gricourt (41), Esteban Calles-Icard (04), Alex Gerbaud (87), Jacqueline Vetticoz (08), Brigitte Marciniak (56), Anthony Hélène (94), Anzil Tajammal (59), Céline Henquinet (75), Sévillane Lambret (75), Bernard Fernandes (93), Leo Logiou (68), Marc Hubert (45), Elias H’limi (94), Béatrice Bellay (972), Bastien Gracia (33), Antonin Mahé (22), Simon Blin (41), Rémy Lorblancher (75), Simon Boucaud-Labouyrie (75), Micheline Vray (83), René Vray (83), Samira Laal (62), Youri Etillieux (93), Stéphane Gauthier (56), Florence Fortin-Braud (56), Tony Ben Lahoucine (36), Benjamin Schneider (75), Mathieu Delmestre (75), Louis L’Haridon (95), Daniel Guiet (36), Bertrand TchoKouanga (36), Marie C. El Jaï (66), Annick Chopard (30), Magali Prin (04), Jacqueline Boccardi (83), Jackie Renaud (03), Alexis Bouchard (35), Nicolas Ljubenovic (78), Mathieu Bogros (03), Paola Valenti (04), Franck Charlier (71), Joris Vives (83), Catherine Chevalier (92), Christiane Constant (69), Nicole Samour (52), Sébastien Vincini (31), Pierre Kiani (95), François Briançon (31), Joseph Marin (31), Claude Jean-Louis (78), Liliane Girondeau (78), Monique Brochot (78), Thierry Coulombel (62), Joël Lebret (31), Ingrid Berthou (29), Jean-François Thil (78), Monique Brochot (78), Luc Charpentier (12), Violaine Gillet (71), Many Coulibaly (31), Jean Luc Baumard (79), Michèle Vitrac-Pouzoulet (78), Anthony Perrin (54), Arnaud Hilion (82), Yseline Fourtic-Dutarde (94), Corine Marcien (31), Michelle Faury (30), Paul Gabriel (30), Laurant Osmani (59), Fernand Soler (30), Stéphane Gazull (30), Jean-Pierre Goldstein (30), Claude Roux (30), Antoine Mokrane (93), Mireille David (30), Tom-Eliott Swartz (78), Denise Schubert (30), Laurent Bastide (30), Bernard Rocoplan (30), Anne-Juliette Tillay (93), Claudette Brunel (30), Joseph Ferré (30), Arthur Job (59), Jean-Michel Ravel (30), Audrey Gatian (13), Gulsen Yildirim (87), Christiane Thomas (30), Gérald El Kouatli (54), Bernard Rocoplan (30), Halima Delimi (FFE),
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