"Entre les Communistes et nous, il n'y a rien". Cette phrase célèbre d'André Malraux, certains ont voulu l'appliquer à la résistance. Rien n'est plus faux. Dès le début de la guerre, alors même que les communistes se sentaient tenus par le pacte germano-soviétique liant- provisoirement- Hitler et Staline, les socialistes ont été en pointe dans les mouvements de résistance. Notamment dans le Finistère.
Dans notre département, les élections du Front populaire amenèrent à la chambre des députés deux députés socialistes SFIO : Jean Louis Rolland, maire de Landerneau, élu député de Brest, et François Tanguy Prigent, conseiller général de Lanmeur et maire de Saint Jean du doigt, élu député de Morlaix.
Le 10 Juillet 1940, nos deux députés firent partie des quatre vingt parlementaires ( sur six cent soixante sept ) qui s'opposèrent à la loi constitutionnelle donnant les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain.
Le Bulletin
Très rapidement, les socialistes s'investissent dans les mouvements de résistance. Dès novembre 1940, des socialistes créent "Libé Nord" à Paris et publient le journal clandestin "Libération". Mais il faut attendre 1942 pour que ce mouvement s'organise en Bretagne. Il recrutera surtout dans les milieux socialistes et syndicalistes. Plusieurs historiens ont d'ailleurs noté que les zones de résistance actives et précoces correspondaient généralement aux régions où les votes pour la gauche étaient les plus importants.
Mouvement de l'armée, Libé nord menait aussi des actions de propagande. Dans le Finistère, c'est Tanguy Prigent qui coordonnait l'activité civile du mouvement. Avec quelques camarades de la région de Morlaix, ( Jean Morvan, Henri Hemery, François Charles etc...) il milite contre le nouveau régime.
La loi du 2 Décembre 1940 met en place la corporation paysanne qui impose l'unité syndicale et l'ingérence de l'Etat dans l'organisation coopérative régionale : les membres des conseils régionaux coopératifs sont nommés par le gouvernement.
Pour combattre la "révolution nationale", Tanguy Prigent et ses amis publie "le Bulletin". (1) Sous couvert de conseils professionnels et agronomiques, ce journal constitue en réalité un outil de lutte contre la politique agraire de Vichy et tente de " développer chez nos camarades paysans la véritable notion de coopération".
Le Bulletin publie des articles très durs contre les nouveaux notables mis en place par Vichy. On peut notamment y lire, sous la plume de Tanguy Prigent : " On voit s'installer partout de gros commerçants et des spéculateurs transformés en bureaucrates (...) personne n'ignore que des gens sont à la tête de deux sortes de marchés : le marché officiel et le marché noir (...)"
Libération nord
Ces activités de propagande irritent Vichy qui, le 17 Avril 1942 interdit "le Bulletin". La même année, Jean Louis Rolland, maire de Landerneau et résistant est révoqué. Tanguy Prigent maire de Saint jean du Doigt le sera également le 23 Janvier 1943.
Au sein du réseau Libé Nord, les socialistes vont alors entrer dans la clandestinité. Arrêté par la Gestapo en Janvier 1944, Jean Louis Rolland parvient à s'enfuir malgré une blessure à la tête. Dans la région de Morlaix, les résistants publient "La résistance paysanne" qui prolonge, dans la clandestinité l'action du "Bulletin".
Libé nord mène des actions de noyautage de l'administration et d'aide aux réfractaires du S.T.O. Le 6 Juin 1944, ce mouvement compte 7000 militants dans le Finistère. (2) Outre les deux députés du Front populaire, Hervé Mao, maire SFIO de Châteaulin, Fernand Deuve de Douarnenez ou Thomas Lebranchu appartiennent à Libé nord.
Après le débarquement de Normandie, les résistants de Libé nord participent à des activités militaires pour aider les alliés, dans le nord Finistère en particulier. Le 8 août 1994, 200 F.F.I participent à un parachutage au "grand Kéroec."
Dans le Finistère, comme dans le reste du pays, les socialistes se sont illustrés par leur résistance au régime de Vichy et à l'occupants. C'est par conséquent tout naturellement que le général De Gaulle demande, en 1944, à Tanguy Prigent de participer à son gouvernement.
(1) le véritable titre de ce journal était : " Bulletin bimensuel de la coopération de défense paysanne de Morlaix et de la Fédération paysanne du Finistère"
(2) A la même date, le Front national ( PC) compte 2500 militants, défense de la France 2000 et Vengeance 800.
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