Comment faire valoir nos droits culturels
Comment passer de la culture pour tous à la culture avec tous ? Peut-on compter sur le ministère de la Culture pour faire respecter les droits culturels ? Et comment, alors qu’elle fait partie intégrante de notre culture, favoriser et amplifier l’usage de la langue bretonne ? Voilà en partie l’objet du webinaire organisé le 19 septembre par le BREIS.
« Nous participons aujourd’hui à la quatrième visioconférence dans le cadre de la préparation du projet régional », a rappelé Forough Salami Dadkhah en préambule de ces échanges. À l’issue de cette série de webinaires, au mois de novembre, le BREIS tiendra une journée de travail pour effectuer une synthèse des interventions, ainsi que des contributions réalisées par les conseillers régionaux ou les sections afin d’enrichir le projet que les socialistes défendront pour les prochaines élections régionales.
« À quoi sert la culture ? », a tenu à rappeler Jean-Michel Le Boulanger, vice-président du Conseil régional. Elle doit répondre à trois enjeux. D’abord participer à l’émancipation individuelle de chacun, parce que nous ne pouvons pas être réduit à un rôle de consommateur.
« Il faut passer de “ la culture pour tous ” à “ la culture avec chacun ”. »
Ensuite, elle doit permettre de « faire société ensemble » ce qui implique un partage d’émotions, mais aussi la possibilité pour chacun d’avoir accès à toutes les formes de cultures, celles dites savantes mais aussi aux cultures populaires.
Enfin, la culture doit permettre de « faire humanité ensemble » en rappelant que nous n’avons qu’une terre et que nous formons la même humanité. En ce sens aucune culture n’est figée et toutes s’enrichissent des apports des autres.
« Le Breton est un trésor qu’il faut partager. »
Le ministère de la Culture a-t-il permis d’atteindre les objectifs fixés au début la Ve République, à savoir démocratiser l’accès à la culture ? Oui, en partie, puisque le nombre de salles s’est considérablement développé. Mais, si la plupart des Bretonnes et des Bretons peuvent rapidement se rendre dans une salle de spectacle, peut-on pour autant parler de démocratisation de la culture ? Et peut-on considérer que les Françaises et les Français sont égaux alors que le ministère de la Culture subventionne prioritairement les projets de la région parisienne ? Car force est de constater qu’une grande partie de la population ne se considère toujours pas concernée par l’offre culturelle. Il faut sans doute passer à une logique plus qualitative que quantitative, comme l’ont expliqué Jean-Michel Le Boulanger et Béatrice Macé, directrice des Transmusicales de Rennes, en mettant en avant la notion de « droits culturels ».
« On passerait ainsi d’une logique de “ faire pour des publics ”, à une logique de “ faire avec des personnes ” ce qui change totalement la manière de penser les politiques culturelles. » La culture est l’un des rares domaines où la plupart des collectivités locales peuvent intervenir. Il convient donc qu’elles se coordonnent. Et qu’elles desserrent l’étau qu’elles ont imposé au monde de la culture. « On ne peut pas évaluer un programme culturel au nombre de représentations ou de spectateurs qu’il attire », a insisté Jean-Michel Le Boulanger. « C’est beaucoup plus complexe. Il faut donner du temps aux compagnies et mettre fin à la logique du chiffre. »
Cette nouvelle logique nécessite une décentralisation plus aboutie et la reconnaissance du droit à l’expérimentation pour les collectivités locales.
Le mandat régional 2021-2027 sera déterminant pour le développement de la langue bretonne. On compte environ 200 000 locuteurs bretons aujourd’hui. Dans vingt ans, ils seront 100 000. « Il ne faut surtout pas passer sous cette barre des 100 000 », a prévenu Bernez Rouz, président du conseil culturel breton. D’autres pays européens ont montré qu’il est possible de développer les langues régionales. À condition que les collectivités locales concernées s’en donnent les moyens.
Leur action doit se développer dans trois directions. D’abord, bien sûr, l’école. « Il faut s’inspirer de ce qui marche », a indiqué Bernez Rouz, faisant référence au Léon, dans le secteur de Plouguerneau Lesneven. « Chaque commune a une filière bilingue qu’elle appartienne à l’école publique, à l’école privée ou à Diwan. »
On compte environ 20 000 élèves dans les classes bilingues. « Nous avons la chance de pouvoir compter sur la diversité des filières (publique, privée, Diwan) et des méthodes pédagogiques (immersion ou pas) », a insisté Rémi Toulhoat, président de Div yezh Breizh, le réseau bilingue public Français-Breton. « Le Breton est un trésor qu’il ne faut pas garder pour soi, mais qu’il faut partager. »
À côté de ces aspects éducatifs et médiatiques, il convient tout de même que l’État garantisse constitutionnellement le statut des langues régionales. Malheureusement, le chef de l’État ne semble pas pressé de répondre à cette demande de sécurisation.
Article publié dans le Cap Finistère n°1325 du 25 septembre 2020