Handicap : tous concernés
1 Définition du handicap :
Tout d’abord l’importance des mots, en particulier en politique. Nous optons en effet pour la terminologie « personnes en situation de handicap », notamment du fait de la théorie de l’escalier (une personne en fauteuil devant un escalier, ce qui pose problème, c’est l’escalier) et pour mettre en avant la notion de barrières environnementales, sur laquelle l’action politique a un impact direct.
Ensuite, cette définition se justifie aussi pleinement au regard de ce qu’affirme également l’OMS, qui fait apparaître la dimension environnementale dans sa définition officielle du handicap. C’est aussi le collectif qui s’adapte à l’individu, et non l’inverse, ce qui est pleinement en phase avec la pensée socialiste.
Puis, il convient également d’insister sur la notion de temporalité, dans la mesure où une situation de handicap est possiblement transitoire, provisoire, ce qui permet de dire que tout à chacun est potentiellement concerné.
En effet, nous reconnaissons non pas quatre types de handicap (moteur, mental, auditif, visuel), mais cinq, avec cette perspective que tout le monde, au regard des parcours de vie peut être à un moment potentiellement concerné, aussi bien soi même que ses enfants (accident, maladie), mais aussi les personnes âgées (surtout au regard du vieillissement de la population, avec deux fois plus de personnes âgées qu’aujourd’hui dans les 30 ans à venir), les parents avec poussettes etc…
Cette approche permet également d’occulter le regard compassionnel sur le handicap, appuyant bien le fait qu’il faut sortir de la compassion afin de tendre vers la compensation. Le fait d’intégrer potentiellement chaque citoyen dans cette définition permet aussi d’expliquer et de justifier le devoir d’action publique en la matière.
Enfin, cette politique globale intégrée préfigure également la transversalité du sujet, car le handicap concerne bien tous les champs de l’existence. La liste des thématiques à suivre n’est pas exhaustive, mais selon nous, juste essentielle, car l’on pense en effet que l’égalité des chances à l’ECOLE permet une formation qualifiante amenant à une SITUATION PROFESSIONNELLE, produisant des RESSOURCES, permettant de COMPENSER le handicap dans une société plus ACCESSIBLE. Nos thèmes sont bien tous ici présents. Et parce que nous, socialistes savons qu’une dépense est aussi un investissement surtout en matière humaine et sociétale. L’importance d’affirmer une définition est réelle car le handicap est tout d’abord une question morale, avant d’être une question technique et financière. Il s’agit ainsi de sortir de la logique de contrainte, mais de s’inscrire dans une démarche d’intégration.
2- Les fils conducteurs :
2-1 La scolarisation :
L’école permet normalement cette égalité des chances et ouvre les portes de l’ascenseur social, qui pour le coup est aujourd’hui un escalier aux nombreuses marches…
L’école est le maillon essentiel, car à tout point de vue, tout commence là. Le gouvernement en ayant fait sa priorité. Et notamment avec l’ardente obligation d’introduire l’égalité réelle au sein de l’école républicaine. C’est en effet l’intégration scolaire qui permet l’accès à une formation, amenant à une situation professionnelle, permettant des moyens financiers, avec par exemple l’achat d’un véhicule adapté qui occupera « enfin » les places de stationnement réservées aux personnes en situation de handicap, qui exaspèrent tant les concitoyens valides du fait de leur inoccupation. C’est un exemple concret qui permet d’envisager le changement sociétal à terme qu’induit une politique volontariste en matière d’intégration scolaire. Très concrètement, et pour y parvenir :
A partir de l’état des lieux de l’existant :
Multiplication des Auxiliaires de Vie Scolaire (AVS).
Formation des AVS, pour en faire un vrai métier d’accompagnant psycho-socio-éducatif de la maternelle à l’université, car il s’agit d’un enjeu d’apprentissage continu.
Instauration de cours d’éducation à la citoyenneté, pour l’apprentissage, à travers le handicap, mais pas seulement de la notion de tolérance, et ce dès le plus jeune âge.
Formation des enseignants, ce qui est rassurant pour tous les acteurs.
Organisation d’une table ronde nationale avec les propositions ci-dessus, qui impliquent tous les acteurs de l’éducation nationale.
Prise en compte de tous les types de handicap, notamment en renforçant le dispositif du Projet Personnalisé de Scolarisation PPS (notamment pour les autres déficiences que moteur). Le PPS doit intégrer pleinement le « parcours scolaire » du jeune aidé par son AVS. Ce renforcement ne peut se faire qu’après un partenariat institutionnel, qui permet en amont de prévoir de manière effective un(e) AVS pour chaque enfant, avec une formation adaptée, une rencontre préalable entre l’enfant et l’AVS et une intégration de l’AVS au projet pédagogique de l’établissement.
Ne pas verser dans l’« integrationisme » au prix de l’intégration, notamment en ce qui concerne le handicap mental ou des moyens techniques peuvent être insuffisants à un soutien et accompagnement de qualité. Pour se faire développement de structures telles que les SESSAD ou les CAMSP à même de diagnostiquer les pathologies et de les accompagner au mieux. Accompagnement à la parentalité.
2-2 L’insertion professionnelle :
Tout d’abord, une redéfinition de « l’incapacité de travail », en détaillant ces deux termes. A commencer par l’incapacité, avec la nécessaire harmonisation des critères d’attribution des taux d’invalidité, ce qui permet de savoir objectivement qui est en situation de pouvoir travailler ou pas. Puis le facteur « travail », qui selon nous n’est pas une valeur, comme il a pu être dit par d’autres précédemment, mais bel et bien un outil. Pour celles et ceux dont le handicap ne permettrait pas de conduire une activité professionnelle, il est possible d’envisager un contrat de citoyenneté (développé dans le chapitre suivant sur les ressources).
Ensuite, pour celles et ceux qui peuvent travailler, nous optons pour la réintroduction des catégories de travailleurs en situation de handicap, afin qu’aucune personne, et quel que soit son handicap ne soit pas représentée dans le secteur professionnel. Il ne s’agira à priori pas d’augmenter davantage les pénalités (pour les entreprises qui n’embauchent pas), que ce qui est déjà envisagé dès l’année prochaine. Mais plutôt de repenser et d’accentuer les aides et l’accompagnement (aides pour les adaptations et le matériel adapté nécessaire) des collectivités et entreprises qui ont une politique volontariste en la matière. Il s’agit en tant que socialiste de ne pas valider le principe de discrimination positive, mais de mener une politique d’incitation.
Nous avons également envisagé la création d’Auxiliaires à la Vie Professionnelle (AVP), à l’image des AVS pour la scolarisation, et également la possibilité à terme pour pole emploi d’accueillir aussi les personnes en situation de handicap, pour qu’elles ne dépendent pas d’un dispositif trop spécifique, et dans une optique intégrative. Ce qui inclura une nécessaire refonte des missions de l’AGEFIPH, et de ses déclinaisons locales.
Nous n’oublions pas le secteur du travail protégé, avec l’écueil de la loi du 11 février 2005, qui a rendu plus complexe l’accès aux ESAT (anciens CAT). Il s’agit donc de revenir aux missions essentielles des ESAT, pour des personnes qui ne peuvent (provisoirement ou pas) intégrer le milieu ordinaire, avec un fonctionnement souple qui conjugue des contraintes de productivité, mais également un accompagnement social pour des personnes supposées « vulnérables ». Pour se faire, un état des lieux des dispositions de la loi du 11 février sera indispensable.
Il s’agit également de lancer une campagne de communication et une grande table ronde interprofessionnelle avec l’idée majeure que la productivité n’est pas incompatible avec une situation de handicap. En effet, de très nombreuses adaptations, parfois étonnantes existent et permettent à toutes et tous de travailler sereinement.
2-3 Les ressources :
Pour les personnes en situation de handicap qui ne travaillent pas, le montant de l’AAH ne peut être inférieur à 80% du SMIC brut, puisqu’il s’agit du revenu minimum pour celles et ceux qui peuvent exercer une activité professionnelle. Ce montant est interdépendant de la question de la compensation (chapitre suivant), qui se doit d’être intégrale et universelle.
En Suède, avec un peu plus de 9 Millions d’habitants pour 400 000 personnes qui touchent l’équivalent de l’AAH, cette allocation est autour de 800 Euros avec une compensation universelle. En France, sur 65 Millions d’Habitants pour à peu près 900 000 bénéficiaires de l’AAH (chiffre en constante augmentation), cette allocation est au maximum de 760 Euros avec une compensation incluant un reste à charge. L’investissement à l’échelle de l’état Français est donc bien moins important à mettre en œuvre et l’allocation et le système de compensation sont néanmoins bien moins avantageux…
D’autant qu’en 2012, avec l’augmentation actuelle de 5% par an, l’AAH demeure en dessous du seuil de pauvreté, surtout en prenant en compte les déremboursements dans le secteur médical, le forfait hospitalier, les franchises médicales etc…
Il est également possible de proposer, sur un mode facultatif un contrat de citoyenneté, sous forme d’implication citoyenne, dans les services publics ou les associations. C’est à nouveau une façon de marteler le fait que sans travail, une vie citoyenne et sociale est aussi pleinement envisageable. L’aide aux collectivités et associations qui accueilleront ces contrats citoyens, en terme de matériel adapté devra aussi être importante.
2-4 La compensation :
Nous excluons tout reste à charge pour la personne en situation de handicap quand elle nécessite une aide humaine ou une aide technique. Il s’agit ainsi de mettre en place un mode de compensation universel et intégrale des aides humaines et techniques, qui sont évalués par le médecin de la MDPH.
Il faut également redéfinir par territoire les rôles et missions des MDPH, en sachant que dans le Finistère aujourd’hui (pour une MDPH, qui comparativement fonctionne plutôt bien), une simple demande d’aménagement, due à un handicap demande 6 à 8 mois d’attente. La mise à disposition de moyens pour les MDPH semble évidente pour qu’elles puissent répondre à leurs missions originelles, notamment en terme de guichet unique pour les personnes en situation de handicap. Ainsi, un vrai travail d’harmonisation au tour des PPS, des taux d’attribution de handicap, d’orientation etc…En tout cas, de réponse la plus adaptée au handicap des demandeurs.
Enfin, un sujet bien trop tabou, mais essentiel qui pourrait trouver sa réponse dans l’organisation d’une table ronde autour de la question de la création de postes « d’aidants sexuels » (comme dans de nombreux autres pays d’Europe), au même titre que les aides ménagères ou les auxiliaires de vie, et au regard de situations humaines parfois dramatiques que nous développerons.
Il est évident que cette table ronde nationale rendra un avis très certainement favorable à la création de ces postes, dont il conviendra de fait de délimiter les champs d’intervention pour ce qui pourrait être considéré comme une véritable révolution dans le paysage sociétal français.
Se pose aujourd’hui également la question de l’accompagnement des personnes en situation de handicap dans les activités sportives et culturelles, avec la possibilité de création de postes d’accompagnants, d’auxiliaire à la vie culturelle et/ou sportive, là aussi comme dans en Suède ou au Danemark.
2-5 l’Accessibilité :
L’objectif est bien « l’accès à tout pour tous » d’ici à 2015, mais en donnant les moyens à la loi du 11 Février 2005 d’appliquer réellement ce principe. Pour se faire, il y a nécessité d’établir pour l’existant des diagnostics territoriaux du coût de l’accessibilité d’ici à 2015. Accompagné par la mise en œuvre, pour les collectivités, qui « font un effort » (critères à définir) de moyens permettant l’objectif de l’accès à tout pour tous, en matière de voirie, de bâtiments, de transports, de logement, bref d’accès au domaine public de manière générale.
Pour les constructions neuves et à venir, c’est une véritable politique du réflexe qui doit prédominer, à travers la formation des architectes et maîtres d’œuvre, et en permettant à la DDE de travailler véritablement sur les nouvelles constructions, non pas que sur plans, mais à travers des visites, comme c’est le cas pour la sécurité.
Enfin avec une incitation à l’élargissement des pratiques sportives et culturelles à destination du public en situation de handicap, pour une meilleure intégration à tous les niveaux de vie. Avec le travail d’accessibilité pur (voirie, transports, bâtiment, outils sportifs et culturels), mais aussi une volonté de médiation, d’offres de service, adapté à chaque type de handicap.
Jean-Claude Marrec, Quimper