Les 5 leçons de la gauche au pouvoir
Le 28 janvier, Olivier Faure, comme il s’y était engagé au Congrès d’Aubervilliers, a prononcé un discours sur les leçons que les socialistes tirent de leurs passages au pouvoir. C’est la première fois qu’un parti mène ce genre d’exercice après une défaite électorale. Auparavant, le plus souvent, ceux qui venaient de perdre une élection misaient sur le traditionnel effet de balancier pour remporter l’élection suivante.
Ce chantier n’a pas donné lieu à de grandes controverses. Mais il a été mené avec sérieux, calme et détermination par des fédérations, dont celle du Finistère, et aussi par François Hollande qui, dans « Les leçons du pouvoir », a livré son analyse du quinquennat. La Fondation Jean-Jaurès, aussi, s’est livrée à cet exercice.
Ce discours, l’un des premiers prononcé dans le nouveau siège national à Ivry, était bien sûr destiné aux socialistes mais aussi, et peut-être surtout à toutes les Françaises et tous les Français qui ont, à un moment, soutenu le PS. « Je veux dire à nos concitoyens que nous les avons entendus », a insisté le Premier secrétaire.
« Pour que cet inventaire soit utile il doit conduire à de véritables changements », a estimé Olivier Faure qui en propose cinq qui correspondent au cinq enseignements de ces cinq dernières années.
« Nous avons manqué d’ambition et donc de vision. Nous avons été paralysés par la technocratie. Nous nous sommes rassurés en endossant les habits des bons gestionnaires. Nous avons évoqué des “ boîtes à outils ” pour inverser des “ courbes ”… Mais la gauche est d’abord un système de valeur, une fenêtre sur le rêve d’un monde plus juste. Un combat. La gauche est d’abord une indignation face à l’injustice. Retrouvons nos racines en assumant une radicalité démocratique, une colère constructive !
Nous n’avons pas suffisamment pris les idées au sérieux. La gauche est le parti des idées, des idées neuves, des idées folles ! Qu’on y repense : les congés payés, la retraite, le salaire minimum, les 35 heures… Rien ne relevait de l’évidence. Il a fallu en faire tomber des résistances. La gauche c’est le refus de la pensée unique ! Cela suppose de renouer avec les intellectuels et les chercheurs, d’aller à l’étranger, d’écouter ceux qui pensent différemment et d’anticiper les grandes mutations pour les maîtriser. Cela suppose de gamberger sans cesse, de rêver encore et de se dire : « Pourquoi pas ? » Refusons les oeillères, retrouvons le goût des nouvelles frontières !
Nous avons négligé les territoires. En 2012, nous détenions une immense majorité des collectivités locales. Nous ne leur avons pas fait confiance. Les dotations ont baissé. La réforme territoriale n’a pas répondu à l’attente d’une nouvelle étape de décentralisation. Pourtant, sur de très nombreux sujets, les bonnes volontés et les bonnes idées siégeaient dans nos régions, départements et communes… Nos collectivités sont des pépinières. Au-delà des élus, nos concitoyens demandent à être associés. Toutes les initiatives de budgets participatifs ont montré la maturité de nos concitoyens. Fédéralisons le fonctionnement de notre parti et notre exercice du pouvoir, faisons le pari d’une démocratie collaborative !
Nous n’avons pas assez associé l’ensemble de la gauche à nos décisions et à nos actions. Nous aurions dû oeuvrer à un rassemblement au-delà de nous-mêmes, sortir des cadres institutionnels, construire dans un dialogue permanent avec le monde syndical, associatif, les ONG, les citoyens. Ouvrons nos portes et nos fenêtres pour penser et conduire le changement avec toutes les forces qui y sont prêtes !
Nous n’avons pas mené la bataille culturelle. À ne pas imposer nos critères, nous avons implicitement accepté d’être jugés sur ceux de nos adversaires libéraux. Le combat pour la planète est aujourd’hui central. Indissociable du combat social et démocratique, il est un formidable levier pour reprendre en main notre destin collectif. La social-écologie doit plus que jamais être notre combat ! »
Olivier Faure a prononcé son discours à un moment où la gauche risque de succomber au poison de la division. « Les libéraux sont En Marche. L’Extrême droite s’organise. Et au même moment, les progressistes se divisent ! Je ne m’y résous pas ; je ne m’y résoudrai jamais. C’est le sens même de notre renaissance que de travailler à celle de la gauche toute entière. »
Article publié dans le Cap Finistère n°1257 du 8 février 2019