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mercredi 25 décembre
Un parti en changement
 
Etat des lieux et constats
 
Pouvoir
Les récentes victoires aux élections Présidentielle et législatives donnent les pleins pouvoirs à la gauche en France. C’est bien-sur d’abord l’opportunité pour nous d’agir et de montrer au peuple français la différence avec la politique de droite. Mais l’exercice du pouvoir au niveau national a souvent été aussi une période difficile pour la gauche.
Dans l’opposition, la droite frappe fort, se radicalise et déstabilise l’opinion publique au travers des médias (rappelons-nous des 35h). Ce sera le temps d’une droite de plus en plus démagogique et se rapprochant probablement dans le temps du FN en de multiples occasions. Ce sera l’affrontement avec une droite surfant sur les thèses du FN, largement diffusées et légitimées dans l’opinion publique par le Président sortant.
Mais l’exercice du pouvoir à gauche s’accompagne aussi souvent d’un retrait des forces
de Gauche. L’ADN de la gauche est par nature suspicieux du pouvoir. Quand la droite admire les chefs, les leaders, la gauche est exigeante et critique. Elle objecte et demande toujours plus, dans un pays, malgré nous, encore majoritairement ancré à droite.
 
Défiance
 
Au-delà de l’exercice du pouvoir par la gauche, c’est aussi le fonctionnement des partis politiques qui est mis en question par la société. Le baromètre de la confiance politique du CEVIPOF témoigne de l’état de défiance des citoyens vis-à-vis des partis politiques, qui arrivent en dernier avec les banquiers !
C’est à la fois l’impression d’une confiscation du pouvoir qui est pointée (critique sur les élites, le cumul, les passe-droits, etc…), mais aussi une vraie difficulté à rénover l’action politique. L’abstention devient l’un des marqueurs de cette défiance, à la fois tirée par l’appel à la contestation des extrêmes, mais aussi poussée par des appels au non vote de responsables politiques : le vote ni-ni.
Les victoires politiques se font autant sur la force du rejet que sur celle de l’adhésion à un programme ou à un projet. Cet état de fait témoigne d’une réelle fragilité de notre système politique, avec en arrière-plan, le risque croissant d’une réelle instabilité, installée sur la durée.
Pour autant, l’opinion publique s’intéresse aux thèmes du politique. Les attentes sont bien là et l’intérêt pour l’information politique n’est pas en cause. Il y a un besoin de politique qui se cherche, mais qui ne trouve plus refuge au sein des partis tels qu’ils sont.
 
Individualisme
 
La modernité a sorti l’individu de la pression sociale du collectif, mais a aussi produit l’individualisme. Les grandes institutions, dont les partis, n’ont pas encore réellement intégré ces modifications dans leurs façons de concevoir l’action. Par nature, les partis 2 restent sur une logique de masse, de thématiques généralistes et entremêlées, et enfin d’un engagement sur la durée.
La société actuelle est plutôt réceptive à des modèles d’actions spécialisés ou centrés sur un sujet, faisant intervenir des groupes de taille réduite et sur un engagement plutôt à court terme, concret et ponctuel, quand ce n’est pas à la carte (l’action se conçoit à la façon des messages publicitaires : « sans engagement »). Les individus ne s’engagent plus fortement dans un groupe important, mais de façons multiples dans différents petits groupes choisis, tout en conservant une pleine et entière liberté de rupture en cas de désaccord.
Cette difficulté pour les institutions historiques n’empêche pas la réalité d’un foisonnement d’engagements individuels ciblés et potentiellement très actifs. Les modalités de ces engagements sont par contre très éloignées de ce que proposent les partis aujourd’hui, tant sur la forme que sur le retour attendu de ces actions.
 
Objectifs pour le parti
 
Passer d’un parti d’opposition à un parti au pouvoir
Le parti socialiste ne pourra gouverner durablement que s’il met en place des stratégies permettant de contrer l’agressivité de son opposition, mais aussi de conserver l’adhésion de nos concitoyens, voire de la renforcer.
Jusqu’à aujourd’hui, l’accession de la gauche au pouvoir a plutôt généré un retrait du parti, soucieux de ne pas gêner l’action publique locale de ses élus, de ne pas les fragiliser. Ce retrait bienveillant a contribué sur la durée à affaiblir le parti lui-même, et priver nos élus de soutien et de relais. Cette bienveillance est donc contre-productive sur le moyen terme.
Nous devons renouveler le discours du parti lorsque nous sommes au pouvoir, sans que celui-ci n’apparaisse comme une marionnette au service de ses élus. Le parti doit se positionner de façon différente, de façon complémentaire dans le rapport au politique.
Cette place est probablement plus prospective, plus sur le sens ou sur les enjeux, mais aussi plus sur le rapport et le lien à la société.
 
Redonner au parti son rôle d’éducation populaire
 
Dans une société où la pression médiatique est très forte, le politique au pouvoir apparait rapidement prisonnier de l’opinion publique. Il n’est alors légitime qu’à appliquer le programme pour lequel il a été élu. 
Dans le même temps, les programmes politiques nationaux s’écrivent sur la base d’une stratégie de mobilisation majoritaire, de façon à remporter un scrutin. C’est donc bien en amont de l’élection que se joue la réelle opportunité de changement de la société.
Nous avons trop souvent compté sur nos élus, une fois au pouvoir, pour modifier en profondeur la société et porter nos idées. Nous ne sommes pas une droite conservatrice, mais une gauche progressiste. La réalité est donc différente. Le parti a un rôle central à jouer : un rôle d’éducation populaire, un rôle de transformation sociale, un rôle d’évolution des mentalités, un rôle de construction d’une acceptabilité à même de porter nos valeurs et nos propositions lors des scrutins. Le parti ne doit pas suivre les élus, mais les devancer pour préparer le terrain de demain.
 
Retisser des liens, en interne comme en externe
 
Notre parti est riche d’élus qui maitrisent bien les sujets de société dont ils ont la charge et riche de militants et de sympathisants qui sont à la fois des voix de cette société, mais aussi des liens avec elle. Nous devons favoriser le travail coopératif des élus avec les militants, sous différentes formes et sur différentes thématiques. Ce travail en équipe doit aussi avoir pour objectif la transmission des savoirs et des valeurs, afin de former la génération montante de citoyens.
En externe, le constat peut être fait que les autres grandes institutions se sont coupées du politique par soucis de liberté et d’autonomie, mais probablement aussi parce qu’elles ne trouvaient plus leur place à coté des politiques. Nous devons trouver des façons de retisser les liens avec ces réseaux d’acteurs de nos territoires qui partagent nos valeurs. Il faut que le parti sache leur proposer des échanges et des réflexions qui aient, d’une façon ou d’une autre, une vraie valeur ajoutée.
 
Moderniser nos modes d’interventions, en interne comme en externe
 
L’évolution de la société conduit à des attentes de réponses et de débats politiques beaucoup plus ciblés, beaucoup plus participatifs et donc avec des groupes plus réduits.
Aujourd’hui, les grands rassemblements politiques s’adressent et concernent les militants, les convaincus. La transformation se fera par des petites salles, par l’apprentissage de la micro-politique, au plus près des citoyens et de leurs attentes.
Pour transformer la société, nous devons aller vers ceux qui pensent différemment, être à l’écoute, chercher à comprendre et probablement prendre aussi en compte d’autres attentes, d’autres regards de personnes qui partagent aussi nos valeurs.
Pour que les citoyens viennent vers nous, il nous faut aussi nous adapter à des méthodes plus participatives, pour lesquelles le Parti n’est plus seulement synonyme de direction, mais de sens et d’accompagnement à la transformation. Nous devons avoir autant le souci de nourrir notre réflexion que celui de nourrir celle des autres. Nous devons adapter nos méthodes d’interventions avec des façons de faire plus orientées vers la coopération, la transmission de savoir et la production collective, avec tous ceux qui viennent versnous.
 
Pistes d’actions
 
Un parti au service des autres
 
Le parti doit se mettre au service de la population, il doit permettre de donner la parole, d’animer le débat et intervenir en réponse, en explication. Il ne doit pas se situer dans une démarche commerciale et marketing avec la population, comme cela peut être ressenti au moment des campagnes électorales, par exemple.
Le parti, qui dispose pour ce faire de la force et la compétence nécessaires, va doit s’organiser pour proposer des interventions de fond et de qualité à l’attention d’autres groupes formés : associations, syndicats, institutions, acteurs éducatifs et économiques… L’objet serait à la fois d’écouter, d’informer et d’échanger, mais aussi de sortir de nos murs, d’aller vers les autres, chez les autres.
 
Un parti de la formation permanente
 
Il y a possibilité d’organiser des conférences hors des murs, en faisant venir des intellectuels, des acteurs majeurs, sur des sujets d’actualité, de façon à produire de la réflexion et des changements de mentalité. Le parti doit être force de proposition et prendre toute la part éducative qui est la sienne.
 
Un parti opposé à tout extrême
 
Le parti doit pouvoir être localement le relais d’un observatoire des pratiques politiques du FN qui se constituerait au niveau national. L’ambition serait de communiquer, pardes campagnes d’information de terrain, sur la réalité du FN en politique. Au moment où la droite de pouvoir est tentée par les thèses démagogiques et haineuses du FN, il est nécessaire de rendre visible aux citoyens la réalité de cette dérive, de les alerter sur les dangers pour notre société de ces thèses.
 
Un parti d’élus, de militants et de sympathisants
 
Le parti peut facilement organiser son fonctionnement autour d’équipe constituées d’élus et de militants. Au niveau des sections, de l’organisation de réunions ou d’actions ponctuelles. Ces binômes seraient à la fois cohérents et complémentaires et ne pourraient fonctionner que dans le cadre d’un respect mutuel, reconnaissant le rôle et la force de chacun.
Les militants et les sympathisants sont aussi des liens vers d’autres réseaux. La possibilité peut être offerte pour un militant ou un sympathisant de solliciter un élu sur une rencontre ou une action ciblée sur un quartier, autour d’un café ou d’un repas. Le caractère informel et convivial de l’échange s’accompagne aussi souvent d’une qualité de l’échange, pour peu que quelques règles soient posées.
 
Un parti d’expérimentation de la politique et de production d’idées innovantes
 
La politique n’est pas un engagement passif, elle doit aussi se pratiquer au plus près de sa réalité. Cela signifie produire des idées bien-sur, mais aussi savoir les confronter à d’autres réalités, savoir écouter, savoir négocier, savoir co-construire et s’enrichir à plusieurs.
Il est important que le parti mette en place des méthodes d’animations plus participatives et donc plus proches de la réalité de ce qu’est la politique. Des méthodes comme les forums ouverts, par exemple, permettant de pratiquer expression, innovation et éducation collectives.
L’expérience de la co-construction politique ne doit pas être du seul ressort des élus, mais bien accessible à tous si nous voulons que la démocratie soit comprise dans son fonctionnement et que de nouvelles idées émergent de la société.
 
Un parti incarné par des citoyens
 
Hérité de l’époque où le collectif primait sur l’individuel, la communication du parti (hors campagne) est souvent très institutionnelle. Les façons de communiquer ont changé et cela crée un décalage et une incompréhension avec la population.
Il faut redonner la parole aux militants, leur donner la possibilité de s’exprimer, de donner leur avis. Différents avis ont le droit de s’exprimer, ils témoignent de la richesse du parti et probablement aussi de la difficulté à produire l’intérêt général. Il est tout à fait possible dans nos communications de mélanger une parole plus institutionnelle (élus), avec celles de citoyens militants engagés, autour d’un sujet donné. Il est probable que cela parlerait beaucoup plus aux habitants, tout en reconnaissant l’expression etl’opinion de nos militants.
 
Un parti démultiplié sur le terrain
 
Il faut trouver le bon équilibre entre l’énergie dépensée pour organiser des temps forts ou des actions et le résultat escompté. La spécialisation des citoyens et la multiplication des interlocuteurs doit nous conduire à nous adapter à cette nouvelle donne.
Des interventions face à des groupes de taille réduites requièrent des modalités d’intervention simples et qui ne sollicitent pas trop d’énergie : petite équipe pour petite réunion, mais pouvant se démultiplier facilement, sans s’épuiser. Il nous faut apprendre à faire de la micro-politique, comme l’on fait du microcrédit.
 
Un parti adapté au Web 2.0
 
L’arrivée des communications via les réseaux électroniques a profondément bouleversé les façons individuelles de communiquer. Il faut questionner ces modes d’expressionvis-à-vis de la politique et observer ce que cela produit.
Par exemple, un tweet est par définition une communication rapide, courte dont l’attractivité est moins dans le contenu que sur une forme de critique ou d’agression (souvent sous forme humoristique). La politique se situe plutôt sur le temps long, la complexité et l’apaisement !
Nous devons interroger la façon dont les outils façonnent nos manières de faire de la politique et les conséquences que cela produit, tant sur la qualité du débat politique que sur l’opinion publique. 
 

Ecrit par : Thierry FAYRET, Christine WALID, Isabelle MELSCOET, Yann MASSON, Karine COZ-ELLEOUET, Marc SAWICKI et Jean-Claude LARDIC, membres des sections de Brest.

Jacques Meudec, Taulé, Fabrice Huret, Guipavas, Catherine Huon, Brest, Carole Znamenace’k, Brest, Andrew Lincoln, section des Abers.

 

http://www.parti-socialiste.fr/congres/contribution/thematique/un-parti-en-changement