Irremplaçables associations !
Les répercussions de la crise du covid risquent d’être catastrophiques pour le mouvement associatif. Mais le prolongement de situations exceptionnelles après le déconfinement inquiète aussi Yannick Hervé, secrétaire général de la ligue de l’enseignement dans le Finistère.
Cap Finistère : Comment le mouvement associatif a-t-il traversé la période du confinement ?
Yannick Hervé : Pour l’essentiel, toutes les activités ont été arrêtées. Sur les 17 à 19000 associations que compte le Finistère 90% ne fonctionnent qu’avec des bénévoles.
Les associations qui exercent une activité économique ont subi de lourdes pertes. Je pense notamment à celles qui organisent des voyages qui sont dû être annulé. Nous ne disposons pas encore de chiffres précis mais on sait que cette situation aura des répercussions sur l’emploi. Il y aura de la casse. Or, le secteur associatif représente 11% des emplois privés dans le Finistère.
Or, tout le monde a pu constater que les associations de solidarité ou d’aide à la personne ont joué un rôle déterminant pendant le confinement. Elles ont contribué à maintenir le lien social et ont permis à des familles de traverser cette période difficile. On pourrait citer des dizaines d’exemple mais je pense notamment à l’amicale Laïque de Léchiagat qui s’est mobilisée pour coudre des masques, à la Maison de quartier de Lambézellec à Brest qui a organisé des activités chaque jour des activités à distance pour les ados, au centre fédéral de la Ligue de l’enseignement 29 qui s’est beaucoup impliqué dans la plateforme de solidarité numérique pour venir en aide aux "exclus du Numérique". Nous en avons également profité pour accélérer notre accompagnement à la transition numérique des associations et pour réfléchir collectivement au Monde d’après et aux nouvelles solidarités (cf dialogue en visioconférence entre la Présidente du Conseil départemental et le Vice-Président national de la Ligue de l’enseignement)
2020 risque d’être une année sans recette pour les associations qui n’ont pas pu organiser au printemps les manifestations qui leurs permettent traditionnellement de se financer. C’est la raison pour laquelle il faut vraiment les aider à passer ce cap. Et ce n’est pas terminé puisque des activités comme des camps ou des voyages ne vont pas pouvoir se faire cet été. Il est vital que les adhérents renouvellent à la rentrée leur adhésion pour que les activités puissent reprendre. Il suffit de très peu de temps pour mettre la clé sous la porte mais il faut des années pour reconstruire et retrouver la force du lien social que génère la pratique d’activités communes.
Cap Finistère : Justement, qu’attends-tu des pouvoirs publics pour traverser cette période ?
Yannick Hervé : D’abord, nous attendons des collectivités locales qu’elles suivent l’exemple du conseil départemental et de la ville de Brest et qu’elles maintiennent les subventions prévues même si les activités n’ont pas pu être organisées. C’est une marque de confiance importante.
De l’Etat, nous attendons, qu’à l’image de ce qu’il a fait pour les filières automobiles ou aéronautiques, il annonce un plan transversal de soutien au monde associatif. Peut-être pas aussi massif mais tout de même significatif. C’est particulièrement important pour un secteur qui, comme on l’a vu pendant le confinement joue un rôle social essentiel et qui génère des emplois de proximité.
Nous voulons également que reprenne au plus vite le dialogue entre le mouvement associatif et les collectivités et l’Etat dans une démarche de co-élaboration des politiques publiques.
Cap Finistère : Qu’est que le 2S2C ? Et pourquoi vous inquiète-t-il ?
Yannick Hervé : Le ministère de l’éducation nationale a inventé cet acronyme qui signifie Sport, Santé, Culture et Citoyenneté. Il s’agit, pendant la période de déconfinement, de déléguer sur temps scolaire, des activités relavant de ces 4 domaines aux collectivités ou aux associations.
Il s’agit d’une vraie rupture qui nous inquiète et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le ligue de l’enseignement a publié une tribune pour alerter les parents. On peut comprendre que des solutions exceptionnelles puissent être cherchées pour répondre à des situations exceptionnelles. Tout le monde est d’accord pour éviter la désocialisation des enfants et si les élèves ne peuvent pas se rendre dans les écoles, les associations peuvent remplir cette mission. Mais, dans un laps de temps bien défini, uniquement pour répondre à une situation exceptionnelle. L’école a une mission centrale : accueillir et éduquer tous les enfants sur le temps scolaire. En faisant parfois appel à des intervenants extérieurs mais de manière encadrée. Mais c’est bien l’Education Nationale qui doit garder le pilotage de sa mission d’éducation. A la rentrée l’éducation nationale doit reprendre la main. Or, nous craignons que cette exception se prolonge dans le temps et que, par ce biais, nous assistions à une mise en concurrence de plusieurs acteurs, y compris du secteur privé marchand, pour intervenir dans les écoles sur temps scolaire. Nous ne laisserons pas le service public de l’éducation se faire dépecer.
Cap Finistère : On est un peu dans la même logique avec l’idée des « vacances apprenantes » ?
Yannick Hervé : Le concept même de « vacances apprenantes » est discutable. Est-ce que ça veut dire que les enfants accueillis dans les centres de loisirs perdent leur temps habituellement ? Il n’en est rien, évidement. Les associations d’éducation populaire ne dispensent pas un enseignement de manière scolaire, et ce n’est pas leur vocation, mais elles jouent un rôle éducatif majeur qu’il faut absolument préserver. Mais cette idée selon laquelle il faudrait prolonger le temps scolaire pendant les vacances, qui serait du temps perdu, n’est pas nouvelle et est régulièrement avancée dans les milieux réactionnaires.
Article publié dans le Cap Finistère n°1318 du 3 juillet 2020