Belgique : plus divisée que jamais
Difficile de tirer un bilan général des élections municipales qui viennent de se tenir en Belgique tant la fracture entre la Flandre et la Wallonie est béante. Cependant, dans sa partie francophone, la gauche et les écologistes réalisent d’excellents scores, nous explique Matthieu Hornung, trésorier de la section socialiste française de Bruxelles et lui-même candidat aux élections municipales.
Cap Finistère : Alors que les sections socialistes françaises à l’étranger sont le plus souvent spectatrices des élections, cette fois-ci, vous avez aussi été acteurs ?
Matthieu Hornung : Absolument. Les étrangers peuvent se présenter aux élections municipales en Belgique et j’étais moi-même candidat sur la liste socialiste à Schaerbeek, en 25e position. Je n’ai pas été élu mais ce fut une expérience assez unique puisque nous avons fait campagne avec des Italiens, des Allemands ou des Espagnols. À Bruxelles, près d’un tiers de l’électorat est composé d’étrangers qui pourraient voter. Mais seuls 25 % d’entre eux se sont inscrits sur les listes électorales. Nous avons mené une campagne d’information qui a permis de faire progresser le taux d’inscription de 20 %. Il faut noter que le système électoral belge est assez singulier puisqu’il permet un vote préférentiel pour des candidats.
Cap Finistère : Qui a gagné les élections communales en Belgique ?
Matthieu Hornung : Il faut toujours faire la distinction entre le nord et le sud du pays, la Flandre d’une part et Bruxelles et la Wallonie d’autre part. Dans la partie flamande, la droite et l’extrême-droite renforcent leurs positions. On voit même des groupes proches des néo-nazis entrer dans des conseils municipaux. En revanche, dans la partie francophone la gauche résiste bien et l’extrême gauche et les écologistes progressent. Ce qui est sûr, c’est que le parti francophone au pouvoir au niveau fédéral, le MR (Mouvement des réformateurs) de Charles Michel qui se situe à droite, a clairement été sanctionné par les électeurs.
Cap Finistère : Quel est le positionnement des Verts en Belgique ?
Matthieu Hornung : Ici, les Écolos se rapprochent plus du modèle des Grünen allemands que des Verts français. Le rôle du parti central est plus faible qu’en France. Le parti vert belge tire sa force de militants qui agissent dans des mouvements locaux ou dans des associations. Ici, en Belgique, ils ne sont pas dans une logique gauche/droite et peuvent passer des accords et participer à des majorités de droite ou de gauche.
Ce sont surtout des urbains diplômés. Ceci dit, sans vouloir minimiser leur progression, il faut tout de même avoir en tête que sur les 19 communes de Bruxelles, les écolos n’en gagnent que deux, passant de une à trois, tandis que le PS reste à sept. En dehors de la capitale, les écolos en remportent aucune grande ville. Mais il faut aussi reconnaître qu’ils ont réussi à s’ouvrir mieux que d’autres partis à la diveristé européenne.
Cap Finistère : À quel courant se réfère le PTB (Parti du Travail de Belgique) ?
Matthieu Hornung : S’il fallait prendre une référence française, je crois qu’on pourrait le comparer à Lutte Ouvrière. Ce parti n’a enclenché son processus d’ouverture qu’il y a à peine dix ans. Les socialistes, bien qu’ils n’y fussent pas, mathématiquement, obligés, ont fait des offres de partenariat pour diriger des communes. Pour le PTB, c’est l’heure de vérité : soit il accepte de prendre des responsabilités et participer à la gestion des communes, soit il reste dans sa fonction protestataire.
Cap Finistère : Comme souvent en Europe, la question de l’accueil des réfugiés a-t-elle été au coeur de la campagne électorale ?
Matthieu Hornung : Non, la campagne a porté sur des questions qui concernent les municipalités. Or, les compétences municipales en matière d’accueil des réfugiés sont limitées. Les candidats ont fait campagne sur des sujets qui concernent la vie quotidienne des habitants et en particulier tout ce qui touche aux mobilités ou à la qualité de l’air.
Cap Finistère : Le Parti Socialiste belge résiste solidement, dans les municipalités ?
Matthieu Hornung : Le Parti Socialiste Belge résiste effectivement à Bruxelles et en Wallonie où il conserve la plupart des grandes villes comme Charleroi, Liège ou Mons… Il faut bien se rendre compte que le PS belge dispose d’une forte base militante : il compte plus d’adhérents que le PS français avec seulement 4 millions d’habitants !
Cap Finistère : Élections après élections, la Belgique semble de plus en plus divisée.
Matthieu Hornung : Oui, c’est très net. Et le prochain rendez-vous électoral risque encore d’accentuer cette perception puisque les Belges voteront en mai 2019 en même temps pour les élections Régionales, Législatives et Européennes. Sur des enjeux vraiment municipaux, touchant à la vie quotidienne, le climat politique général est resté relativement serein. Mais pour les prochaines échéances on risque d’assister à une surenchère à droite et à l’extrême-droite où le NVA commence à être concurrencé par des groupes encore plus radicaux que lui.
Interview publiée dans le Cap Finistère n°1244 du 26 octobre 2018