La guerre en Ukraine va obliger l’Union Européenne à revoir ses politiques énergétiques et industrielles ainsi que les traités qui régissent sa gouvernance nous prévient François Comet, secrétaire national adjoint du Parti Socialiste à l’Europe.
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Cap Finistère : Au mois de mars, tu nous avais accordé une interview que nous avions intitulée " L’Europe unie face à Poutine" ? Six mois après est-ce toujours le cas ?
François Comet : Oui, l’Europe est globalement restée unie même si la Hongrie a un peu fait bande à part. L’union Européenne a pris une série de sanctions à l’encontre de la Russie et l’ensemble des pays a accueilli des réfugiés. Surtout, l’UE a inscrit l’Ukraine sur la liste des pays pouvant la rejoindre. A ce titre, le discours que vient de prononcer Olaf Scholz à Prague marque un tournant significatif. Le chancelier allemand se félicite de la candidature de l’Ukraine et en tire les conséquences. Car, quatre pays des Balkans sont déjà candidats depuis longtemps. (le Kosovo n’étant pas reconnu par tous les états-membres ne peut être candidat et la Bosnie Herzégovine ne l’a pas demandé. Sur les 4 candidats seuls 2 ont commencé des négociations) Or, il semble difficile de faire adhérer l’Ukraine avant eux. Une révision des traités s’impose donc pour améliorer la gouvernance de l’UE. On constate qu’il est, avec la règle de l’unanimité, difficile d’avancer à 27. Sans remettre à plat les traités et l’organisation de la Commission, il sera quasiment impossible de fonctionner avec plus de 30 états membres.
Cap Finistère : A-t-on pu mesurer des progrès dans la construction de l’Europe de La Défense ?
François Comet : Ils ne sont sans doute pas assez rapides. Mais c’est aussi un point évoqué par Olaf Scholz à Prague. Il faut du temps pour que les armées se dotent de matériels communs ou mettent en place des commandements intégrés. Les politiques industrielles demandent du temps. Toutefois, on peut noter un changement d’état d’esprit notamment du côté allemand. D’un point de vue militaire, c’est l’OTAN qui se renforce, avec les demandes d’adhésions de la Finlande et de la Suède. Mais on est obligé de constater que ce sont surtout les Etats-Unis qui fournissent le plus d’armes à Kiev. A eux seuls, ils apportent largement plus que tous les pays européens réunis. Je pense qu’il ne faut pas opposer l’OTAN à l’Europe de la défense.
Cap Finistère : Les Européens pourront-ils se passer du gaz russe cet hiver ?
François Comet : Il semble que oui. Cependant, chaque pays a négocié lui-même de nouveaux contrats pour son approvisionnement en gaz. Les Italiens en se tournant vers les pays africains et aussi, comme la France, vers l’Algérie.
En Europe, la part du gaz dans le mix énergétique peut sensiblement varier selon les pays. Nous pourrons donc vérifier la solidité de la solidarité européenne cet hiver si les pays qui disposent de réserves viennent en aide à ceux qui en manquent.
Cap Finistère : Les efforts de la France pour soutenir Kiev et accueillir les réfugiés sont-ils suffisants ?
François Comet : Oui, d’une manière générale. L’accueil des réfugiés n’est qu’un aspect de l’aide que peut apporter la France. Le soutien est aussi militaire mais cette dimension est naturellement plus discrète. Cependant, on évoque régulièrement la présence de canons César sur le front.
Les réfugiés Ukrainiens sont surtout en Pologne, pays avec lequel ils partagent des affinités culturelles. Ils veulent tous retourner dans leur pays lorsque le conflit prendra fin, donc, ils restent au plus près de chez eux. J’ai pu le constater sur la frontière Ukraino-polonaise où je me suis rendu au mois d’avril à l’invitation de la gauche polonaise. Au début de la guerre, de nombreux Ukrainiens ont quitté leur pays. Mais beaucoup sont rentrés chez eux, dans les zones maintenant épargnées par la guerre. Aujourd’hui, les réfugiés viennent plutôt de zones comme le Donbass.
Cap Finistère : Aujourd’hui le front semble se figer. Peut-on entrevoir une issue à cette guerre ?
François Comet : On peut malheureusement penser que le conflit va durer. A part l’accord sur les céréales, les Ukrainiens et les Russes ne se parlent plus. Il y a eu quelques tentatives de négociations au début de la guerre, mais il n’en est plus question aujourd’hui. Le pouvoir russe a totalement bâillonné les opposants à la guerre. Il n’y a plus de manifestations en Russie et les intellectuels qui avaient fui la Russie, pour aller en Turquie, en Arménie ou en Géorgie commencent à rentrer. Les Ukrainiens ont très peur de la banalisation alors qu’ils ont absolument besoin de l’aide internationale pour résister à l’armée russe.
Article publié dans le Cap Finistère n°1403 du 9 septembre 2022
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