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mercredi 25 décembre
L’État a son mot à dire

La désindustrialisation ne date pas de cette année mais la crise a mis en évidence nos lacunes, en particulier en ce qui concerne la santé. Christian Eckert, secrétaire national à l’Économie et à l’Industrie, nous donne des pistes de réflexions pour inverser cette tendance.

 

Cap Finistère : La crise de la Covid provoque des changements économiques dont le PS doit tenir compte pour son projet.
Christian Eckert : Le Parti Socialiste présentera, d’ici le mois de juin, six contributions thématiques destinées à alimenter son projet présidentiel de 2022. Début février, il commencera par les questions du travail et du pouvoir d’achat. Avec les groupes parlementaires nous avons apporté des contributions qui seront rendues publiques d’ici quelques jours. Une synthèse sera présentée à l’occasion de l’Université de rentrée. C’est donc à titre personnel que je m’exprime aujourd’hui. 

Cap Finistère : Comment reconquérir une souveraineté industrielle ?
Christian Eckert : Nous ne partons pas de rien. La loi dite Florange donne déjà à l’État la possibilité de s’opposer à des tentations d’évasions d’entreprises. D’ailleurs, Bruno Lemaire vient de s’en servir pour refuser le rachat de Carrefour par le canadien Couche-Tard en raison de la dimension stratégique de la distribution. 

Mais il y a bien d’autres secteurs à protéger. Je pense évidemment au médical avec les masques, mais aussi les médicaments et les vaccins. Mais je pense aussi à des secteurs comme la filière hydrogène qui mérite d’être protégée compte tenu du rôle que cette énergie sera amenée à jouer dans l’avenir 

On peut aussi affiner le crédit impôt recherche pour aider certains secteurs à rester, voire à revenir en France. 

Enfin, la reconquête de la souveraineté passe aussi par l’Union européenne qui seule, peut décider d’instaurer un taux minimal d’impôt sur les sociétés de manière à lutter contre l’évasion et la concurrence fiscale. 

Mais il faut aussi taxer les GAFAM. 

 

Cap Finistère : À propos d’Europe, en quoi est-il grave que les chantiers de l’Atlantique puissent être rachetés par un groupe italien ? 

Christian Eckert : La nationalité de ce groupe n’a pas d’importance. Les délocalisations peuvent s’opérer en plusieurs étapes et la première concerne bien souvent le capital. Ce qui compte c’est la gouvernance. Qui prend 

les choix stratégiques et donc décide où doivent être situés les sites de production ? Or, dans ce cas, la gouvernance pourrait échapper à la France. 

Je crois beaucoup au rôle de l’État. Et qu’il puisse,
à un moment, prendre des participations dans des entreprises pour les aider à traverser une période difficile, ne me choque pas. Les régions aussi peuvent entrer au capital d’entreprises, petites ou même moyennes. 

L’État est beaucoup intervenu pour soutenir l’économie mais sous formes de garanties de prêts. Cette méthode ne permet absolument pas d’intervenir et d’infléchir la stratégie de l’entreprise. Je pense notamment à l’exemple d’Air France KLM, qui a reçu des milliards mais qui n’a aucun compte à rendre, comme les Morlaisiens ont pu s’en rendre compte. 

En entrant au capital, l’État pourrait intervenir sur la question de la localisation des activités, mais aussi les conditions de travail ou le niveau de rémunération des actionnaires. 

 

Cap Finistère : C’est la même logique libérale qui explique le projet Hercule pour EDF ?
Christian Eckert : Bien sûr. On sait qu’il va falloir investir des milliards d’euros notamment dans le parc nucléaire pour financer le grand carénage des réacteurs, le démantèlement des centrales et l’entretien des stocks de déchets. La solution du gouvernement consiste, comme souvent, à séparer les activités rentables pour les donner au privé et à concentrer les activités moins rentables dans une entité publique. C’est bien sûr intellectuellement choquant et les socialistes vont s’y opposer. Les parlementaires de gauche cherchent d’ailleurs la meilleure manière d’empêcher ce démantèlement. Pourquoi pas en utilisant un référendum d’initiative partagée ? 

Le besoin de financement est indéniable. Je pense qu’une des solutions pourrait consister à baisser la TVA sur l’électricité de manière à ce qu’EDF puisse augmenter ses tarifs sans que cela ne se traduise par une hausse trop importante sur les factures des ménages. Bien sûr, cela se traduira par un manque à gagner pour les recettes de l’État mais cette solution a le mérite d’être socialement juste. Mais il faut rappeler que la baisse des impôts de production a tout de même fait perdre 10 milliards de recettes aux finances de l’État. 

 

Article publié dans le Cap Finistère n°1340 du 29 janvier 2021




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