Le banquier et le citoyen
Pour paraphraser Georges Clémenceau, évoquant la guerre, on peut dire que la finance est une chose trop sérieuse pour ne la confier qu’aux banquiers. C’est ce qu’explique Michael Vincent, spécialiste de la finance et candidat sur la liste envie d’Europe, dans « le banquier et le citoyen » publié par la fondation Jean Jaurès.
Cap Finistère : A qui s’adresse « le banquier et le citoyen » ?
Michael Vincent : A toutes celles et tous ceux qui veulent comprendre les enjeux financiers. Je suis bien conscient que le sujet peut être ardu mais il nous concerne tous. La crise de 2008 des subprimes a eu des répercussions sur le système bancaire international, bien sûr, mais elle a aussi eu d’autres conséquences, directes ou indirectes. La montée de l’austérité, la crise de l’Euro, le développement des populismes, en Europe mais aussi dans le monde, s’expliquent en grande partie par les effets de cette crise qui s’est produite il y a plus de 10 ans, mais dont nous payons encore les effets. Je souhaite donc, par cet essai, m’adresser aux citoyens, aux banquiers et aussi aux responsables politiques qui doivent comprendre les enjeux de la régulation bancaire.
Cap Finistère : En quoi est-il important que les citoyens comprennent mieux les mécanismes bancaires ?
Michael Vincent : In fine, comme je viens de la rappeler, ce sont eux qui subissent les conséquences des crises financières. Il est donc normal qu’ils aient un droit de regard sur ce qui est fait, ou pas, pour garantir la préservation de leur épargne. J’apporte mon expertise mais aussi mon témoignage puisque j’ai vécu les conséquences de la crise de 2008 de l’intérieur pour contribuer au débat public. Car, il me parait essentiel que les questions financières fassent l’objet d’un débat public. Mais pour cela, il convient que chacun soit informé.
Cap Finistère : Alors que des mesures ont été prises après 2008, une nouvelle crise financière est-elle possible ?
Michael Vincent : Oui, une nouvelle crise est possible. Après 2008, des décisions techniques ont été prises et il faut s’en féliciter. L’Union européenne a su prendre les décisions qui s’imposaient pour l’européanisation de la finance, pour augmenter les fonds propres des banques ou mettre en place les chambres de compensation. On peut donc considérer que le monde financier est plus sûr qu’avant 2008. Cependant, nous ne sommes qu’au milieu du gué. Car, si les mesures techniques ont été prises, les mesures politiques se font attendre. Il ne peut y avoir de stabilité sans solidarité au sein de la zone euro. Or, sur ce dossier rien n’a encore été fait. Donc, si les réponses techniques, nécessaires, ont été apportées, elles ne sont pas suffisantes tant que les réponses politiques se feront attendre.
Cap Finistère : Quelles seraient les conséquences du Brexit sur la finance européenne et internationale ?
Michael Vincent : Il y aurait 1000 et 1 choses à dire sur ce sujet tant la city joue un rôle majeur dans le système bancaire européen et mondial. Mais pour en revenir au titre de mon essais, il me semble que le Brexit illustre parfaitement le lien qui doit s’établir entre le banquier et le citoyen dont les destins sont, qu’on le veuille ou non, intimement liées. Je m’explique : le Brexit allait totalement à l’encontre des intérêts de la city. Mais, comme j’ai pu le constater sur place en 2016, par peur de froisser une partie de leurs clients, les responsables de la city, pourtant habituellement si prompts à défendre leurs intérêts, se sont tus pendant la campagne et n’ont pas tiré la sonnette d’alarme en expliquant les conséquences qu’aurait, pour la place financière londonienne une sortie de l’Union européenne. C’est un exemple symptomatique d’une finance qui préfère rester dans sa tour d’ivoire.
Cap Finistère : Contrairement à une idée reçue, les Banques ne sont pas hostiles à la régulation ?
Michael Vincent : Non. La finance est amorale. Il revient aux politiques de mettre en place des mécanismes de régulation, qui s’appliquent de la même manière à tous les acteurs. L’autorégulation du monde de la finance est un leurre. Les banquiers le savent bien et si tous les acteurs sont soumis aux mêmes normes, ils ne sont pas hostiles à une régulation des marchés financiers.
Cap Finistère : Quel rôle pourra jouer le prochain parlement européen en matière de régulation ?
Michael Vincent : Le parlement n’est probablement pas l’instance la plus déterminante pour mettre en place les mesures politiques qui s’imposent. C’est au conseil que les décisions les plus importantes seront prises. Cependant, il ne faut pas négliger le rôle du parlement, qui, en fonction de la future majorité, sera appelé à se prononcer sur ce sujet. Mais il ne faut pas non plus négliger l’importance des opinions publiques. Plus elles feront pression, plus les gouvernements devront les écouter. Ce livre est une contribution à cette prise de conscience.
Article publié dans le Cap Finistère n°1267 du 26 avril 2019