Travaillons mieux sur la question européenne
Notre parti a gagné toutes les élections ‘intermédiaires’ entre 2007 et 2012 sauf les élections européennes de 2009. Nous avons peu réfléchi sur les causes de cet échec et nous n’avons pas repensé notre façon de travailler dans ce domaine. À un moment où l’importance de la question européenne pour l’action socialiste s’impose plus que jamais comme une évidence, cette contribution fait rapidement le bilan de notre action européenne entre 2009 et 2012 et propose ensuite quelques modifications dans nos pratiques. Elle souhaite ainsi contribuer à une amélioration de notre travail collectif et à une meilleure préparation pour les élections européennes de 2014.
2009-2012 : LE BILAN DE L’ACTION DE NOTRE PARTI SUR LA QUESTION EUROPÉENNE
2009 : l’échec des européennes et ses raisons
La gauche européenne dans son ensemble a perdu les élections européennes de 2009 : son pourcentage des sièges au Parlement européen a baissé de 38,3% à 36,1%, un niveau égal à celui du seul parti populaire européen (36,3 %) malgré le départ des conservateurs britanniques de ce groupe. En France, cependant, et contrairement au message que l’UMP est arrivé à faire passer à l’époque, la droite n’a pas gagné les élections : l’UMP est, en effet, arrivée en tête en termes de voix (27,8%) et de sièges (28), mais, en additionnant leurs résultats, le parti socialiste et Europe écologie ont obtenu le même nombre de sièges et nettement plus de voix (32,8%). En y ajoutant le score du Font de gauche (6 ,3% des voix et 4 sièges) l’avance de la gauche par rapport à la droite républicaine se creuse.
Si nous gardons un très mauvais souvenir de ces élections en dépit de ces relativement bons résultats pour la gauche en France, c’est pour deux raisons : la défaite générale de la gauche européenne dans un contexte socio-économique qui validait nos critiques du capitalisme néolibéral et la contre-performance de notre parti comme composante motrice de la gauche française. Nous nous sommes retrouvés, en effet, à égalité avec Europe écologie en sièges (14) et pour ainsi dire en voix (16,5% ou une avance de 0,2%). Limitons notre analyse aux causes de ce deuxième échec.
Certains facteurs explicatifs ont peu de rapport avec la question européenne : l’image de notre parti était toujours très dégradée après le congrès de Reims de novembre 2008, où les déchirements ne portaient pas sur l’Europe. D’autres facteurs avaient leur origine au niveau du PSE : l’incapacité des partis-membres au gouvernement et de ceux dans l’opposition de se mettre d’accord sur un candidat socialiste à la présidence de la commission européenne.
Certains facteurs explicatifs, relèvent, cependant, directement de notre propre comportement :
Notre façon caricaturale de composer nos listes : nos travers habituels (luttes de pouvoir des motions, carriérisme, non-respect du travail de certains élus) ont été amplifiés par le mode de scrutin, qui donne un pouvoir très important à l’appareil. Nous pouvons noter aussi le peu de place que nous avons accordé aux candidats issus de la diversité européenne, ce qui a permis à Europe écologie de monopoliser l’idée d‘ouverture et l’image d’un parti capable de concrétiser la construction européenne par le choix même de ses candidats. Les élections législatives 2012 confirment aussi, de nouveau, que nous avons tendance à mettre en tête de nos listes des candidats dont la priorité est d’obtenir un mandat de député français. Par conséquent, suite à notre victoire du mois de juin, notre délégation au Parlement européen est encore une fois en phase de recomposition, ce qui ne renforce son influence ni dans notre groupe parlementaire ni dans la vie générale du Parlement.
Notre impréparation à faire campagne dans des circonscriptions qui peuvent regrouper jusqu’à cinq régions administratives en métropole.
Notre mauvaise première phase de campagne dont le message très hexagonal concernant Nicolas Sarkozy a confirmé auprès de larges sections de l’opinion publique qu’Europe écologie était en effet le parti de gauche qui avait un vrai message européen. La très mauvaise diffusion du manifeste du PSE et le peu d’attention prêté par Solferino aux tentatives du PSE de donner un rythme paneuropéen à la campagne suggèrent fortement que ce mauvais choix du thème initial n’était pas dû au hasard mais à une mauvaise prise en compte du fait européen.
2009-2012 : avancées et blocages
La crise de la dette dans la zone euro, qui remonte à 2010, et ensuite de l’euro lui-même, a donné un niveau d’importance aux questions européennes dans l’actualité qu’elles n’avaient rarement atteint auparavant. Face à l’urgence des problèmes, le PSE a gagné en cohérence. Des prises de positions communes sur les grandes questions socio-économiques ont marqué la période et à plusieurs reprises la volonté de présenter un candidat commun à la présidence de la commission en 2014 a été clairement affirmée par tous les partis-membres.1 Notre première secrétaire Martine Aubry et notre représentant dans la présidence du PSE, Alain Richard, ont joué un rôle moteur dans ce processus. Ils ont aussi œuvré à un rapprochement important avec le SPD débouchant sur des prises de position communes qui ont eu un impact politique certain.
Notre délégation au Parlement européen, sous la présidence de Catherine Trautmann, a adapté ses outils de communication aux exigences du monde numérique, rendant ainsi très accessibles ses travaux à tout militant qui souhaite se tenir informé. Cela pallie en partie les effets de la réduction, de presque de moitié, du nombre de nos parlementaires européens.
Enfin sur le terrain et dans les fédérations diverses initiatives ont eu lieu : certaines commissions fédérales Europe sont très actives, ailleurs il s’agit de « city groups » du PSE, parfois, voire souvent, les deux se confondent. Le ‘city group ‘de Clermont Ferrand a créé un nouveau rendez-vous annuel dans notre calendrier politique : les ‘Manifesto Days’ du mois de mai.
Néanmoins, pour l’instant au moins, il manque cruellement un lieu dans ce paysage où les divers acteurs (présidence du PSE, secrétariat national, délégation socialiste française au Parlement européen, groupes socialistes au Parlement français, secrétaires fédéraux Europe, animateurs des ‘city groups’) peuvent se rencontrer régulièrement et travailler ensemble. L’idée de la remise en route d’une commission nationale a été plébiscitée lors de l’atelier Europe de l’Université d’été 2011 mais elle n’a pas vu le jour. Une coordination informelle partie de la base du parti s’est mise en place mais elle manque cruellement de moyens.
QUELQUES PROPOSITIONS POUR AMÉLIORER NOTRE TRAVAIL SUR LA QUESTION EUROPÉENNE
Afin d’encourager le bureau national à mettre en place des solutions aux problèmes décrits dans ce descriptif, nous proposons l’adoption des prises de position suivantes par la fédération lors de son congrès du samedi 20 octobre 2012 pour que :
Le parti crée un secrétariat national aux affaires européennes de plein exercice et distinct de celui des affaires internationales.
Le parti crée une commission nationale Europe qui regroupe un ou des représentants de la présidence du PSE, du secrétariat national aux affaires européennes, de la délégation socialiste française au Parlement européen, des groupes socialistes à l’assemblée nationale et au Sénat, des secrétaires fédéraux Europe, et des animateurs des ‘city groups’. Son bureau incluant un membre de chaque composante.
Le parti s’engage à faire en sorte qu’à l’avenir un député européen ne pourra être désigné candidat à l’Assemblée nationale ou au Sénat avant l’arrivée à terme de son mandat européen.
Le parti s’engage à promouvoir le programme commun (Manifesto) des socialistes pour les prochaines élections européennes, en renforçant les procédures qui permettent aux adhérents de contribuer à sa rédaction et de participer à sa validation démocratique.
Le parti s’engage à favoriser :
La création de secrétariats fédéraux aux affaires européennes dans chaque fédération, distincts des questions internationales.
L’émergence de ‘city groups’ du PSE et de sections transfrontalières
L’établissement de listes pour les élections européennes incluant des candidats qui incarnent la diversité européenne.
La mise en place de primaires européennes afin de désigner le candidat des socialistes européens à la présidence de la Commission européenne
Les campagnes européennes de terrain et notamment celles visant à adopter des initiatives populaires européennes.
La communication entre les militants des partis socialistes et socio-démocrates européens, à tous les niveaux possibles.
L’organisation régulière, au sein des Universités Permanentes, de séminaires de formation sur les questions européennes.
C’est en donnant une nouvelle priorité à notre travail collectif sur la question européenne, en adaptant nos structures pour que cette priorité soit donnée une forme concrète et en nous engageant à favoriser des initiatives européennes à tous les niveaux de notre organisation que nous pourrons créer la dynamique politique et les réseaux militants nécessaires pour affronter l’échéance majeure de 2014 dans de bonnes conditions.
Jacky Mace, Bernard Monot, Brest, Gaël Le Marchand, Brest