Pour une république des territoires
Pour une République des territoires.
François Hollande : « J’engagerai une nouvelle étape de la décentralisation ».
Texte chapeau. Nous pensons qu’une nouvelle étape de la décentralisation est vitale pour notre pays. Il s’agit de donner réellement aux collectivités territoriales les moyens d’agir en proximité pour améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens.
Pour une République des territoires.
François Hollande : « J’engagerai une nouvelle étape de la décentralisation ».
Au quotidien, la crise se fait durement sentir. Le chômage n’a jamais été aussi massif, les précarités aussi grandes, les inégalités aussi profondes et la crainte de l’exclusion et du déclassement social aussi présente.
Aujourd’hui, confrontés à de grandes difficultés en matière d’emploi, de logement, de santé, les français ont la douloureuse conviction que la jeunesse a été sacrifiée et que l’ascenseur social ne peut plus être remis en état de marche.
Dans ce contexte, nous pensons qu’une nouvelle étape de la décentralisation est primordiale pour notre pays.
Loin d’être un débat technique, réservé à quelques spécialistes des institutions, il s’agit tout
simplement par un nouvel acte de décentralisation de donner réellement aux collectivités territoriales les moyens d’agir en proximité afin d’améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens.
Preuve en été faite, pour peu qu’on leur en confie les compétences et les moyens, les collectivités agissent avec efficacité pour améliorer en particulier, les services publics de proximité tels que les lycées, les collèges ou les transports, nécessaires à notre vie de tous les jours.
Le vote du 6 mai ouvre de nouvelles perspectives avec la volonté affichée du Président de la République, François Hollande, de s’appuyer sur les collectivités territoriales afin d’aider au redressement de la France, de notre économie, permettant ainsi de retrouver la croissance, créatrice d’emplois.
Seule une décentralisation aboutie permettra à n’en pas douter de libérer les énergies créatrices et d’assurer les cohésions sociales et territoriales.
Historiquement, la Bretagne est un laboratoire d’initiatives territoriales.
Aussi, comme nous l’avons toujours fait, et notamment ces dernières années - par une contribution thématique au Congrès de Reims de 2008 appelée « La République des territoires » et celle plus récente contributive à notre projet pour les élections présidentielles et législatives de 2012 appelée «
Des territoires dynamiques et solidaires. Au cœur de l’Europe et de la France » -, nous, socialistes bretons entendons une nouvelle fois apporter notre pierre à l’édifice.
Ce nouveau congrès doit être utile, tout en réunissant les socialistes doit permettre à ce que notre parti reste un lieu de débat permettant l’émergence d’idées novatrices et l’ appui des propositions gouvernementales, parlementaires et d’associations d’élus.
C’est fort de cette volonté que le Bureau Régional d’Etudes et d’Informations Socialistes (BREIS) qui constitue l’Union régionale des socialistes de Bretagne propose cette contribution.
Ce texte se donne pour ambition de traduire concrètement ce que pourraient être les contours d’un nouvel acte de décentralisation, d’une nouvelle organisation de notre République portée par des territoires dynamiques et solidaires.
Renouer la confiance commune pour une action publique performante (ou) Redéfinir un partenariat de l’action publique performant
Actuellement, force est de constater que malgré les possibilités progressivement offertes, notamment le droit à l’expérimentation, ces avancées demeurent largement théoriques et restent tributaires du bon vouloir d’un État encore trop centralisateur. Les « réformes » de 2010 constituent de ce point de ce vue un terrible coup d’arrêt, voire une régression recentralisatrice.
Aussi, la réforme que nous souhaitons n’aura de sens que si elle s’inscrit dans la complémentarité d’une réforme ambitieuse de redistribution fiscale dont tout le monde s’accorde à dire aujourd’hui l’absolue nécessité.
Cette réforme suppose tout d’abord que nous renouions un pacte de confiance avec l’État qui doit redevenir un partenaire de l’action publique.
Or la réforme de l’organisation territoriale de l’État (REATE) engagée en 2007 puis matérialisée au travers de la RGPP en 2010 a eu des répercussions importantes pour les collectivités et les services publics locaux, tout en dégradant profondément le pacte de confiance nécessaire à l’action publique territoriale.
Ce constat est le résultat d’une réforme menée sans aucune discussion ni concertation avec les collectivités locales et territoriales.
Nous en connaissons les conséquences. Le Préfet de département, placé sous l’autorité hiérarchique du Préfet de région, n’exerce plus une mission autonome que dans trois domaines : l’ordre public et la sécurité des populations, le contrôle administratif et le droit des étrangers.
Cette évolution pourrait être interprétée comme un élément de simplification : recentrage de l’État sur ses fonctions régaliennes. Pourtant, en l’absence d’une clarification des missions de l’État, cela se traduit surtout par la nécessité pour les collectivités territoriales, dans les nombreux domaines de compétence encore partagées, de s’adresser exclusivement au niveau préfectoral régional voire à l’État central, ce qui n’est pas sans difficultés notamment pour les collectivités infra-régionales.
En outre, l’organisation de plus en plus atomisée et fragmentée de l’appareil administratif d’État et l’émergence de structures autonomes échappant à l’autorité du Préfet (type ARS ou Pôle emploi) ne sont pas sans provoquer de difficultés de mise en œuvre des services publics à la population.
Et ne parlons pas de la situation des sous-préfectures qui ne peuvent plus venir en appui des communes de leur arrondissement et être les « Assemblier » des politiques publiques à l’échelle de leur territoire de proximité.
Convaincus que décentraliser, c’est en effet et tout d’abord réformer l’État, nous plaidons pour que celui-ci soit conforté dans ses missions régaliennes, d’éducation, de justice, de sécurité, de garant du cadre normatif national, de l’équité territoriale et de l’évaluation des politiques publiques.
Parallèlement, des mesures fortes doivent être prises pour qu’il puisse à nouveau accompagner les collectivités dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs projets de territoire.
Il s’agit ainsi de clarifier les relations avec l’État ce qui suppose en premier lieu, la suppression des doublons entre État et collectivités. Ceci particulièrement en ce qui concerne le couple Etat/Régions qui doit trouver une parfaite articulation, une confiance certaine, pour la bonne application des compétences clairement partagées.
Si nous partageons la conviction du nouveau Ministre de l’Intérieur que « la performance de l’État doit être la plus optimum possible », nous pensons que toute réforme de l’État doit porter un pacte républicain de cohésion territoriale et sociale fondé sur la qualité des services publics et qu’une décentralisation aboutie nécessite la présente forte de l’État au cœur de nos territoires, notamment ruraux. Territoires qui se sentent trop souvent abandonnés au bénéfice des concentrations métropolitaines et urbaines.
Décentraliser c’est aussi régionaliser la France.
Décentraliser, c’est permettre aux Régions et aux autres collectivités d’être davantage actrices de la construction européenne aux côtés de l’État. C’est ainsi reconnaître ces dernières dans leur rôle de collectivités stratèges partagé avec l’État, et que la décentralisation uniforme et homogène a vécu et que les grandes mutations territoriales (périurbanisation, développement hétérogène des territoires…) imposent un changement d’approche. Enfin, c’est admettre le « fait régional »,
Les Régions doivent pouvoir adapter au niveau régional les lois nationales et expérimenter par un droit « à la différence » de nouvelles formes d’organisation territoriale.
Il s’agit donc de transférer un pouvoir normatif aux Régions. L’exemple des collectivités d’Outremer qui ont déjà cette faculté d’adaptation réglementaire au travers d’habilitations législatives doit être généralisé.
Ainsi, le pouvoir réglementaire des Régions serait doublé d’un caractère désormais prescriptif donné à des schémas régionaux. Ces derniers porteraient principalement sur des compétences régionales et des missions liées à la préparation du futur, au développement économique et à l’emploi, à la formation initiale jusqu’à l’enseignement supérieur et la recherche, en passant par la formation continue, le développement des entreprises, et le soutien à l’innovation. Autant de déclinaisons régionales de politiques nationales, autant de missions pour peu qu’elles soient coordonnées qui doivent nous permettre de lutter plus efficacement contre la crise économique et la désindustrialisation de nos territoires
La Région doit également jouer un rôle central dans les coopérations territoriales, pour et par la définition d’une stratégie territoriale régionale concertée avec les départements, agglomérations, intercommunalités et métropoles.
La Région serait ainsi l’autorité organisatrice de ces nouveaux schémas stratégiques, coproduits et partagés au sein d’une instance de gouvernance, la « conférence des exécutifs » institutionnalisée par la loi de décembre 2010, véritable lieu de la concertation et de la codécision.
Nous pensons que fort de cette expérience de coopérations territoriales réussies, ces « conférences des exécutifs », pourraient, à la carte et selon les spécificités territoriales régionales, porter des schémas d’organisation de compétences et de mutualisation des services. Ils auraient alors pour mission de définir les délégations de compétences entre l’ensemble des collectivités, l’organisation des interventions financières respectives en matière d’investissement et de fonctionnement pour les projets décidés ou subventionnés par une collectivité, les conditions d’organisation et de mutualisation des services.
En ce sens, nous avons préfigurée en Bretagne une instance appelée B16. Elle regroupe la Région, les Départements et les Agglomérations et est un lieu de coproduction des orientations stratégiques concernant l’avenir de notre région. Cela a permis une mobilisation performante de l’ensemble de ces collectivités territoriales sur les grands enjeux d’aménagement du territoire et de développement économique comme Bretagne à Grande Vitesse, Bretagne Très Haut Débit et le Pacte Electrique Breton, pour ne citer que ces trois projets d’envergure. Notons que le Conseiller d’État Jean-Jacques De Perreti souligne la qualité de la démarche et le caractère largement innovant dans son rapport intitulé « La liberté de s’organiser pour agir ».
Une instance qui doit s’attacher à ce que l’action publique retrouve par ailleurs toute sa crédibilité auprès du citoyen. La démocratie participative doit ainsi permettre d’associer en temps réel l’ensemble des acteurs qui concourent à l’efficacité du service public, notamment les associations et partenaires sociaux. Une décentralisation aboutie suppose leur participation active aux réflexions.
Les Conseils Economiques et Sociaux Régionaux (CESER) sont de ce point des vue des partenaires incontournables qu’il faut mieux et plus concerter. La démocratie sociale doit être au cœur de notre engagement collectif.
Décentraliser c’est assurer une répartition clarifiée par grands blocs de missions. Il est nécessaire de reconnaître la légitimité culturelle, sociale, institutionnelle et politique de chaque collectivité. Il ne peut exister de tutelle d’une collectivité sur une autre
Ces grands blocs de missions pourraient s’articuler autour de ces grandes orientations :
- Le Département est la collectivité garante des solidarités sociales et territoriales. Il assure la coordination et le pilotage des partenariats autour de l’action sociale, apporte son appui technique et financier aux communes et intercommunalités et assure une fonction de péréquation entre les territoires et de rééquilibrage des services publics.
- La Région est, en lien avec l’Europe et l’État, l’échelon de définition des politiques stratégiques en matière d’aménagement du territoire et de grands équipements, d’économie et de formation professionnelle notamment au travers de schémas régionaux (Schéma Régional de Développement Economique (SRDE), schéma régional d’aménagement et de développement du territoire (SRADT), Schéma Régional de Cohérence Écologique (SRCE), Schéma Régional de l’Innovation (SRI) …).
Les Régions doivent en particulier jouer un vrai rôle de chef de file de l’action économique, notamment pour rendre cohérentes et efficaces les politiques publiques de l’emploi, de la formation initiale et professionnelle, de l’orientation et de l’insertion. En collaboration avec l’État, les Départements et les Communautés d’agglomération, elles pourront ainsi agir au cœur des territoires.
Elles doivent aussi être en mesure de mobiliser les fonds régionaux de la Banque publique d’investissement chargée de soutenir notre industrie, les filières économiques, les PME, la recherche et l’innovation au service d’une économie productive et durable porteuse de la transition écologique et énergétique.
Seules des Régions fortes aux responsabilités et moyens renforcés peuvent accompagner la relance de notre économie, qu’il appartient à l’État en lien avec l’Europe d’impulser.
- Les communes et les intercommunalités sont des interlocuteurs de proximité pertinents pour mettre en œuvre de nombreux services publics au plus près de la population.
Décentraliser c’est aussi et peut-être plus encore, l’exercice intelligent des compétences partagées pour qu’une vision globale de l’action publique efficace soit exercée par de nombreuxacteurs sur un même territoire.
C’est notre histoire et notre « modèle » breton de coopération territoriale auquel nous sommes attachés et que nous voulons encore renforcer, qui nous conduit aujourd’hui à penser que les approches les plus efficaces sont aussi pragmatiques. Elles ne peuvent reposer uniquement sur la mise en place « d’un schéma global de coopération ou de mutualisation des services » tel que le propose la loi de décembre 2010 mais aussi sur l’identification d’un certain nombre d’opportunités et de projets favorables à une coopération renforcée.
En effet, nous pensons qu’entre un principe qui peut demeurer fort théorique de spécialisation des missions et une réalité locale qui invite à renforcer l’action partagée des collectivités, notre expérience nous a conduit à opter pour le rétablissement de la clause de compétence générale pour les Régions et les Départements afin que ces deux collectivités conservent leur capacité d’initiative dans tout domaine.
D’ailleurs comment le législateur pourrait-il porter une décentralisation aboutie qui d’un côté proscrirait les financements croisés inspirés d’une vision largement théorique de la vie des territoires et dans un même temps inviterait ces mêmes collectivités au financement croisé pour alimenter les CPER et autres formes de contractualisation ? Nous en appelons instamment en ce domaine à la cohérence et donc au rétablissement de la clause de compétence générale qui ne peut-être réservé aux seules communes.
Décentraliser c’est remettre à plat les finances locales en cohérence avec la nécessaire maîtrise de la dépense publique à laquelle les collectivités concourent. Avec trois impératifs : assurer aux collectivités des ressources dynamiques, adaptées à leurs compétences, garantir une péréquation juste pour plus d’équité territoriale, donner aux citoyens les moyens de contrôle sur l’action entreprise.
C’est pourquoi, la volonté d’une grande réforme fiscale annoncée par le président de la République pour plus de justice, est consubstantielle d’une décentralisation aboutie, puisque cette dernière suppose que nous redonnions aux collectivités leur véritable autonomie financière et fiscale.
En effet, à l’heure actuelle, même si le principe d’autonomie financière est reconnu par les textes, il est constamment dévoyé. Dans le même sens, du fait de la diminution de la capacité à agir sur les taux d’imposition, du « panier fiscal » restreint dont elles disposent, l’autonomie fiscale des collectivités mise en péril les interdit d’agir.
Cette situation est d’autant plus contraignante que l’État gèle voire baisse ses dotations aux collectivités. En conséquence, ces dernières années, nous avons assisté à une forme de recentralisation de l’organisation territoriale par la contrainte financière et à une réduction forcée des périmètres de compétences.
L’État en agissant de la sorte, a ainsi marqué sa défiance à l’égard des élus locaux et a sous estimé leurs capacités à organiser, clarifier et optimiser leurs compétences par eux-mêmes.
Il nous faut rompre avec cette défiance et ce cercle vicieux et redonner aux Régions et Départements les moyens financiers et fiscaux de leurs missions.
Nous pensons toujours que si « La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire ».
Il est donc de notre devoir de reprendre cette marche en avant, cette construction pas à pas de notre histoire collective, de renouer une relation de confiance, de respect partagé entre les territoires et notre Pays. Il en va de la santé économique, sociale et environnement de notre Pays et de l’Europe.
Depuis des décennies les socialistes n’ont eu de cesse d’approfondir cette « République décentralisée » pour aller vers une « République des territoires ».
Les socialistes bretons veulent être des acteurs de cette marche en avant qu’il nous faut reprendre collectivement.
Cette contribution en atteste. Aussi, nous serons attentifs aux orientations de « Loi sur les territoires de la République, responsabilité et confiance », annoncée par la Premier ministre.
Premiers signataires
Bernard POIGNANT – Président du BREIS
Thierry BURLOT – Premier secrétaire de la Fédération des Côtes d’Armor
Frédéric BOURCIER – Premier secrétaire de la fédération d’Ile et Vilaine
Gwendal ROUILLARD – Premier secrétaire fédéral du Morbihan
Marc COATANEA – Premier secrétaire fédéral du Finistère
Gilbert Gramoullé, Quimper, Marion Maury, Brest, Michel Dath, Pont l’Abbé, Jean-Luc Tanguy, Pont Aven, Alain Treussier, Quimper
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