Le grand flou
« Quand c’est flou, il y a un loup ». Et avec ce gouvernement, le projet de réforme des retraites est particulièrement flou. À force de jouer sur les mots et de ne pas répondre aux questions précises des parlementaires ou des représentants des organisations syndicales, il a perdu toute crédibilité.
D’abord, pourquoi engager maintenant cette réforme, alors que les discussions qui se sont engagées depuis près de deux ans ont clairement montré qu’il n’y avait pas d’accord ? D’autant que l’idée selon laquelle un régime universel serait intrinsèquement juste est tout à fait contestable. « Un système unique face à des situations différentes ne produit pas de l’égalité mais au contraire de nouvelles inégalités », a rappelé Olivier Faure, le 15 janvier, en présentant les propositions du Parti Socialiste pour une réforme des retraites juste (voir page 2).
Le flou qui entoure le projet du gouvernement trouve sa traduction la plus concrète dans le nombre de circulaires auquel renvoie le projet de loi : un tiers des articles !
La loi Fillon de 2010 n’en comportait aucun et celle de 2014 seulement deux. Et encore, l’un d’eux portait sur l’adaptation du texte à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte.
L’article 63 du projet de loi prévoit une ordonnance pour prendre « toute mesure permettant de remédier aux éventuelles erreurs résultant de la présente loi ». C’est dire si ce projet a été minutieusement préparé et si ses promoteurs croient en leur texte !
De plus, le Parlement, à quelques jours de l’examen du projet de loi, ne disposait toujours pas de simulations. « On nous présente une réforme qui constitue un basculement de notre système de retraites sans aucune donnée précise, sans la moindre simulation. Aucun parlementaire digne de ce nom ne devrait pouvoir approuver une réforme dont il ne sait rien », a fortement martelé Olivier Faure. « Cela reviendrait à signer un chèque en blanc au gouvernement ». Or, comment oublier que ce projet intervient après l’adoption de plusieurs mesures qui montrent que cette majorité a de la suite dans les idées : tout faire pour détricoter notre modèle social. On l’a vu à travers les réformes fiscales qui ne profitent qu’aux plus riches mais aussi à travers les attaques répétées contre le pouvoir d’achat des retraités par le biais de la CSG ou de la désindexation de leurs pensions. La réforme des indemnisations des demandeurs d’emploi montre également que les plus modestes sont toujours les principales victimes de la politique d’Édouard Philippe.
Faut-il pour autant refuser toute forme d’évolution de notre système de retraites ? Non, bien sûr. Il n’existe pas de système parfait même s’il faut tout de même souligner que notre pays est celui qui compte le moins de retraités pauvres. Mais, il est cependant nécessaire de le réformer afin de le rendre encore plus juste.
Article publié dans le Cap Finistère n°1296 du 24 janvier 2020