Le pari réussi de l’Hétairie
Après un an d’activité, L’Hétairie a remporté son pari : elle est devenue un think tank de gauche crédible et peut se fixer de nouveaux objectifs pour améliorer encore son influence dans le débat d’idées, nous explique son secrétaire général, Tristan Foveau.
Cap Finistère : L’Hétairie se situe-t-elle toujours dans l’opposition à la majorité actuelle comme tu nous l’indiquais dans une interview lors du lancement de ce think tank ?
Tristan Foveau : J’introduirais une nuance sur la notion d’opposition. Nous inscrivons certes le champ de notre réflexion clairement à gauche. Et, compte tenu de l’orientation claire de ce gouvernement, il est vrai que nous sommes amenés à publier des notes assez critiques. Mais si nous constations une inflexion, la tonalité de nos notes serait différente. Ce sont les partis politiques qui se situent dans l’opposition ou le soutien à la majorité. Nous sommes un think tank : on ne cherche pas à exercer le pouvoir mais à l’inspirer, à l’influencer à notre niveau.
Cap Finistère : Justement, la question de la répartition des rôles entre partis politiques et think tank était le thème du colloque que vous avez co-organisé avec l’université de Lille ?
Tristan Foveau : Tout à fait. Nous avons participé au forum international sur la constitution et les institutions politiques (ForInCIP) qui réunissait à la fin du mois de juin des constitutionnalistes et des politistes de 14 pays pour échanger autour de la question du rôle et de l’utilité des partis politiques. À cette occasion, notre président Floran Vadillo est intervenu sur la juste complémentarité qui doit exister entre les think tank et les partis.
Il existe à nos yeux trois différences fondamentales entre ces deux types d’institutions : leur finalité, leur composition et leur méthode.
Je l’ai dit, contrairement aux partis nous cherchons à inspirer le pouvoir, pas à l’exercer. Ensuite, les cercles comme le nôtre sont plutôt composés d’experts, pas de militants. Enfin, cette prévalence de l’expert implique une absence d’homogénéité politique ou de ligne majoritaire.
Très concrètement, nous avions peu après notre lancement publié une note sur le projet de loi relatif à la sécurité intérieure et avions regretté un oubli majeur en matière de techniques d’enquêtes judiciaires au profit du déchiffrement des communications électroniques, oubli qui constitue un frein considérable à la conduite des enquêtes. Mais un de nos experts a rédigé une autre note, en réponse à la première, pour promouvoir le droit au chiffrement au nom de la défense des libertés numériques. Ces deux thèses cohabitent, aujourd’hui, à gauche et nous ne sommes pas là pour trancher ou pour tenter de réaliser une synthèse, mais pour diffuser ces deux options programmatiques dans le débat.
Cap Finistère : Quel bilan tires-tu de cette première année d’existence ?
Tristan Foveau : Notre assemblée générale s’est tenue le 9 juillet. Par rapport aux objectifs que nous nous étions fixés, nous sommes satisfaits. Nous voulions établir une expertise intellectuelle et je crois que nous y sommes arrivés. En publiant 45 notes en dix mois et en associant une cinquantaine d’auteurs à notre travail, nous avons démontré notre capacité de production, une production sérieuse et de qualité selon nous.
D’autant que nos notes ont couvert quasiment tous les champs des politiques publiques : les institutions, la défense, la sécurité, l’aménagement du territoire, la santé ou l’égalité femmes/hommes. Nos publications ont souvent été reprises dans les médias. Nous avons cependant relevé quelques faiblesses, notamment sur les questions culturelles ou environnementales, mais nous allons y remédier. Nous avons repéré d’autres questions que nous voulons approfondir comme la politique spatiale, la lutte contre le bruit ou l’écologie numérique qui constituent des enjeux importants mais qui ne sont, à notre avis, pas suffisamment traités à l’heure actuelle. Les deux prochains rendez-vous électoraux, européens et municipaux, seront aussi pour nous l’occasion de publier des notes sur les institutions européennes ou la zone euro. Mais aussi sur les enjeux municipaux, comme les mobilités de demain ou la redynamisation des centres-villes. L’enjeu de la différentiation constitue également un champ de notre réflexion. Nous souhaitons fouiller ce sujet.
Publié dans le Cap Finistère n°1236 du 24 aout 2018