ELAN : le pire projet du quinquennat
Le projet de loi ELAN est sans doute le pire du quinquennat. Sénateurs et députés socialistes n’ont pas mâché leurs mots, le 30 mai, lors de la présentation du contre-projet qu’ils vont défendre.
Les socialistes avaient choisi de présenter ce contre-projet à Alfortville, en présence de son maire Michel Gerchinovitz et de son député et ancien maire, Luc Carvounas. Olivier Faure, Premier secrétaire du PS, Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat, François Pupponi, responsable du groupe Nouvelle Gauche sur le projet de loi ELAN, et Valérie Rabault, présidente du groupe Nouvelle Gauche à l’Assemblée nationale, ont, tour à tour, expliqué les raisons de leur opposition et présenté leurs propositions.
Présenter ce contre-projet dans une commune du Val-de-Marne ne doit rien au hasard. En effet, les élus locaux qui se battent au quotidien pour favoriser la mixité sociale et construire des logements sont les grands oubliés de ce projet de loi. Ce sont pourtant bien eux qui connaissent leurs quartiers et savent où il faut investir. Mais la loi ELAN renforce encore le pouvoir des préfets et supprime des commissions dans lesquelles siégeaient les élus.
« Il promettait la République en marche, on a la République en marché. »
Ce projet de loi part du postulat, faux, que tout ce qui a été entrepris pour stimuler la construction de logements sociaux a échoué. La majorité parlementaire jette le bébé avec l’eau du bain alors même que le bilan du quinquennat précédent en matière de mixité sociale est largement positif. Mais, pour un sujet comme celui-ci, il faut que les pouvoirs publics investissent fortement mais il faut aussi donner du temps aux dispositifs pour qu’ils deviennent opérationnels. Or, en matière de mixité sociale, les a priori et les résistances sont très fortes. S’il est assez difficile de faire aller vivre des pauvres dans des quartiers riches, il est quasi impossible de faire aller vivre des riches dans des quartiers pauvres.
« Alors que nous avons trouvé une situation catastrophique en 2012, nous avons su redresser la barre et relancer les constructions de logements sociaux, notamment en libérant du foncier public et en le donnant aux communes », a rappelé Patrick Kanner.
Depuis le début du quinquennat, on sent que le logement social est dans le collimateur du gouvernement. Ça a commencé avec la baisse des APL qui s’est traduite par une ponction de 1,5 milliard dans les caisses des offices HLM, puis la baisse de 10 % du budget du ministère du Logement. Quelques dirigeants de LREM ont reconnu que la baisse des APL était une erreur. Mais le gouvernement n’est pas revenu sur cette mesure et surtout, la loi ELAN va encore au-delà en revenant sur les engagements de l’État en matière d’accessibilité, notamment. « Emmanuel Macron avait fait campagne en promettant la République en marche mais en fait, il transforme la République en marché », a résumé le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure.
Pour la mixité sociale
Les parlementaires socialistes ont élaboré un contre-projet de loi ELAN (Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) pour répondre aux vrais enjeux en matière de logement. Leurs propositions visent à relever cinq défis : faire avancer la mixité, préserver les outils de lutte contre la ghettoïsation, ne plus appauvrir les communes les plus pauvres, préserver le patrimoine des Français et construire des logements de qualité dans un environnement préservé.
La lutte contre les ghettos est, pour les socialistes, prioritaire. Faire avancer la mixité suppose de plafonner la part des ménages les plus en difficulté dans les attributions de logements sociaux dans les Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV) et, en même temps, de partager l’effort de solidarité pour le logement et pour l’offre de services publics. Aujourd’hui, 96 communes d’Île-de-France (soit 8 %) comptent plus de 30 % de logements sociaux. Or, aucun de ces objectifs n’est concrètement décliné dans le projet de loi ELAN, actuellement débattue à l’Assemblée.
Pour les socialistes, il faut adapter le comptage SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) à cette ambition. Cela passe par un bonus de 50 % aux communes qui font du très social. Dans le comptage, un logement très social compterait pour 1,5. Un logement intermédiaire compterait pour 0,5 pour les communes qui comptent déjà 25 % de logements sociaux. Aujourd’hui, il n’est pas comptabilisé alors qu’il contribue indirectement à la production de logements sociaux.
Les préfectures déterminent les personnes qui relèvent du DALO (Droit Au Logement Opposable) et elles ont tendance à être logées dans les quartiers les plus pauvres. Les parlementaires socialistes proposent de limiter la proportion des DALO dans les Quartiers Prioritaires de la Ville.
La loi égalité et citoyenneté, de janvier 2017, prévoit qu’un quart des attributions de logements sociaux se fassent en dehors des QPV. Les socialistes proposent d’aller au-delà et passer à 50 %.
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Cap Finistère n°1230 du 8 juin 2018