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mercredi 25 décembre
Fiscalité : il est urgent de faire une pause
Bien avant que n’éclate le mouvement des gilets jaunes contre la politique fiscale du gouvernement, Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au Budget, dénonçait dans son livre Un ministre ne devrait pas dire ça… (Robert Laffont), les orientations libérales d’Emmanuel Macron lorsqu’il était ministre de l’Économie. Aujourd’hui, il avance des propositions pour sortir de la crise par le haut.

 

Cap Finistère : Dans votre livre vous montrez qu’Emmanuel Macron a toujours été sensible aux discours des lobbies et aux intérêts des plus fortunés ?
Christian Eckert : Effectivement. Tant à l’Élysée qu’à Bercy il s’est régulièrement fait le porte-parole de lobbies économiques, industriels voire financiers alors qu’il aurait dû, en tant que ministre, défendre l’intérêt général.
D’un point de vue politique, il est souvent sorti de son périmètre ministériel et a tenu des propos sans ambiguïté contre l’impôt sur la fortune, alors que le gouvernement auquel il appartenait n’était pas sur cette ligne.
Ce n’est pas ma conception de l’engagement politique qui se fonde sur les valeurs.
Cap Finistère : Les augmentations de taxes sur les carburants ne sont que la poursuite de la loi de transition énergétique ?
Christian Eckert : Non. Mais cette idée revient souvent et mérite quelques explications. La loi de transition énergétique portée par Ségolène Royal a été votée en 2015. Cette loi fixait une trajectoire indicative pour la taxe carbone. Cependant, seule la loi de finances, votée chaque année, peut en fixer le taux. Et ce qui a été décidé par une loi peut être défait par une autre loi.
Il faut reconnaître que la loi de transition énergétique a été votée à un moment où les prix du baril étaient bas et c’est pour cette raison que la taxe carbone a été mise en place de manière indolore, sans mouvement social. Le changement de contexte doit être pris en compte et il revient au gouvernement d’adapter le rythme d’augmentation de la taxe de manière à ne pas pénaliser les automobilistes. Pour ma part, je suis favorable à une taxe flottante qui baisse lorsque le prix du brut augmente.
En réalité, le gouvernement met en place des prélèvements pour financer des mesures comme la fin de l’ISF, de l’exit taxe et de la flat taxe, qui est un pur scandale. 
Concernant les mesures proposées par le gouvernement, le compte n’y est pas. Une augmentation du diesel d’un centime rapporte 350 millions d’euros. L’augmentation prévue en 2019 de 6,5 centimes va rapporter plus de 2 milliards d’euros. Et Édouard Philippe présente un plan de 500 millions. 
En plus, je ne vois pas comment il peut annoncer la fin des chaudières au fioul d’ici dix ans. En ville, je veux bien croire qu’on peut passer au gaz. Mais à la campagne ? Les mesures annoncées par le premier ministre ressemblent à du bricolage.
Cap Finistère : Comment alors sortir de l’impasse ?
Christian Eckert : Le gouvernement devrait faire une pause. L’urgence climatique appelle des mesures énergiques, tout le monde s’accorde sur ce point. Mais nous ne sommes pas à un trimestre près. On peut prendre deux ou trois mois pour réunir tous les acteurs concernés et prendre le temps d’organiser une concertation de manière à voir comment financer la transition énergétique, mais aussi faire le point sur nos connaissances technologiques. Je ne suis, pour ma part, pas convaincu par la voiture électrique. Je pense que le moteur à hydrogène est plus intéressant. Et, sur une question aussi importante, ne restons pas franco-français et regardons au niveau européen ce que nous pouvons faire, à l’image de ce que nous avons déjà su faire avec Airbus. Créer la filière européenne de la voiture à hydrogène, voilà un projet enthousiasmant !
Cap Finistère : Croyez-vous à l’efficacité de la traque à la fraude fiscale sur les réseaux sociaux ?
Christian Eckert : Il me semble que cela relève du gadget et pose de nombreuses questions en matière de libertés publiques. Si je voulais me faire l’avocat du diable, je pourrais, à la rigueur, considérer que la surveillance des réseaux sociaux peut se révéler utile lorsqu’il s’agit de déterminer la domiciliation d’un contribuable. Même si les services fiscaux disposent d’autres outils.
Mais les vrais fraudeurs n’exhibent pas leurs signes extérieurs de richesse sur les réseaux sociaux et surtout, dans la lutte contre la fraude fiscale, ce sont les entreprises qu’il faut surveiller. Les sommes en jeu se comptent en centaines de millions voire en milliard d’euros pour les entreprises. Pour les particuliers, on est plutôt dans l’ordre du million voire de la dizaine, mais guère plus.
 
Article publié dans le Cap Finistère n°1248 du 23 novembre 2018
 



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