Le logement social ? Ça coûte cher, c’est compliqué et en plus ça ne marche pas. La preuve ? Le nombre de personnes inscrites sur liste d’attente ne cesse d’augmenter, la loi SRU n’est pas respectée dans toutes les communes et le droit opposable au logement n’est pas appliqué. À la fin du quinquennat, voilà le discours qui prédomine, alors même que les mesures, prises dès 2017, ont freiné les constructions de logements neufs et affaibli les trésoreries des offices HLM.
Et, pour accréditer cette idée la Cour des comptes a publié cet été un rapport dans lequel elle préconise de réserver le logement social aux personnes sans ressource et de laisser le marché faire le reste pour les autres.
« Nous devons avoir une politique du logement bien plus ambitieuse », a insisté Thomas Chevandier, secrétaire national au Logement, dans l’atelier du Campus de rentrée à Blois.
Car, la politique du logement a des conséquences sociales, économiques et politiques considérables, a expliqué Guillaume Duval, ancien éditorialiste à Alternatives économiques.
Si on prend les données d’Eurostat la France est l’un des pays qui dépense le plus pour le logement. Ça représente 1,1% du PIB. C’est le double de la moyenne européenne. Les Italiens sont à 0,5% et les Allemands à 0,4%. « Nous dépensons beaucoup, mais nous sommes aussi l’un des pays qui a le plus de logements sociaux. Nous ne sommes pas les premiers. Il y en a 32 % aux Pays-Bas, 24 % en Écosse et en Autriche, 19% au Danemark alors que nous nous situons à 16%. Mais c’est tout de même cinq fois plus qu’en Allemagne (5%) ou en Espagne et quatre fois plus qu’en Italie », a précisé l’économiste.
« Mais surtout, la France est l’un des pays développés où les prix du logement ont le plus augmenté depuis trente ans : +90%, comme au Royaume-Uni, contre +70 % en Espagne, +40 % aux USA ou +30 % en Allemagne. En Italie ils ont même baissé de 15 %. »
Cette hausse des prix s’explique par la chute des taux d’intérêt qui permet un accès plus facile et plus fréquent au marché de l’immobilier.
« Produire ne signifie pas obligatoirement construire. »
C’est un problème social pour l’accès à la propriété des jeunes, quand ils ne sont pas héritiers. C’est également un problème social lorsque les distances domicile/travail s’allongent. Mais c’est aussi un problème économique majeur quand on parle de compétitivité. « On met souvent en cause le coût du travail, mais en fait ce n’est pas vraiment le coût du travail, c’est beaucoup le coût du foncier », a insisté Guillaume Duval. Une entreprise qui s’installe en France paye un coût du foncier plus élevé qu’en Allemagne. Si l’Allemagne s’en sort mieux que nous sur le plan industriel c’est parce que, Outre Rhin les prix de l’immobilier ont beaucoup moins augmenté, depuis le début des années 2000.
C’est aussi pour cette raison que les salaires allemands ont moins progressé.
Les pénuries d’emplois, dont on parle actuellement, sont aussi des pénuries de logements à des distances raisonnables pour les employés. Lorsqu’Emmanuel Macron dit qu’il suffit de traverser la rue pour trouver de l’emploi c’est en partie vrai. À Paris. Mais si on manque de main-d’œuvre dans la capitale, c’est simplement parce que les salariés de la restauration ne peuvent pas se loger à distance raisonnable de leur travail.
Depuis le début du capitalisme, la rente foncière est l’ennemi du développement économique, or la France est l’un des pays où la rente foncière est la plus développée. Si les ménages placent leur épargne dans l’immobilier ils ne la placent pas dans les entreprises. Si les entreprises doivent investir dans des
terrains elles n’investissent pas dans des machines ou la recherche. Pourquoi cette spécificité française ? Parce que la démographie est dynamique, mais que ça coûte cher d’élever des enfants. Il faut les éduquer, il faut les nourrir, il faut les loger, ce qui fait une différence avec l’Allemagne ou l’Italie.
C’est une question très complexe. Si on réussit à faire baisser le prix de l’immobilier, on fait baisser la valeur du patrimoine des couches moyennes. On n’affecte pas beaucoup les très riches. Et si on fait baisser le prix de l’immobilier ça sera plus compliqué de mobiliser des investisseurs privés pour relancer la construction.
Un besoin de 500 000 logements par an
Alors que faire, sachant que 4 millions de personnes sont en situation de mal-logement selon les chiffres de la Fondation Abbé Pierre. « On estime le besoin de nouveaux logements à 500 000 par an, dont 150 000 logements sociaux », a rappelé Thomas Chevandier. « Nous devons continuer de produire, mais produire ne signifie pas obligatoirement construire. Il faut encadrer les résidences secondaires et les sites de location qui, dans certaines villes empêchent les gens de se loger, il faut lutter contre la vacance de logements et de bureaux. »
« La rente foncière est l’ennemie du développement économique. »
Mais, si ces outils sont essentiels pour les élus locaux, ils ne seront pas suffisants. « La question qui est posée à tous les élus locaux est comment et où construire, en sachant que le moindre projet fait l’objet de réactions négatives de la part des riverains et, qu’en même temps, il faut stopper l’artificialisation des sols et l’étalement urbain. »
Article publié dans le Cap Finistère n°1369 du 8 octobre 2021
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