« Quel bilan tirer du dernier cycle législatif et quelles perspectives tracer pour demain, pour le PS et pour la Gauche ? », se sont demandés les Socialistes du Finistère et leurs partenaires, le 24 septembre, au centre de Moulin Mer, à l’occasion de l’Université de rentrée de la Fédération.
Vaste programme ! est-on tenté de répondre spontanément tant les changements intervenus depuis un an sont importants et ont totalement modifié les contours de la Gauche.
Cependant, six mois après la signature de l’accord de la NUPES, il est tout de même possible d’apporter des éléments de réponse.
« Jamais un accord n’avait permis des candidatures uniques dans toutes les circonscriptions », a insisté Rémi Lefebvre. « Il répondait à une très forte aspiration unitaire de la part des électeurs de Gauche », a complété l’universitaire lillois, rappelant que 500000 personnes s’étaient inscrites pour la Primaire populaire.
Une histoire faite de scissions et de divisions
L’Histoire des Gauches, depuis la fin du XIXe siècle, est rythmée par une succession de rivalités et de scissions. On peut même considérer qu’en France, la division est la norme et l’union l’exception, a rappelé de son côté l’historien Gilles Candar.
Ce qui unit les formations de Gauche, c’est l’idée qu’il faut engager des ruptures avec l’ordre établi, comme disaient Léon Blum et François Mitterrand. Mais après, des débats sans fins s’engagent sur la méthode et l’ampleur de cette rupture.
C’est une constante historique : ceux qui portent les idées nouvelles cherchent à s’imposer, en bousculant un peu les autres partis plus établis. On l’a vu au début du siècle avec les Socialistes qui se sont imposés face aux Radicaux ou les Communistes contre les Socialistes, à partir des années 20, puis dans les années 80 avec le développement des Verts et maintenant avec la France insoumise.
Pierre Jouvet a rappelé le contexte dans lequel se sont déroulées les négociations. Il faut remonter à 2017 pour bien comprendre. Les Socialistes avaient quasiment tous les pouvoirs en 2012 (Élysée, Sénat, Assemblée). En 2017, ils n’ont plus rien. Leur candidat à la Présidentielle, Benoît Hamon, quitte le parti pour fonder son mouvement, quand une partie des cadres et des militants rejoignent Emmanuel Macron. Lorsqu’Olivier Faure est élu Premier secrétaire, le PS est un champ de ruine. La question même de sa survie est envisagée.
Après un début de mandat compliqué, où les Socialistes étaient totalement isolés à Gauche, parfois même hués dans les manifestations, les élections municipales, puis départementales et régionales ont laissé entrevoir un espoir. Mais, avec les résultats de la Présidentielle, il faut se rendre à l’évidence : l’électorat de Gauche veut l’union.
L’accord rapidement conclu, compte tenu du calendrier électoral, n’est pas parfait. D’une part, parce qu’il n’a pas permis à la Gauche de l’emporter. « La part des députés de Gauche est même très faible », a souligné Rémi Lefebvre.
D’autre part, comme l’a indiqué Marylise Lebranchu, il n’a pas suffisamment pris en compte les réalités locales. En affinant les candidatures, il aurait certainement été possible de présenter des candidats correspondant mieux aux réalités locales. Il s’agit là d’un des regrets de Pierre Jouvet qui n’est pas parvenu à faire comprendre à ses interlocuteurs que, si les résultats nationaux de la Présidentielle pouvaient être utilisés pour fixer la représentativité de chaque partenaire, rien n’interdisait, en fonction des réalités locales, de chercher le ou la meilleure candidat.e pour l’emporter dans les circonscriptions.
« Il faut là encore revenir à l’Histoire pour comprendre », a expliqué Gilles Candar. « L’union des Socialistes en 1905 s’est faite, par le bas, sur la base des fédérations locales. Le PS et le PC, qui sont issus de la SFIO, ont donc une approche territoriale. Il n’en est pas de même pour la France insoumise qui a plus une vision nationale. »
Le dialogue doit se poursuivre
Quoi qu’il en soit, pour les représentants des partis de la NUPES, présents à Logonna-Daoulas, le dialogue doit se poursuivre. « S’il y a un déplacement du centre de gravité de la Gauche vers des propositions plus radicales, c’est parce que l’ampleur de la crise écologique et sociale l’exige », a rappelé Pierre-Yves Cadalen (LFI), prenant comme exemple la fermeture de l’Université de Strasbourg pendant deux semaines pour économiser du chauffage.
Une réponse à l’aspiration unitaire
Grégory Lebert (EELV) n’a pas nié les divergences entre les formations politiques. Cependant, lui aussi considère que compte tenu des enjeux comme la montée de l’Extrême-droite, le délitement de la cohésion sociale ou la crise climatique, « il faut savoir dépasser les querelles ».
Gladys Grelaud (PC) ne cache pas non plus les divergences, mais considère que la division de la Gauche est mortifère et que, dans le moment, la Gauche doit s’élargir et être bien présente dans les luttes.
L’UDB n’est pas signataire de l’accord de la NUPES. Pourtant, elle s’inscrit dans le champ de la Gauche, a rappelé Bernard Le Mao, à Logonna-Daoulas. Pour lui, les accords doivent se négocier à la base pour prendre en compte les spécificités locales, comme l’eau ou le logement, pour ce qui concerne la Bretagne.
Au sein de cette union, les Socialistes doivent être eux-mêmes et n’ont pas à avoir peur de la concurrence, a insisté Tristan Foveau, pour le PS (voir page 4).
« La Gauche doit reconquérir les électeurs qu’elle a perdu »
Il est donc temps de se tourner vers l’avenir pour préparer l’alternance en cherchant à convaincre celles et ceux qui ne participent plus aux élections.
« La Gauche doit reconquérir les électeurs qu’elle a perdu a rappelé
Gilles Finchelstein. « C’est d’autant plus urgent que le pays traverse une crise profonde avec une démocratie à l’état gazeux », a insisté le directeur général de la Fondation Jean-Jaurès. Pourquoi gazeux ? Parce qu’elle est informe. Il n’existe plus un, mais une multitude de clivages, entre les citoyens. Ensuite, elle est instable. Le vote des électeurs n’est plus acquis d’avance, comme auparavant. Les électrices et les électeurs peuvent modifier leurs votes. On estime que 60 % des électeurs ont changé d’avis dans les trois mois qui ont précédé le scrutin présidentiel. Et enfin, comme le gaz, la démocratie française est explosive. L’écart entre Jean-Marie Le Pen et Jacques Chirac était de 20 millions de voix en 2002. Il était de 11,5 millions entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron en 2017 et seulement de 5 millions en 2022.
La Fondation Jean Jaurès suit, depuis 2012, un panel de 12000 électeurs de manière à suivre leurs évolutions sur la longue durée. Les études montrent que le socle électoral de Jean-Luc Mélenchon s’établit aux alentours de 10 %. Durant la campagne présidentielle, on a noté deux moments de progressions : l’idée du vote utile lui a permis d’atteindre les 16% et, en toute fin de campagne, l’espoir d’éliminer Marine Le Pen, dès le premier tour, lui a permis d’atteindre les 22%.
Penser clair, parler vrai et agir juste
Cette crise de la démocratie trouve en partie ses racines dans la crise sociale. La pauvreté touche de plus en plus de personnes, même dans notre région qui est pourtant, encore, l’une des moins inégalitaires, a alerté Daniel Delaveau, ancien maire de Rennes et représentant de la FAS (Fédération des Acteurs de la Solidarité) pour la Bretagne. « Les politiques doivent revenir sur le terrain et s’appliquer cette formule rocardienne : penser clair, parler vrai et agir juste. »
Benoît Collorec, porte-parole de la Confédération paysanne dans le Finistère, souhaite des échanges plus réguliers avec les partis. « Il est bien loin le temps des commissions agricoles du PS où il était possible de faire remonter les problèmes et les revendications des agriculteurs », a-t-il regretté. Or, la situation est alarmante pour ceux qui, comme lui, défendent une agriculture paysanne, à taille humaine. Depuis six ans, c’est la ligne productiviste de la FNSEA qui l’emporte systématiquement.
« Il faut multiplier ces moments de débats et d’échanges », a insisté Pierre Jouvet, à l’issue de cette Université de rentrée. Dans un contexte de tripartition, le bloc de Gauche et des écologistes doit être uni face aux deux autres blocs que constituent la Droite libérale et l’Extrême- droite. Et ce bloc de Gauche a besoin d’un Parti Socialiste fort.
Article publié dans le Cap Finistère n°1406 du 30 septembre 2022
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