Accueil > Evénements > 80e congrès > contributions
LES BLOGS
SOCIALISTES
Tous les blogs
RECHERCHE
mercredi 25 décembre
Pour une Europe puissante, souveraine et solidaire

Le monde dans lequel nous vivions a radicalement changé. Le projet européen doit lui aussi changer, radicalement. Plus que jamais nous faisons le choix de l’Europe pour retrouver la maîtrise de notre destin.

Le temps de l’illusion de la « mondialisation heureuse » et de l’avènement d’un monde partageant les valeurs démocratiques est derrière nous. Les dégâts écologiques et sociaux du libéralisme ont mis notre planète et nos sociétés dans l’impasse. Des puissances autoritaires, souvent impérialistes, s’affirment comme une alternative au modèle démocratique européen. Ce que nous sommes est contesté, parfois agressé. L’Ukraine ne se bat pas seulement pour sa souveraineté, elle est le front sur lequel se joue l’avenir de nos valeurs, du modèle de société libre, solidaire et démocratique que nous avons construit.

Déjà, la crise financière de 2008 et les crises écologiques à répétition avaient montré à quel point le logiciel libéral était impuissant à dominer les dérèglements du monde.

Chacun mesure désormais les efforts à fournir pour construire une défense et une sécurité communes quand la guerre en Ukraine révèle nos faiblesses militaires et notre impossible autonomie vis-à-vis des États-Unis.

Quand la crise de la Covid ou celle du marché de l’énergie font apparaître au grand jour nos dépendances et vulnérabilités, chacun prend conscience que si nous voulons rester maîtres de notre destin nous devons reconstruire une souveraineté européenne, énergétique, alimentaire, sanitaire, industrielle.

Si nous voulons que l’Europe « tienne » face aux chocs, qu’elle n’explose pas sous le poids des inégalités entre pays et entre européens, alors la solidarité et la justice sociale doivent être mises au cœur du projet commun.

Aussi, se focaliser sur le seul approfondissement du marché intérieur pour rendre l’Europe plus sociale et écologique ne suffit pas, Il s’agit désormais de choisir un nouveau projet pour une Europe souveraine et solidaire où démocratie et libertés d’une part, justice sociale et écologique d’autre part, sont les deux piliers qui unissent les sociétés européennes.

Cette vision de notre futur est l’inverse même de la vision nationaliste et populiste qui prône la remise en cause de nos valeurs fondamentales, le repli identitaire et l’affaiblissement de l’Europe.

Ce projet est également incompatible avec le libéralisme qui continue à défendre une mondialisation dominée par les intérêts financiers et à légitimer les inégalités qui minent nos sociétés. Parler d’Europe souveraine tout en encourageant de nouveaux accords de libre-échange, en défendant la politique agricole et alimentaire actuelle, avec pour seule boussole une politique rigide de concurrence intra-européenne, est une supercherie dont Emmanuel Macron est l’illustration française.

Une Europe fondée sur des valeurs et un projet de société

La guerre en Ukraine nous montre à quel point la question des frontières de l’Union est difficile à figer. Plus qu’une géographie c’est l’adhésion à des valeurs, à un projet et à des règles communes, qui fera demain les contours de l’Union.

Nous devons revoir notre approche de l’élargissement et accepter d’accueillir de nouveaux pays au sein de l’Union : l’Ukraine, la Moldavie mais également les Balkans occidentaux. C’est l’intérêt de la France et de l’Union, pour être au rendez-vous de nos valeurs, et pour assurer la stabilité et la sécurité du continent.

Pour rendre possible cet élargissement, il faut réformer le fonctionnement de l’Union et remplacer la règle de l’unanimité par la majorité qualifiée dans de nombreux domaines comme le propose Olaf Scholz.

Au sein de l’Union le respect de l’État de droit doit devenir effectivement un impératif. On ne peut être membre de l’Union sans partager son projet commun, ses valeurs, ses règles ; les sanctions politiques et financières à l’égard des contrevenants doivent tomber rapidement et être prises à une réelle majorité qualifiée. L’indépendance de la justice et des médias, les libertés académiques, l’autonomie des ONG, des associations et de tous les contre-pouvoirs sont pour nous des composants essentiels de toute démocratie.

Défendre ce que nous sommes c’est défendre notre projet et nos intérêts sur la scène mondiale. L’Europe est par nature mobilisée pour la paix, la coopération, pour un multilatéralisme rénové. Mais nous ne devons plus être les naïfs du commerce international ou des institutions onusiennes. La nouvelle donne géopolitique est celle de la confrontation de grandes puissances, comme la Chine ou la Russie, qui mènent des stratégies d’influence politiques ou économiques.

Nous devons l’accepter et l’assumer, défendre notre vision d’une autre mondialisation. Cela passera par une nouvelle approche du commerce international et un réinvestissement massif dans la coopération avec la Méditerranée et l’Afrique. Il nous faut également refaire de l’Europe une destination ouverte, un lieu de rencontres pour les jeunes, les intellectuels et les acteurs culturels du monde entier. L’Europe doit toujours porter une vision universaliste, défendre les droits humains et ceux des minorités, la cause des femmes, dont le droit à l’avortement, et les droits LGBT+.

Enfin, l’Europe doit mener le combat de l’urgence écologique. Face aux climato-sceptiques et aux lobbies, nous devons porter le combat mondial contre le réchauffement climatique, en soutenant le traité de Paris puis en proposant d’aller plus loin.

Une Europe puissante et souveraine… donc écologique et solidaire

Une Europe puissante doit être capable d’assurer par elle-même sa sécurité. L’illusion des « dividendes de la paix » n’a fait que nous maintenir dans la dépendance à l’égard des États-Unis au sein de l’OTAN. Nous devons comprendre l’attachement de nombreux États membres à ce qui est concrètement disponible pour assurer leur sécurité. Mais la France a un rôle majeur à jouer dans la construction de l’Europe de la défense, ce qui suppose de redéfinir sa doctrine stratégique, militaire et capacitaire (industrielle) autour de ce projet.

Une Europe souveraine doit redevenir capable d’offrir à ses habitants les biens essentiels à une vie digne en période « normale » comme en période de crise. Les mesures d’urgence face aux crises arrivent toujours trop tard, il faut changer les règles pour être prêts quand les crises adviennent. La doctrine du libre-échange a accru nos vulnérabilités industrielles, énergétique ou alimentaire. Les réformes de la PAC et de la pêche n’ont pas permis de réguler les marchés, et donc les prix, ou de constituer des stocks. Les règles de concurrence compliquent la relocalisation en Europe des productions stratégiques comme dans la santé. La libéralisation du marché de l’énergie, désormais considérée par la Présidente de la Commission comme la plus grande erreur qui ait été faite, a démantelé toute protection face au délire actuel des prix qui appauvrit les citoyens, les industries et les États.

Politique commerciale, de concurrence, PAC, énergie, santé, tout doit être remis en chantier. L’engagement « Made in Europe 2030 » doit fonder une audacieuse politique industrielle et d’innovation ; il nous faut construire un nouveau modèle de production et de souveraineté alimentaire, définir une politique commune de sécurité sanitaire et de protection civile. Nous devons également mieux réguler les GAFAM, renforcer la fiscalité minimale des multinationales, nous assurer que les produits que nous importons, notamment alimentaires, respectent des règles sociales et environnementales équivalentes aux nôtres et lutter avec détermination contre les paradis fiscaux.

La planification et l’accélération de la transition écologique est un objectif central, pour lutter contre le changement climatique et permettre à chacun de vivre mieux. Il s’agit aussi d’un enjeu de souveraineté. Produire en Europe l’énergie – renouvelable – dont nous avons besoin, massifier rapidement la rénovation énergétique des bâtiments et la mobilité décarbonée, faire de l’Europe le continent du recyclage et de l’économie circulaire, constituent autant de chantiers prioritaires. Pour mener à bien cette transition tout en protégeant nos industries du dumping environnemental de fabricants non-européens, nous devons de toute urgence mettre en place un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) plus contraignant et plus large que celui envisagé afin d’éviter des fuites d’activités industrielles vers des régions du monde où l’énergie est moins chère et les procédés de fabrication plus polluants

Une Europe des solidarités et du droit à une vie meilleure

Tout ce qui précède montre à quel point puissance, souveraineté et solidarités sont étroitement imbriqués. Tout plaide pour le retour de l’intervention publique, pour la définition des biens communs devant échapper au marché, pour l’égalité d’accès à ces biens essentiels, et donc in fine pour la réhabilitation et la refondation des services publics en Europe.

La solidarité c’est aussi l’investissement en commun : investir pour répondre à l’urgence sociale, investir pour construire l’Europe de demain.

L’Europe n’avait pas su répondre solidairement à la crise financière et l’a payé très cher et les peuples au premier chef. Elle a su affronter la crise de la Covid avec le plan de relance européen et le « quoi qu’il en coûte ». Face au choc de l’inflation, qui dépasse 20% dans certains pays, l’Union doit d’urgence adopter un plan massif de soutien aux plus fragiles et aux PME. Si elle ne le fait pas, elle condamnera les Européens au désespoir et les jettera dans les bras de l’extrême-droite.

Dans les périodes de crise et de mutation, les plus pauvres et fragiles ne doivent pas payer le prix fort. Ceux qui profitent le plus de la prospérité doivent faire être solidaires et contribuer plus fortement à l’effort commun. C’est aussi pourquoi nous appelons à la taxation des super profits réalisés sans motifs ni utilité sociale durant la crise.

Nous avons aussi besoin d’investir pour l’avenir en donnant priorité à la réduction des inégalités
entre l’ouest et le nord d’une part, l’est et le sud d’autre part, à travers une politique de cohésion renforcée. Réduire les inégalités entre les citoyens c’est aussi poursuivre la mise en œuvre du Socle européen des droits sociaux. L’instauration d’un salaire minimum dans chaque pays de l’Union est désormais enclenchée. La directive sur les travailleurs des plateformes, combattue par l’actuel gouvernement français qui rejette la présomption de salariat, peut aboutir rapidement. L’extension de la garantie jeunes et la mise en place d’un plan d’éradication de la pauvreté des enfants seraient un nouveau signal très fort. Tous ces chantiers sont portés au sein de la Commission par des socialistes.

Défendre le droit à « une vie large », comme le plaide Paul Magnette, c’est donner aux Européens des droits et des horizons nouveaux. L’Europe doit élargir l’accès à l’éducation et à la formation tout au long de la vie, et renforcer ERAMUS + pour aller vers la généralisation pour chaque jeune Européen d’un séjour d’étude ou de formation dans un autre pays de l’Union. Nous saluons le progrès si longtemps attendu du budget de la culture, car nous voulons une Europe qui soutienne la culture et le recours à l’art.

Une Europe qui se donne les moyens de ses ambitions

La crise sanitaire puis l’arrivée de la guerre à nos frontières ont montré que l’Union européenne savait désormais réagir assez efficacement et prendre face à l’urgence des mesures jusque-là taboues ou écartés. L’abandon des politiques d’austérité et le lancement d’un emprunt communautaire rappellent que la construction européenne n’est pas ultralibérale par nature mais parce que la majorité des États-membres l’étaient.

Pour construire l’avenir nous avons besoin d’une autre gouvernance économique de l’Union. Nous ne voulons pas du retour à l’identique du Pacte de stabilité et du semestre européen. On ne peut se contenter de conserver le même logiciel en modifiant à la marge quelques paramètres. Il faut que notre cadre commun permette de nouveaux plans massifs de soutien face aux crises et favorise l’investissement de long terme dans la transition écologique, l’éducation, la formation, l’industrie, la recherche et les services publics. La future gouvernance devra s’appuyer sur de nouveaux indicateurs, qui valorisent en priorité la justice sociale, le bien-être des populations, la résilience face aux crises et l’environnement.

Le financement de l’Union est tributaire des contributions des pays membres. La paralysie qui en résulte affaiblit l’Union. Il ne pourra pas y avoir de nouveau projet européen sans nouvelles ressources propres (taxe sur les transactions financières, part de l’impôt minimum sur les sociétés, MACF, taxe GAFAM, etc). L’extension de la décision à la majorité qualifiée sur les questions fiscales est une priorité absolue.

Une Europe qui renforce sa démocratie et s’ouvre aux citoyens

Nous ne demandons pas un grand soir institutionnel. Nous savons que les avancées européennes des prochaines années dépendront d’abord d’un accord entre gouvernements sur un agenda commun de réformes et d’actions nouvelles. Mais dans le cadre de la Conférence sur le futur de l’Europe, les citoyens ont fait des demandes concrètes et utiles qui doivent déboucher sur une convention européenne ayant à son ordre du jour une révision ciblée et limitée des traités. Il s’agit en priorité de rééquilibrer les traités pour faire prévaloir les principes de souveraineté et de protection face au dogme du libre marché ; donner au Parlement européen un droit de proposer des lois et de codécider du budget ; élargir le champ de la majorité qualifiée.

Nous voulons par ailleurs que l’Union européenne se dote d’outils de démocratie participative ambitieux : interpellation et panels citoyens, outils de consultation massive, consultation des partenaires sociaux. Elle doit aussi associer davantage les collectivités territoriales à la définition, à la mise en œuvre et au suivi des politiques européennes dont elles sont des acteurs clés au quotidien. Il nous semble enfin indispensable de lancer un grand programme de soutien à la citoyenneté européenne (information des citoyens, développement des échanges culturels etc.).

Une Europe puissante, capable de défendre ses intérêts et son modèle de civilisation démocratique, écologique et solidaire, voilà ce que doit être le projet collectif des socialistes et sociaux-démocrates européens. Quand presque partout en Europe la droite pactise avec l’extrême-droite, les socialistes et les sociaux-démocrates sont le dernier rempart de l’idéal européens. Nous sommes la seule famille politique présente dans l’ensemble des pays de l’Union et capable de proposer une alternative politique, un chemin collectif désirable. Nous socialistes français sommes fiers d’être membres de cette famille au sein de laquelle nous œuvrons pour construire ce projet et le faire gagner en 2024.

Premiers signataires
Christophe Clergeau, secrétaire national chargé de l’Europe,
Sylvie Guillaume, députée européenne
Eric Andireu, député européen
François Comet, secrétaire national adjoint Europe
Céline Geissmann, secrétaire nationale adjointe Europe
Karine Gloanec Maurin, Comité européen des régions
Nathalie Sarrabezolles, Comité européen des régions

Hugues Bernard (31), Jean-Marie Billiato (84), Frédéric Engelmann (44), Marius Girard-Barbot (75), Joao Martins Pereira (94), Nicolas Robin (42), Juliette Raoul-Duval, Omri Schwartz (75), Louis Tasset (75), Faty Zébir (75)

Signer cette contribution : 




Partager Publier sur twitter