Imaginons !
Et si… Et s’il suffisait de stimuler notre imagination pour changer radicalement nos modes de vie, de production et de consommation ? C’est la question que Rob Hopkins a posé le 28 septembre, au parc de Menez-Meur, à l’occasion du week-end organisé par le Conseil départemental et le Parc naturel régional d’Armorique, qui célèbre cette année son 50e anniversaire.
Rob Hopkins est le fondateur du mouvement des « Villes en transition ». Il n’est pas venu à Hanvec avec des solutions toutes faites pour parvenir à une société sans carbone mais plutôt avec des questions permettant à chacun d’imaginer comment y parvenir.
Au coeur de la Bretagne, dans le village de Menez-Meur, Rob Hopkins a utilisé l’image des irréductibles Gaulois pour illustrer son propos : le pétrole a été pendant des années la potion magique du monde occidental. Or, le chaudron est presque vide et nous n’avons que quelques années pour trouver les moyens de nous en passer.
Alors que faire ? Sûrement pas effrayer les gens en leur expliquant qu’ils vont devoir abandonner leur mode de vie dans les dix ans qui viennent. Ça peut peut-être fonctionner pour une petite minorité mais dans son immense majorité, la population refusera de se plier à ces injonctions. Il vaut mieux, plutôt, inventer ensemble des solutions. Au lieu de décréter l’interdiction des voitures individuelles, il vaudrait mieux se demander collectivement que faire des espaces ainsi libérés.
Selon les scientifiques, depuis le milieu des années 90, on constate une baisse de l’imagination des individus. Le QI en revanche continue d’augmenter. Pourquoi ? Parce que nous n’avons ou ne prenons plus le temps de réfléchir, de rêver. Le moindre instant d’inaction, qui était auparavant mis à profit pour se rencontrer, penser ou rêver, est désormais accaparé par les smartphones au point qu’on peut parler de comportements addictifs. Et pas seulement chez les adolescents, même si c’est chez les plus jeunes que le phénomène est le plus inquiétant.
Pour Rob Hopkins la question que nous devons nous poser est : et si le jeu était au coeur de notre quotidien ? Car toutes les études montrent que le jeu favorise l’imagination. Or, les enfants jouent de moins en moins entre eux. Leur imagination n’est plus assez sollicitée. Pourtant, l’imagination est bonne pour la santé. Elle stimule les zones du cerveau comme l’hippocampe qui réduisent le stress.
À partir de ces données tout est possible. S’il faut réduire l’usage des voitures individuelles et favoriser le jeu chez les enfants, alors, faisons comme à Bristol : chaque semaine une soixantaine de rues sont fermées à la circulation et transformées en espaces de jeux pour les enfants.
Ce besoin de stimuler l’imagination des enfants se traduit aussi par le développement de pédagogies alternatives qui placent la créativité des enfants au coeur de leurs préoccupations. Le modèle classique de la salle de classe avec un tableau, des tables alignées et un ou une enseignant.e dispensant un cours d’une heure à une trentaine d’écoliers est en train de disparaître au profit de pédagogies plus participatives.
La biodiversité est menacée. Pour la préserver, de multiples initiatives ont été prises dans le monde entier pour cultiver des variétés de fruits ou de légumes qui n’étaient plus commercialisés. On trouve ce genre de fermes à la campagne mais aussi dans les zones urbaines, comme à Liège qui s’est entourée d’une véritable « ceinture alimentaire ».
Déjà plusieurs communes, comme Bologne ou Mexico, ont mis en place des bureaux de l’imagination. À Barcelone, des assemblées de quartiers, qui échangent entre elles, disposent d’une grande autonomie pour la vie quotidienne.
Pour Rob Hopkins, il y a toujours dans l’Histoire, des moments décisifs, des points tournants où tout change, où on peut dire qu’il y avait un avant et un après. Ce n’est qu’a posteriori qu’on peut dater avec précision ces moments. Même les personnes qui le vivent en direct ne s’en rendent pas compte. Mais, selon le fondateur du mouvement des villes en transition, nous sommes en train de vivre l’un de ces moments, notamment avec les grèves pour le climat et les immenses manifestations de lycéens et d’étudiants qui envahissent les rues le vendredi après-midi.
Compte tenu des enjeux, nous n’avons, de toutes façons, pas d’autre solution que d’être imaginatifs et de tenter de nouvelles expériences. Car, le statu-quo n’est plus tenable.
Article publié dans le Cap Finistère n°1285 du 18 octobre 2019