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mercredi 25 décembre
Les maires sont pris en tenaille
« L’État décourage les collectivités et les associations à avoir recours aux emplois aidés afin de justifier plus de coupes supplémentaires », estime Christophe Bouillon, président de l’Association des Petites Villes de France (APVF).

 

Cap Finistère : Pourquoi lancez-vous maintenant cet appel à sanctuariser le nombre d’emplois aidés ?
Christophe Bouillon : Cela fait maintenant plus de trente ans que les emplois aidés existent. Et force est de constater que dans nos territoires, ils fonctionnent - contrairement à ce que laisse croire le discours gouvernemental. Ils fonctionnent car ils permettent très concrètement le retour à l’emploi de personnes éloignées du monde du travail et conforte à la fois les services à la population que délivrent nos communes ainsi que l’activité des structures associatives. Chaque élu dont la collectivité a eu recours aux emplois aidés peut en attester. L’État demande aux collectivités de délivrer toujours plus de services, avec moins de deniers publics : les emplois aidés constituent un levier qui permet de répondre à cette contradiction.

 

Cap Finistère : Le gouvernement rétorque que seuls 60 000 contrats ont été signés pour 200 000 budgétés.
Christophe Bouillon : S’il est vrai que depuis le 1er janvier, seuls 60 000 contrats aidés ont été conclus, sur les 200 000 budgétés pour l’année en cours, cela tient à la transformation des emplois aidés en « Parcours emploi compétences ». Ces « nouveaux dispositifs » sont plus complexes et plus coûteux que les emplois aidés, dans leur format précédent. Ce qui explique leur faible recours. Alors qu’un emploi aidé était subventionné, en moyenne 80 % du SMIC horaire brut par l’État, un emploi en « Parcours emploi compétences » n’est désormais subventionné qu’à une hauteur maximale de 50 % du SMIC horaire brut. Et pour moins d’aides, l’État a multiplié par trois ses exigences en termes de suivi, de formation et de contrôle. Mon analyse est la suivante : l’État décourage les collectivités et les associations à avoir recours à ces outils afin de justifier plus de coupes supplémentaires. Plus insidieux encore, une petite musique s’est installée, laissant entendre que les emplois aidés permettent des embauches de complaisance dans une démarche clientélaire. Cette accusation délétère vise encore une fois à discréditer ces dispositifs aux yeux des citoyens.

 

Cap Finistère : Concrètement, quels sont les secteurs les plus touchés ?
Christophe Bouillon : C’est assez variable selon les communes. Mais l’on constate dans les petites villes que ce sont surtout les services de garderie, les services dédiés au sport ou la culture, ainsi que les services conçus pour la prise en charge des personnes âgées qui souffrent prioritairement de la diminution des emplois aidés et de la disparition d’emplois qui en découlent.

 

Cap Finistère : Cela explique aussi la vague de démissions dans les conseils municipaux ?
Christophe Bouillon : Les maires sont pris en tenaille entre les injonctions contradictoires de l’État qui délègue aux communes toujours plus de missions tout en leur demandant de réaliser davantage d’économies. En parallèle, les habitants exigent légitimement de leurs élus qu’ils maintiennent un niveau de service satisfaisant. C’est pourquoi, il n’y a rien d’étonnant à voir que de plus en plus de maires jettent l’éponge face au caractère irrésoluble de l’équation. Et la diminution des emplois aidés - en tirant vers le bas la solvabilité des communes - participe à rendre l’exercice budgétaire toujours plus compliqué et ces pressions paradoxales toujours plus pesantes.

 

Cap Finistère : L’annonce du Plan contre la pauvreté intervient dans ce contexte. Comment jugez-vous ce plan ?
Christophe Bouillon : Toute prise de conscience du niveau de pauvreté et de précarité dans notre pays ne peut qu’être salutaire. J’ajoute que la pauvreté n’est pas que l’apanage des grandes agglomérations, elle touche aussi largement les petites villes. Comme le montre d’ailleurs la carte relative à la géographie prioritaire de la politique de la ville. En l’état, je crains que les annonces du président de la République ne soient pas totalement à la hauteur du défi à relever. Les intentions sont bonnes mais je constate qu’une fois de plus, ce sont les collectivités locales qui sont surtout mises à contribution notamment en ce qui concerne les places en crèche et l’accès à la cantine avec la généralisation des tarifs sociaux. Il faudra être vigilant sur la compensation financière promise par l’État aux collectivités. Et puis, je doute surtout que certaines mesures actées précédemment - diminution des aides au logement et bien sûr la diminution drastique de contrats aidés - permettent de créer les conditions d’une action résolue et efficace contre la pauvreté.

Article publié dans le Cap Finistère n°1240 du 28 septembre 2018

 

 
 



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