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mercredi 25 décembre
La coopération plutôt que la compétition
 
 
C’était mieux avant ? Non, c’était différent. Philippe Meirieu, l’a démontré le 30 janvier à la fac de Brest. À l’invitation de la coopérative pédagogique du Finistère et du réseau prof@Brest le célébre pédagogue a animé une conférence intitulée « Quelle pédagogie pour répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain ? ».
La crise de l’école débute dans les années 50/60. Déjà Hannah Harent l’annonçait dans « La crise de l’éducation » en 1958. Pour elle, dans un régime démocratique, la transmission des connaissances est problématique en l’absence de consensus. Dans les régimes totalitaires, la pédagogie ne fait pas l’objet de débats. 
Avant, on entrait à l’école comme dans un avion. Les parents confiaient leurs enfants au pilote pour l’amener jusqu’au bac. Maintenant, les parents vérifient à côté de qui leur enfant est assis, s’il n’est pas trop près du moteur et si le pilote dispose bien de tous les brevets, quand ils ne rentrent pas dans le cockpit pour vérifier les instruments. L’explosion du nombre « d’écoles alternatives » est l’un des symptômes de cette crise de l’éducation. 
Plusieurs phénomènes expliquent ces comportements à commencer par le statut même de l’enfant dans la société. En quelques générations, la mortalité infantile a quasiment disparu et la contraception s’est développée. Avant, les parents essayaient de rendre leurs enfants heureux, aujourd’hui, les parents exigent de leurs enfants qu’ils les rendent heureux. 
Ces changements interviennent alors que le capitalisme entre dans son 3e âge. Après le capitalisme industriel, puis financier, nous sommes entrés dans l’âge du capitalisme pulsionnel, celui de la satisfaction complète et immédiate de tous les désirs. 
Dans certaines écoles, les enseignants sont obligés de pratiquer la pédagogie du « garçon de café ». C’est-à-dire qu’ils courent de table en table pour répondre aux questions et aux sollicitations des élèves. Selon des études suisses, le temps d’attention d’un élève a été divisé par trois depuis 1930. Un travail qui demandait un quart d’heure avant la guerre est aujourd’hui abandonné au bout de cinq minutes. 
Face à cette nouvelle réalité, les adultes n’ont souvent le choix qu’entre la crispation autoritaire ou le laxisme démagogique qui sont, l’un et l’autre, inefficaces. 
Tous les travaux universitaires et scientifiques montrent que la coopération est à la base de la pédagogie. Et que l’éducation demande du temps, de la patience. Voilà le dilemme fondamental auquel sont confrontés les éducateurs qui doivent transmettre leur savoir à des enfants pressés, sollicités de toutes parts, et des parents non moins impatients que leurs enfants intègrent les grandes écoles, sésames incontournables pour une carrière. 
Mais cette coopération doit aller au delà du simple travail de groupe qui s’apparente le plus souvent à une répartition des rôles : celui ou celle qui conçoit, celui ou celle qui réalise et celui ou celle que le groupe laisse de côté. « Il faut mettre en place une pédagogie de la coopération et le rôle de l’éducateur est fondamental pour que chacun apporte sa participation à la résolution du problème ou l’élaboration du projet », a insisté Philippe Meirieu.
D’une manière plus générale, compte tenu du contexte, les éducateurs doivent enseigner aux élèves à accepter la frustration, à découvrir le plaisir d’apprendre. « Tout l’enjeu est de passer du désir du tout, tout de suite, au plaisir de l’exploration et de la découverte. »
En outre, alors que le virtuel a tendance à prendre de plus en plus de place altérant ainsi le rapport au réel, le pédagogue plaide pour un retour du travail manuel.
La culture de l’évaluation prend des proportions de plus en plus importante à l’école. Pour le meilleur et pour le pire lorsqu’elle exacerbe la compétition. Comme l’a démontré Albert Jacquard, l’évaluation n’a de sens que si elle permet de devenir meilleur que soi-même. Or, trop souvent, elle ne sert qu’à se comparer aux autres. Pour confirmer qu’on est le plus fort. Ou au contraire se convaincre qu’on est bon à rien. 
L’école n’était pas mieux avant. La demande d’autonomie doit être acceptée mais pour en tirer le meilleur, c’est-à-dire une coopération féconde et pas une concurrence exacerbée.
 
Article publié dans le cap Finistère n°1260 du 1er mars 2019
 



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