Demain tous Girondins ?
La décentralisation ne doit pas être cantonnée à des débats techniques entre spécialistes qui peuvent s’écharper pendant des heures à coup de sigles et d’acronymes. Elle vise tout simplement à organiser et améliorer la vie quotidienne des citoyens, en permettant à leurs élu.es d’organiser au mieux la collecte des ordures ménagères, les cantines scolaires ou l’entretien des routes. Si elle est aujourd’hui malmenée, les socialistes ambitionnent de lui donner un nouveau souffle. Mais pour ce faire, il convient de préparer, bien en amont, le prochain acte de la décentralisation. C’était l’objet de l’atelier participatif « Demain tous Girondins ? » animé par Éric Kerrouche, sénateur des Landes, et Maxime Sauvage, secrétaire national à la République des territoires, et dont le grand témoin était Nathalie Sarrabezolles. La décentralisation a, pendant longtemps, souffert, d’une image négative de la part d’une certaine presse : les élu.es locaux étaient, par définition, clientélistes et engageaient l’argent public dans des investissements disproportionnés. La crise sanitaire a cependant modifié ce discours car chacun a pu constater qu’elles ont joué un rôle d’amortisseur considérable pendant la crise sanitaire. Mairies, départements et régions ont su organiser les distributions de masques ou soutenir les associations. Derrière le discours anti-élus locaux, se cache le plus souvent la droite libérale qui, fondamentalement, cherche à affaiblir les services publics. Cette situation dure depuis des années mais s’est encore dégradée depuis l’élection d’Emmanuel Macron, puisque les collectivités locales sont confrontées à une triple défiance : celle de l’État, qui se considère comme le seul garant de l’intérêt général lorsqu’elles ne peuvent défendre que des intérêts particuliers. Mais aussi la défiance du président de la République qui n’a jamais exercé de fonction élective et se méfie des élu.es. Et enfin, celle de la majorité parlementaire composée de député.es qui prennent rarement la peine d’écouter les élu.es locaux avant de voter des textes trop souvent inapplicables.
« Les EPCI font bien de la politique. »
« Nous ne sommes pas considérés comme des partenaires », a regretté Nathalie Sarrabezolles, prenant comme exemple le plus récent la préparation de la rentrée dans les collèges. « Il y a un vrai manque de confiance de la part des services de l’État. » Depuis des mois, les présidents des Conseils départementaux demandent à expérimenter le revenu de base, sans être entendus, comme l’ont expliqué les intervenants à l’atelier consacré à la lutte contre la pauvreté. À Blois, le PS a lancé une réflexion sur les contours d’un nouvel acte de la décentralisation sous la forme d’un débat participatif destiné à vérifier si les aspirations des élu.es sont en adéquation avec celles des militants. Grâce à l’application Imagina, les adhérents qui ont participé à l’atelier ont pu voter directement sur leur smartphone en répondant aux questions qui avaient auparavant été soumises à 1000 maires socialistes. Le débat a porté sur la gouvernance, les finances locales, la déconcentration et la démocratie locale. La décentralisation fait partie de l’ADN du PS, a rappelé Éric Kerrouche, sénateur des Landes. « Mise en œuvre par Pierre Mauroy, au début des années 80, on peut dire qu’il s’agit d’une révolution silencieuse qui a profondément changé la France. Les collectivités locales disposent d’une triple force : elles peuvent établir des diagnostics rapides sur leur territoire, faire travailler ensemble différents acteurs (économiques, institutionnels ou associatifs) et elles sont en capacité de mettre en œuvre des solutions innovantes. »
« L’État doit faire confiance aux collectivités. »
Incontestablement, la place des intercommunalités et le rôle dévolu aux communes devra être clarifié. Il faut s’inscrire en faux contre l’idée selon laquelle les EPCI ne feraient pas de politique. « À partir du moment où on choisit le tracé d’une route ou la localisation d’une zone d’activité, on fait de la politique », a rappelé Éric Kerrouche. Faut-il élire, directement au suffrage universel, les exécutifs des communautés de communes ? Chacun a pu constater que le troisième tour des Municipales, c’est-à-dire la mise en place des instances intercommunales, a pu donner lieu à des négociations entre les maires. Mais, en fonction des différentes configurations, on peut craindre que des villes centres accaparent tous les pouvoirs grâce à leur poids démographique. Le vote des adhérents penche plutôt en faveur d’un vote au suffrage universel, mais avec de sérieux garde-fous pour éviter l’hégémonie des communes les plus peuplées. Comme la guerre, qui est « une chose trop sérieuse pour être laissée aux militaires », les débats sur la décentralisation sont trop importants et ne doivent pas être réservés aux élu.es. Avec ce premier débat participatif, le Parti Socialiste a montré que c’est possible.
Article publié dans le Cap Finistère n°1322 du 4 septembre 2020