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mercredi 25 décembre
En finir avec le jacobinisme
Dans Le dîner des présidents, (éditions Kero) Jean-Christophe Cambadélis imagine que tous les anciens chefs de l’État se retrouvent dans un restaurant grec pour trouver une solution à la crise des gilets jaunes. Mais ce roman donne surtout l’occasion à l’ancien Premier secrétaire du PS d’exposer ses convictions sur l’état de la France et de la Gauche. 

 

Cap Finistère : Pourquoi avoir opté pour un roman et pas un essai ? 
Jean-Christophe Cambadélis : Mon objectif était de réfléchir à une nouvelle offre pour la Gauche. Mais dans le moment présent, il me semble que les lecteurs sont plus sensibles au caractère romanesque qu’aux thèses comme elles pouvaient être publiées auparavant. 
Cap Finistère : On peut résumer ton point de vue par une formule : « Le jacobinisme et le présidentialisme, voici les ennemis ». Pour toi, à quoi ressemblerait une France décentralisée ? 
Jean-Christophe Cambadélis : Il y a deux thèses dans ce roman. La première est le concept de l’intégrité humaine et la société décente permettant d’unir le social et l’écologie et fixer comme but à l’action publique une nouvelle société. 
Le second concept est celui d’une démocratie décentralisée rompant avec le centralisme jacobin qui étouffe, bloque et entrave l’initiative des Français. 
Et la vraie décentralisation exige une autonomie financière basée sur une fiscalité foncière, la TVA, les droits de mutation, etc. La redéfinition du rôle des préfets centré sur le régalien. Les régions doivent avoir la compétence pleine et entière dans le domaine économique, la gestion des fonds européens ou l’aménagement du territoire. Et il faut qu’elles en acquièrent de nouvelles dans des domaines comme les mobilités et les transports, l’urbanisme commercial, la transition écologique ou encore la participation aux orientations de la BPI (Banque Publique d’Investissement). Bref un nouveau compromis historique entre le jacobinisme recentré sur le régalien et les régions sur le bien-vivre. 
Cap Finistère : Pourquoi ne l’avons-nous pas fait ? 
Jean-Christophe Cambadélis : Historiquement, la décentralisation c’est la gauche, en particulier avec François Mitterrand et les lois Mauroy Defferre, qui l’a faite en rompant avec la centralisation gaulliste. Mais nous avons cru que nous avions réussi alors que, trop souvent, nous avons juste transférer le modèle Jacobin au niveau des régions. C’était aussi sans compter sur les forces de résistance centralisatrice de notre pays, concentrées en particulier à Bercy. Or, avec l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, nous assistons à une recentralisation. Mais ce n’est pas une surprise puisqu’Emmanuel Macron l’avait déjà théorisé en expliquant que la France avait besoin d’un patron, comme une entreprise. Enarque, chef d’entreprise, membre de l’inspection des finances, il ne pouvait pas en être autrement. La suppression de la taxe d’habitation, dénoncée par l’ensemble des élus locaux est un bon exemple de la manière dont ce pouvoir bride les collectivités locales. Tout comme le discours du Président prononcé devant le congrès des maires est très révélateur de sa conception verticale du pouvoir. Il leur a dit : « Vous m’avez tant appris », alors qu’il aurait dû dire : « Vous avez tant apporté à la France ». 
Cap Finistère : Et comment réduire le présidentialisme ? 
Jean-Christophe Cambadélis : Je crois, même si je le regrette, que les Français sont très attachés à l’élection du président de la République au suffrage universel. Cependant, je propose d’abroger l’article 40 de la constitution qui interdit au Parlement d’être maître du budget. Nous sommes la seule grande démocratie dans le monde où l’exécutif décide de tout. Et cela revient à donner tous les pouvoirs à Bercy. 
Cap Finistère : Pensais-tu qu’il y aurait un acte 54 des gilets jaunes ? Et comment en finir ? 
Jean-Christophe Cambadélis : Non, je ne pensais pas que ça durerait plus d’un an. Ce mouvement perdure parce qu’il s’appuie sur deux éléments : la question du pouvoir d’achat et un profond sentiment de relégation. Or, aucun de ces deux moteurs ne s’est arrêté. Même si le chômage baisse, les salaires stagnent et avec l’inflation, le pouvoir d’achat est toujours en berne. Ensuite, une grande partie de la population a le sentiment d’être aux marges de la société. Que la réussite, c’est toujours pour les mêmes. 
Comment on s’en sort ? En inventant une nouvelle offre politique à Gauche, écologique, numérique et sociale, décentralisatrise et démocratique. C’est ce que nous devons construire dans les prochaines élections municipales, départementales et régionales.
 
Article publié dans le cap Finistère n°1290 du 29 novembre 2019
 



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