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mercredi 25 décembre
Abstention : faire vivre la démocratie

On parle de l’abstention une semaine avant les élections pour mobiliser les électeurs, le soir des scrutins, pour se désoler de son ampleur et ensuite on prépare la prochaine élection... Dans une note intitulée « La République de l’abstention », publiée par la Fondation Jean-Jaurès, Dorian Dreuil, revient sur ce phénomène déjà ancien et présente une palette de solutions, techniques
et politiques, à même de stimuler la participation.

Cap Finistère : Le taux d’abstention record du mois de juin est-il l’effet de
la crise sanitaire ou le résultat logique d’une évolution déjà ancienne ?
Dorian Dreuil : Il s’agit d’un phénomène de défiance bien plus profond qui, comme l’ont montré les sociologues Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen, remonte à la fin des années 70. Invoquer le sentiment d’insécurité sanitaire ou la fête des pères ne résiste pas aux comparaisons internationales qui montrent que d’autres pays, comme les États-Unis, Israël ou les Pays Bas ont également organisé des scrutins sans enregistrer de taux d’abstention aussi importants que chez nous.

Cap Finistère : Peut-on dresser un portrait-robot de l’abstentionnisme ? Dorian Dreuil : C’est assez difficile de répondre à cette question, car il existe des abstentionnistes plus qu’une abstention. Certains ne votent pas par méfiance envers le système et d’autres par désenchantement. L’abstention touche toutes les élections et tous les électorats, y compris celui d’Extrême- droite. On constate cependant que les jeunes de moins de 30 ans ont formé, cette année, les gros bataillons des abstentionnistes. Or, cette génération n’est pas dépolitisée puisqu’elle sait se mobiliser pour des causes, notamment environnementales. Mais elle ne voit pas l’impact que pourraient avoir ses votes sur les causes qui lui tiennent à cœur.

Cap Finistère : Justement, vous préconisez, entre autres, l’abaissement du droit de vote à 16 ans ?
Dorian Dreuil : Toutes les enquêtes réalisées dans les pays qui ont abaissé l’âge du droit de vote et les études de sciences électorales montrent que, plus on prend l’habitude de voter tôt, plus on vote durablement. Les jeunes de 16 ans peuvent déjà créer une association, travailler et payer des impôts, on peut être parent, on peut s’émanciper... À 16 ans, on peut donc disposer de nombreux droits, sauf celui de voter.
En s’inspirant de ce que font nos voisins,
je crois qu’il faut aussi envisager de recourir au vote par correspondance, par voie postale ou par internet, ou d’organiser le scrutin sur tout un week-end.
À partir du moment où les candidats sont astreints au
silence dès le vendredi à minuit, rien n’interdit de faire débuter le vote dès le samedi.
La question des mal inscrits doit également être traitée. En effet, on évalue à 6 ou 7 millions le nombre d’électeurs potentiels qui, pour différentes raisons, sont inscrits dans une autre commune que celle où ils vivent. Or, il est assez compliqué d’effectuer un changement d’adresse. Il y a là un enjeu démocratique sur lequel je souhaite travailler dans les mois qui viennent avec un collectif de citoyens engagés.

Cap Finistère : Vous n’évoquez pas le vote obligatoire.
Dorian Dreuil : Je pense qu’en faisant appel à des mesures coercitives, on ne répond pas à la question posée. La fracture est trop profonde et le vote obligatoire ne ramènera pas la confiance. Le droit de vote est une liberté que nous devons préserver. En revanche, il me semble important de donner plus d’importance au vote blanc. Il doit être distingué du vote nul et, au-delà d’un certain seuil à définir, il devrait avoir un impact sur le résultat du vote.
Cap Finistère : Enregistrerons-nous un taux d’abstention record à la prochaine Présidentielle ?
Dorian Dreuil : La Présidentielle reste tout de même la principale élection de nos institutions. En revanche, l’enjeu, pour le ou la prochaine président.e sera bien de construire une majorité parlementaire représentative de la pluralité des opinions. Sinon, nous risquons de connaître aux Législatives des taux d’abstention très élevés.
Je ne pense pas qu’il existe une solution miracle mais toute une série de mesures. C’est d’autant plus difficile qu’il faut appuyer sur tous les boutons en même temps : à la fois les enjeux immédiats de la modernisation du scrutin, mais aussi le temps long. On a bien vu ces quatre dernières années, à travers des mouvements sociaux et des mouvements citoyens qu’il y a une envie de politique. Or, paradoxalement, cette envie ne se traduit pas par le vote. Or, je crois qu’on peut en partie résoudre ce paradoxe en redonnant aux citoyens une place dans les institutions, pas seulement en votant tous les cinq ans, mais aussi entre deux scrutins.




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