Ar c’housked so an hanter ag ar yec’hede. (Le sommeil est la moitié de la santé) dit un proverbe breton. Or, notre temps de sommeil ne cesse de se réduire.
Dans une contribution publiée dans le cadre du Congrès qui devait se tenir à Villerbanne, Nicolas Goarant, qui se présente comme un « sleep activist » demande aux socialistes de prendre cette questions très au sérieux et d’y apporter des réponses de gauche.
Cap Finistère : Pourquoi avoir proposé, dans le cadre du congrès, une contribution sur le sommeil ?
Nicolas Goarant : J’ai découvert ce sujet lorsque je travaillais comme assistant parlementaire de Guillaume Bachelay, député de Seine-Maritime. Les seuls éléments que j’avais trouvés étaient très techniques mais, en approfondissant la question, je me suis rendu compte que les enjeux étaient éminemment politiques. J’ai donc approfondi mes recherches et étudié les aspects sanitaires, sociaux, économiques…J’ai publié le résultat de mes réflexions dans « Le sommeil malmené » aux éditions de l’Aube. Mais j’ai aussi souhaité que les socialistes puissent s’emparer de ce sujet qui va prendre de plus en plus d’importance. Car ce sont les Français les plus modestes qui souffrent des effets du mauvais sommeil, notamment parce qu’ils vivent dans un environnent bruyant.
Cap Finistère : Ce phénomène va-t-il vraiment prendre de l’ampleur ?
Nicolas Goarant : En moyenne, nous dormions 8 h 05 en 1986 puis 7 h 47 en 2010 et 6 h 42 en 2017. Je ne citerai que deux éléments pour montrer que nous allons devoir nous pencher sur ce sujet : d’abord, l’évolution du travail, qu’il s’agisse du travail de nuit, qui ne cesse de progresser et concerne déjà 3 millions de salariés ou du télétravail qui brouille les frontières entre vie familiale et vie professionnelle et a donc une incidence sur la qualité du sommeil. Ensuite, le réchauffement climatique. Pour l’instant nous ne dormons mal, à cause des canicules, que quelques nuits par an. Mais nous savons que le nombre de nuits étouffantes va augmenter.
Cap Finistère : Comment expliquer que cette question soit absente des politiques publiques ?
Nicolas Goarant : Faites l’expérience vous-même : lorsque vous visitez le logement d’amis, ou lorsque vous faites visiter votre propre logement, vous attardez-vous sur la chambre à coucher ? Non. C’est la pièce la plus intime et il y a une forme de gêne à la montrer. Il ne faut pas non plus sous-estimer le discours dominant qui tend à valoriser celles et ceux qui dorment très peu. Or, le manque de sommeil peut avoir des conséquences dramatiques. Je ne dis pas que l’Etat dissimule les conséquences d’un sommeil de mauvaise qualité mais il ne se donne pas les moyens d’intervenir. Et pourtant les enjeux sont considérables. Je les ai résumées dans la formule des 7 B. B comme Bruit qui empêche de dormir et qui concerne surtout celles et ceux qui n’ont pas les moyens de choisir leur quartier ou d’isoler phonétiquement leur logement. Bleue comme les lumières bien de nos écrans qui retarde le sommeil. Blanche comme les nuits de millions de personnes. Or, même s’il est difficile de faire la part des choses, on estime que 25 à 30% des accidents de la route sont provoqué par la somnolence. Benzodiazépine du nom de ce composé organique présent dans les somnifères. Banquise comme celle qui fond à cause du réchauffement climatique qui perturbe notre sommeil et B comme Brouillard, dans lequel on se retrouve lorsqu’on tente de comprendre comment la puissance publique traite cette question.
Cap Finistère : Justement que peut faire l’Etat ?
Nicolas Goarant : Il pourrait déjà considérer que le sujet mérite d’être traité. Or, cette dimension n’est pas citée dans la stratégie nationale de santé en dépit de ses conséquences sanitaires indéniables, comme par exemple l’addiction aux somnifères. Il existe des groupes de travail sur quasiment tous les sujets à l’Assemblée Nationale mais pas sur le sommeil.
Ensuite, une fois que l’enjeu est posé, on peut attendre un effort de communication pour sensibiliser les Françaises et les Français à l’importance d’un sommeil de qualité, à l’image de ce qui se fait pour la promotion d’une alimentation saine.
Cap Finistère : Et que peuvent faire les collectivités locales ?
Nicolas Goarant : Elles peuvent aussi informer et sensibiliser, par exemple en mettant le sommeil dans les intitulés des attributions des adjoints ou des vice-présidents déjà en charge de la santé ou de l’environnement.
Ensuite, plusieurs initiatives peuvent être prises. Je pense notamment à l’utilisation de nouveaux revêtements routiers qui atténuent le bruit de la circulation, ou à une attention particulière à avoir dans les chantiers pour l’isolation acoustique, ou la construction de murs anti-bruits autour d’aéroports. Ou encore l’installation de radars méduses qui indiquer aux automobilistes le nombre de décibels qu’ils émettent. Il y a aussi la question des punaises de lit, dont plusieurs collectivités locales comment à se saisir.
Les départements et régions peuvent aussi mener des actions de prévention sur les addictions aux écrans auprès des collégiens et lycéens. Ils pourraient aussi s’inspirer des expériences menées dans la région de Seattle pour repenser les horaires scolaires.
Article publié dans le Cap Finistère n°1331 du 13 novembre 2020
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