Roger Abalain figurait en 1971 sur la liste municipale menée par Francis le Blé. A 23 ans il était le plus jeune candidat. Il nous explique comment s'est déroulée cette campagne et le rôle qu'elle a joué dans la construction du PS à Brest.
Cap Finistère : Peux tu nous rappeler le contexte dans lequel ses sont déroulées les élections municipales de 1971 à Brest ?
Roger Abalain : La gauche n'avait pas été aux affaires à Brest depuis des décennies. Georges Lombard était maire. S'il n'était pas carté dans un parti, lui et sa majorité étaient bien à droite.
La gauche était dans une phase de recomposition, nous étions quelques mois avant Epinay.
Francis Le Blé était déjà reconnu comme la personnalité politique pouvant être le leader de la gauche non communiste, capable de rapprocher les chrétiens progressistes, la gauche traditionnelle, laïque issue de la SFIO et le PC.
Cap Finistère : Comment as-tu rencontré Francis Le Blé ?
Roger Abalain : Je l'ai connu en mai 68. J'étais représentant syndical à l'école technique de la marine. Nous nous étions mis en grève et des enseignants du SGEN CFDT assuraient les cours. C'est ainsi que j'ai rencontré Francis Le Blé au local de la CFDT qui, à l'époque était hébergée dans des baraques.
Nous sommes restés en contact et en 1969 j'ai adhéré au PS. Au secrétariat fédéral, j'étais chargé de la jeunesse. En 1971, à 23 ans, Francis m'a demandé de figurer sur la liste.
Cap Finistère : Quels thèmes ont été mis en avant durant cette campagne ?
Roger Abalain : Je me souviens avoir préparé un texte sur la démocratie locale qui a donné lieu à un débat houleux au sein de la liste. Presque 30 ans plus tard, à la mairie de Loc Maria Plouzané j'ai mis en pratique les idées que nous défendions à l'époque.
Notre campagne n'était pas vraiment locale. Nous étions dans une logique de rupture avec le capitalisme et notre campagne était vraiment idéologique : nous avancions surtout les propositions nationales du Parti Socialiste.
Cap Finistère : La direction du parti vous a-t-elle soutenu pour cette élection ?
Roger Abalain :A cette époque, nous étions en pleine reconstruction, quelques mois avant Epinay. Et surtout, vu de Paris, la Bretagne était vraiment considérée comme une terre de mission. Nous avons été " obligé de nous débrouillé, un peu oubliés par la direction nationale du parti.
Cap Finistère : les municipales de 1971 ont-elles joué un rôle dans l'essor du PS à Brest ?
Roger Abalain : Avant l'élection de 1971, il y a eu mai 68 qui, pour de nombreux militants, comme moi, a joué un rôle de déclencheur. Il ne faut pas l'oublier.
Mais je pense effectivement que l'élection municipale de 1971 a été importante. Il suffit pour s'en convaincre de regarder la liste des candidats : Jo Gourmelon, Yves Julien, Gaby le Bot, François Pellenec, Louis Plougoulm, jean Poullaouec, René Quentric, André Ravailleau et j'en oublie certainement. On retrouvera tous ces militants dans les années 70. Ils constitueront la base du PS.
La liste menée par Francis Le Blé s'intitulait " liste d'action socialiste " mais on y trouvait des représentants de la société civile qui n'étaient pas encore au PS et qui pour certains n'ont jamais adhéré.
Mais je me souviens très bien des réunions et des débats que nous pouvions avoir au PS à l'époque. Notre local se trouvait rue de Glasgow, juste en face de celui du PC. Je pense que ce climat de renouveau et d'ouverture a contribué à attirer des adhérents qui, après 20 ans de pouvoir gaulliste voulaient vraiment que ça change.
Cap Finistère : A part Francis Le Blé, tête de liste, et Robert Arnault second, les candidats de la liste socialiste sont classés par ordre alphabétique. Est-ce un hasard ?
Roger Abalain : Non bien sûr. Francis Le Blé s'imposait comme tête de liste. Robert Arnault, militant SFIO de longue date méritait tout à fait sa deuxième place. C'était aussi tout un symbole : Francis Le Blé, l'ancien militant de la CFTC puis de la CFDT et Robert Arnault, le militant laïc ensemble dans les deux premières places. Ensuite, c'est vrai, nous étions classés par ordre alphabétique. Cela montre bien que nous n'avions pas beaucoup d'espoir de gagner. Pour le second tour, nous avons appelé à voter pour la liste communiste arrivée nettement devant la notre.
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