Dans une tribune, publiée le 26 janvier, Tristan Foveau, secrétaire national à l’Écologie, au Dérèglement climatique et à la Biodiversité, et Alain Delmestre, secrétaire national à la Transition énergétique, dénoncent la triple faute du gouvernement vis-à-vis d’EDF.
Les directives européennes de 1996 et 2003, puis la loi du 9 août 2004, ont fait d’EDF, Établissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC), depuis 1946, une société anonyme à capitaux publics (à près de 84% de l’État).
Car, le système électrique est par nature un monopole intégré : les moyens de production (centrales nucléaires, photovoltaïques, barrages, etc.) et de distribution (le réseau), en raison des coûts de maintenance et d’investissement, de leur impact écologique sous-tendent une planification de long terme peu compatible avec les aléas du marché.
C’est donc afin de se conformer aux règles européennes qu’un mécanisme artificiel de mise en concurrence a dû être inventé : l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), mis en place en juillet 2011 par la loi NOME de 2010. Il oblige EDF à céder à ses concurrents un quart (aujourd’hui un tiers) de sa production nucléaire de l’époque (plafonné à 100 TWh/an) à un prix coûtant censé refléter le prix de production, soit 42 euros/MWh.
Cette libéralisation du système électrique était condamnée à l’échec. Quand les prix de marché sont bas, EDF vend à prix bas, quand les prix de marché sont élevés ou très élevés, EDF brade.
C’est bien une triple faute que le gouvernement commet : il ne tire pas les
La libéralisation était condamnée à l’échec
conséquences des failles de la libéralisation progressive des marchés de l’énergie, n’a pas anticipé les conséquences de ces failles, notamment pour les consommateurs, et enfin il fait preuve d’une incurie court- termiste et électoraliste vis-à-vis d’EDF, entreprise stratégique pour le pays.
En effet, quelle réforme de fond aura marqué le quinquennat d’Emmanuel Macron en matière énergétique ? Le projet Hercule, négocié secrètement avec Bruxelles puis abandonné au printemps 2021, devant une opposition unanime, prévoyait au contraire d’approfondir la libéralisation du marché de l’énergie.
À défaut de réforme de fond, le gouvernement fait peser sur EDF son manque d’anticipation politique en relevant le plafond annuel de l’Arenh de 100 TWh à 120 TWh ainsi que son tarif de 42 à 46,20 euros/MWh. Résultat de l’opération ? 8 milliards de pertes pour une entreprise qui supporte tous les coûts d’investissement, d’entretien du réseau, d’installation de nouveaux moyens de production... au bénéfice de l’ensemble du système électrique.
En définitive, s’il est indispensable de préserver le caractère public d’EDF, la libéralisation du marché électrique constitue plus largement un aléa insupportable pour les Français après la crise sanitaire et la crise économique.
Article publié dans le cap Finistère n°1380 du 4 février 2022
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