Fiscalité : engageons le débat
Qui va payer ? Dans une Tribune publiée le 19 avril, les députés socialistes et apparentés ont posé la question du financement de l’effort budgétaire nécessaire pour surmonter la crise que nous traversons et ont plaidé pour un New Deal. « Au total, le coût de la bouée lancée par l’État pour sauver l’emploi, les entreprises et notre société du naufrage pourrait coûter de 110 à 150 milliards d’euros. Face à l’état d’urgence, l’esprit de responsabilité nous oblige : nous soutenons ce plan massif en essayant autant qu’il se peut de l’améliorer pour qu’il soit le plus utile et le plus juste possible. Pour les mêmes raisons, nous prenons acte que ce plan d’urgence social et économique est aujourd’hui financé par la dette publique », précisent en préambule les députés socialistes. A contrario, la question du financement, à terme, de cet effort exceptionnel ne peut faire l’économie d’un vrai débat démocratique alors que le ministre des Comptes publics a tenté de l’interdire en écartant d’emblée le recours à l’impôt. Pour apurer en une décennie le dépassement de la crise du Covid-19, nous aurons besoin annuellement de mobiliser 1% des ressources publiques actuelles que nous proposons de cibler sur les 1% de contribuables, qui concentrent aujourd’hui près de 20% de la richesse nationale. Les député.es socialistes proposent d’agir sur cinq leviers. D’abord réparer les erreurs de la « flat tax » et de l’ISF, bien sûr, mais aussi réformer la taxation des multinationales pour lutter contre l’optimisation fiscale agressive sur la base d’un socle européen commun, instituer une tranche supplémentaire d’imposition sur les très hauts revenus et solliciter, également, les grandes successions patrimoniales qui, de niches en exonérations, ne contribuent que modestement à la solidarité nationale. Plus novateur, enfin, car s’attachant à la réduction des inégalités à la source, la nondéductibilité dans l’impôt sur les sociétés de la part des revenus dont l’écart est supérieur à douze au sein de l’entreprise. Les 99 % de citoyens qui ne participeront pas à cet « effort de paix » ne doivent pas être exonérés d’une réflexion au long cours sur une réforme en profondeur de notre fiscalité, notre style de vie ou encore notre modèle de développement... Mais il est capital de pouvoir rebondir aujourd’hui de façon solide et solidaire sur nos deux pieds. Seule une « réparation » par la justice fiscale nous donnera la capacité budgétaire d’une authentique « refondation ». Nous devons investir d’une part dans la dynamique du Green Deal européen pour la transition écologique de notre économie et d’autre part - leçon de la crise - dans un pacte social et territorial d’égalité. Bref, nous réinventer « pour de vrai » dans l’esprit du New Deal de Franklin Roosevelt : « Gouverner, c’est maintenir les balances de la justice égales pour tous ».
Article publié dans le Cap Finistère n°1309 du 24 avril 2020