Déchets : n’oubliez pas le guide
Que faire de nos déchets ? Les jeter dans un container et laisser la collectivité s’en occuper ? Ou prendre conscience des gaspillages et adopter de nouvelles pratiques pour en produire le moins possible ? C’est l’objectif du « guide pratique pour révolutionner la gestion des déchets » (éditions rue de l’échiquier) nous explique Thibault Turchet, Responsable des affaires juridiques et réglementaires de l’association « Zéro Waste France », co-auteur de ce livre avec Flore Berlingen et Laura Châtel.
Cap Finistère : Comment est née « Zéro Waste France » ?
Thibault Turchet : Elle a été créée en 1997 de la volonté de plusieurs associations locales de se fédérer à un moment où de nombreux projets de centres d’incinération et de stockage de déchets voyaient le jour dans tout le pays. Pour parler d’une seule voix, elles se sont regroupées. « Zéro Waste France » s’est fixé comme objectif de décrypter les enjeux environnementaux, sanitaires et économiques liés à la gestion des déchets. Nous allons à la rencontre des citoyens et des élus pour faire connaitre les modes de gestions les plus écologiques.
Cap Finistère : Pourquoi publier ce guide maintenant ?
Thibault Turchet : La perspective des élections municipales nous a bien sûr incités à écrire et à publier ce guide maintenant. Compte tenu de la législation, tant française qu’européenne, les années à venir vont être déterminantes. D’autant qu’on assiste à une vraie prise de conscience tant de la part des citoyens que des élus. Cette question sera au cœur des campagnes municipales. Je dois ajouter que nous réalisons ce guide aujourd’hui car nous avons acquis une bonne expertise sur ces sujets. Nous suivons de nombreuses expériences, en France mais aussi en Europe, et nous disposons d’exemples probants qui nous permettent de mettre en avant des retours d’expériences.
Cap Finistère : Pour quels lecteurs avez-vous rédigé ce guide ?
Thibault Turchet : Nous nous adressons aux élus en place et aux candidats aux municipales de mars prochain, mais aussi aux techniciens des collectivités locales qui ont la charge de mettre en œuvre les décisions prises par les élus. Nous consacrons d’ailleurs tout un chapitre au rôle de la commande publique dans la réduction des déchets.
Mais nous avons aussi pensé à tous les citoyens qui souhaitent s’informer sur un sujet souvent complexe. C’est pour cette raison que nous avons réalisé le cahier central qui se veut clair et pédagogique. Nous y expliquons, par exemple comment s’organise la collecte et le traitement des déchets. Nous donnons également les indicateurs de performance de manière à ce que chacun puisse situer son territoire. Ce guide est conçu comme un outil permettant à chacun de comprendre les enjeux de la gestion des déchets et de se familiariser avec une série d’acronymes parfois incompréhensibles.
Cap Finistère : Votre guide vise à "révolutionner" la gestion des déchets et pas simplement à l’améliorer. En quoi consiste pour vous cette révolution ?
Thibault Turchet : On ne peut pas reprocher aux collectivités de ne pas organiser efficacement la collecte, le tri et le traitement des déchets. Cependant, il est aujourd’hui nécessaire d’effectuer un bond qualitatif de manière à réduire la production de déchets à la source. Pour nous, il faut sortir du ronron des bacs jaunes et aller bien plus loin dans la réduction et le tri des déchets, mais aussi dans le développement de l’économie circulaire.
Cap Finistère : Parmi les 9 chantiers que vous présentez, certains sont-ils prioritaires ?
Thibault Turchet : Dans l’idéal il faut tous les lancer. Les collectivités doivent s’attaquer au plastique jetable, accompagner les initiatives dans le domaine de l’économie circulaire, favoriser tout ce qui permet le réemploi et la réutilisation des objets, lutter contre le gaspillage alimentaire, généraliser le tri à la source, ou bannir tout ce qui est jetable.
Cependant, s’il fallait n’en citer que deux, ça serait le traitement des bio déchets et la mise en place de la tarification incitative. Non pas parce que ces deux mesures suffiraient à révolutionner à elles-seules la gestion des déchets mais parce que l’expérience nous a montré qu’avec ces deux éléments, il est plus facile ensuite de trier et réduire les autres déchets. Les bio déchets représentent près de 30% de nos poubelles. Une fois enlevés, il est bien plus facile de trier le reste. Nous savons que la mise en place de la tarification incitative suscite de nombreux débats parmi les élus mais les retours d’expériences que nous avons sont positifs. Il faut savoir que la tarification incitative concerne déjà 5 à 6 millions de personnes en France. Mais ça suppose une communication en amont de manière à bien expliquer les enjeux. Et rappeler aux usagers qu’ils payent déjà une taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Ces campagnes d’information permettent d’améliorer le tri. Nous avons maintenant suffisamment de recul pour démontrer qu’en quelques années, les 6 ans d’un mandat municipal par exemple, on peut constater de réelles améliorations. Nous citons plusieurs exemples dans le livre et nous expliquons comment des communes, notamment dans le nord de l’Italie, sont parvenues à réduire de 30% leurs déchets en quelques années.
Article publié dans le Cap Finistère n°1282 du 27 septembre 2019