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mercredi 25 décembre
Le désir, moteur du changement
Il ne faut ni culpabiliser, ni effrayer mais susciter le désir de changer et de renouer avec un mode de vie plus sobre. C’est le message qu’a porté le politologue Paul Ariès, le 3 octobre, en conclusion des 8es Rencontres nationales des territoires d’éducation qui se tenaient cette année à Brest. « Cette édition était consacrée à la place de l’enfant dans la ville et nous voulions avoir le point de vue de Paul Ariès sur la manière dont on peut faire de l’éducation à l’environnement et, sans langue de bois, poser clairement la question : compte tenu de ce que nous vivons aujourd’hui, faut-il admettre que nous avons collectivement échoué ? », a expliqué Émilie Kuchel, adjointe au maire en charge de l’Éducation. Pour Paul Ariès, ce que nous vivons aujourd’hui est bien une crise sociale et écologique systémique et non conjoncturelle. Il suffit pour s’en convaincre de savoir que nous dépassons les capacités de régénération de la planète au début du mois d’août. Si l’ensemble des humains vivaient comme les Français, ce cap serait franchi dès le mois de mai. Et si nous vivions tous comme des Américains c’est dès la fin du mois de février que nous aurions utilisé toutes nos ressources de l’année. Les inégalités sont si fortes que, aujourd’hui, les 26 milliardaires les plus riches disposent d’autant d’argent que les 3,8 milliards d’habitants les plus pauvres. Pour Paul Ariès, crise sociale et crise environnementale sont liées. Nous avons perdu notre capacité à nous donner des limites, nous avons basculé dans la démesure, dans ce que les Grecs anciens appelaient l’hubris. Comment, dans ces conditions, faire de l’éducation à l’environnement ? Comment expliquer à des enfants ou même à des adultes qu’il ne faut pas gaspiller ? Alors que l’éducation devrait précisément consister à donner des limites, comment expliquer qu’il ne faut surtout pas faire ce que la société capitaliste attend de nous ? C’est-à-dire consommer, s’endetter, gaspiller, assouvir, tout de suite, à nos moindres pulsions ? Voilà l’enjeu auquel tous les éducateurs sont confrontés. En outre, même si on parvient à expliquer les enjeux, il n’est pas certain que cela suffise. Car croire ne suffit pas. Nous savons tous que le tabac représente un vrai danger pour la santé et pourtant, même s’il a tendance à baisser, le nombre de fumeurs reste très élevé. D’un point de vue philosophique, même si nous savons que nous sommes mortels, nous nous projetons tout de même dans l’avenir et oublions, la plupart du temps notre condition. Donc croire, savoir, être informé ne suffit pas. Le résultat pourrait même être pire si, en fonction des informations dont nous disposons, nous en tirerions comme conclusion : « Foutu pour foutu, pourquoi se priver ? ». Pour Paul Ariès, il est donc indispensable de susciter de l’envie car, comme le disait Gilles Deleuze « seul le désir est révolutionnaire ». L’éducation à l’environnement ne peut pas être qu’un appel à la responsabilité ou à la culpabilisation. Il doit susciter de l’envie. Et si les riches bousillent la planète avec leur style de vie, il faut construire une alternative plus enviable, en s’inspirant plutôt des modes de vie populaires. Dans l’Histoire de l’Humanité, la surconsommation, alimentée par la publicité, ne concerne que quelques générations. Il n’y a pas si longtemps, il ne serait jamais venu à l’idée de quelqu’un de jeter de la nourriture ou de laisser brûler une bougie ou une lampe à pétrole toute une nuit. « L’hyper consommation est une exception dans l’Histoire », a insisté Paul Ariès. Pour Paul Ariès, le capitalisme et le mode de vie des riches nous a conduit dans la crise que nous connaissons aujourd’hui. Et ce sont les valeurs des gens simples, ordinaires, qui pourront nous permette de la surmonter. Cela suppose de changer notre rapport au travail, notre rapport aux autres et, surtout, cesser de croire que le bonheur réside dans l’accumulation de richesses. « Les gens ordinaires ne sont pas des riches à qui il manquerait de l’argent », a résumé Paul Ariès. Ils défendent des valeurs de solidarité, de partage et de convivialité. C’est particulièrement vrai lorsqu’on aborde la question de l’alimentation. Pour le politologue, qui a beaucoup travaillé sur tout ce qui concerne le bien manger, il faut absolument retrouver la fonction initiale du repas, qui est avant tout un moment de partage. Face au capitalisme qui nous pousse à toujours plus posséder, Paul Ariès nous propose d’opposer un système qui mettrait en avant les liens sociaux. Ce qu’il résume d’une formule : « Moins de biens et plus de liens ».
Article publié dans le Cap Finistère n°1286 du 25 octobre 2019
 



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