Gauche : Cessons les chamailleries
Il faut rendre à la puissance publique les moyens d’investir, d’anticiper, de réduire les inégalités et de protéger les citoyens. A la sortie du confinement, la gauche n’a jamais été aussi unie autour de ces évidences nous explique Gabrielle Siry, porte-parole du Parti Socialiste.
Cap Finistère : Ce n’est pas trop compliqué d’être porte-parole du Parti Socialiste dans une période où les consignes du gouvernement peuvent changer en quelques heures ?
Gabrielle Siry : Plutôt qu’être dans la polémique, nous avons choisi au contraire de mettre en avant nos propositions, portées par nos parlementaires, et de rendre visibles les problématiques de celles et ceux qu’on ne voit pas suffisamment : les étudiants précaires, les personnes souffrant de la faim, les professions très féminisées comme les aides-soignantes ou les hôtesses de caisses.
Les changements de braquet quotidien du gouvernement ne sont pas très intéressants. Et, de toutes façons, il faudra attendre la fin de la pandémie pour en tirer les conséquences. Il est en revanche essentiel de répondre tout de suite aux vulnérabilités que le confinement a révélé. C’est-à-dire, des difficultés qui existaient, qui ne faisaient pas la Une des médias mais qui ont été exacerbées durant les dernières semaines. Je pense notamment à la précarité étudiante mais aussi aux violences conjugales qui ont augmenté d’un tiers. Pour y répondre l’association "droit d’urgence", en partenariat avec la mairie du 18e arrondissement a mis en place une application pour venir en aide aux victimes.
De manière générale, nos élus locaux ont été en première ligne dans la gestion de la crise sanitaire (distribution de masques, stratégies de dépistage) et dans la protection des plus modestes (allocations spécifiques pour les familles modestes par exemple). Voilà le type d’initiative qu’il faut mettre en avant si on veut vraiment être utile.
Une autre problématique qui s’est fait jour, c’est celle de l’école à la maison qui s’est trop souvent traduite par une augmentation de la charge mentale déjà très forte. Des centaines de milliers de femmes ont du endosser le rôle d’enseignante en plus de leur double journée, professionnelle et familiale.
Cap Finistère : Ces questions étaient au cœur du meeting en ligne “Stop au coronaviril” auquel tu as participé le 6 mai
Gabrielle Siry : Oui, ce meeting en ligne, suivi par près de 30 000 personnes, a permis à des militantes politiques, syndicales, associatives ou des universitaires de prendre la parole pour dénoncer ces situations et exiger des réponses spécifiques de la part de l’état. En effet, les femmes sont sur-représentées dans les professions qui ont été en première ligne comme les infirmières, les aides soignantes ou les hôtesses de caisse. Le féminisme n’est pas qu’une question sociétale, comme voudraient le faire croire certains mais bien économique et sociale. Les inégalités salariales sont toujours importantes et ces inégalités sont renforcées par des charges domestiques et familiales plus importantes pour les femmes, ce qui pèse sur le budget et le temps qui peut être consacré à la carrière, et creuse en retour ces inégalités. Pour les familles monoparentales (dans plus de 80%, le parent est un femme) et les professions peu valorisées, c’est la double-peine. Nous demandons au gouvernement d’améliorer leurs conditions de travail et le niveau de rémunération. Un congé parental paritaire et correctement rémunéré devra être un des combats de la gauche demain, car c’est beaucoup à cette période que se creusent les inégalités, et parce que les hommes aussi doivent avoir droit à un temps privilégié avec leur enfant.
Cap Finistère : La gauche se retrouve autour de cette volonté de renforcer le rôle de l’Etat, dans tous les domaines.
Gabrielle Siry : Absolument. Le rôle de l’Etat est central pour répondre à la crise, soutenir l’économie ou protéger les plus vulnérables. La crise a mis en évidence nos faiblesses dans une économie mondialisée où, en déléguant à d’autres la production de masques, nous avons perdu notre indépendance. J’ai signé, avec d’autres responsables de gauche, une tribune pour le fret ferroviaire public. Voilà un exemple de ce que devrait développer un état stratège, surtout dans un contexte de transition écologique. Nous disposons là d’un outil pour limiter le nombre de camions sur les routes et pour irriguer des zones rurales qui se désertifient.
Sur le sujet de la transition écologique et sociale, alors qu’il en avait la possibilité, le gouvernement n’a même pas conditionné son aide de 20 milliards aux entreprises. D’autres pays, comme le Danemark, ont limité leurs interventions aux entreprises qui ne sont pas présentes dans des paradis fiscaux ou qui ne participent pas à des actions qui contribuent au réchauffement climatique ou à la réduction de la bio-diversité. D’autres, comme en Espagne, ont interdit les licenciements pendant la crise.
Nous avons besoin d’une puissance publique sociale, stratège et investisseur : cela inclut l’Etat mais aussi les collectivités locales qui représentent 2/3 de l’investissement public. C’est la gauche qui pourra lui porter toutes ces dimensions.
Cap Finistère : Comment expliquer le rapprochement entre les formations de gauche qu’on constate depuis quelques semaines ? Est-il durable ?
Gabrielle Siry : J’y vois plusieurs raisons. La plus importante est bien sûr le contexte et l’origine de la crise que nous traversons et qui met en évidence la nécessité de redonner à la puissance publique les moyens d’anticiper et de répondre aux crises et de protéger les citoyennes et les citoyens.
Mais il faut aussi se souvenir des résultats des municipales deux jours seulement avant le confinement qui ont clairement démontré que la gauche unie constitue bien une alternative crédible.
Je pense que ce mouvement est durable. Avec toutes les tribunes et les meetings communs auxquels nous participons, j’ai le conviction que la gauche, dans sa diversité a pris conscience de la gravité de la situation. Compte tenu des attaques qui se préparent contre les salariés, en particulier sur la question du temps de travail, le temps n’est vraiment plus aux chamailleries.