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mercredi 25 décembre
Marine Le Pen se cherche une stature
 
Il ne faudrait pas croire que le déplacement express de Marine Le Pen sur l’île de Sein le 17 juin n’était qu’une opération de communication destinée à créer le buzz. Il s’inscrit dans une démarche politique et idéologique murement réfléchie nous explique Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême-droite, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques de la fondation Jean Jaurès. 

 

Cap Finistère : Comment interpréter le déplacement de Marine Le Pen sur l’île de Sein ? Est-ce une conversion idéologique ou juste un coup médiatique ?
Jean-Yves Camus : Pour comprendre sa démarche il faut regarder ce qui lui manque. : Une carrure de femme d’état capable de rassembler. Tout le monde se souvient de sa prestation catastrophique dans le débat de l’entre-deux tours de la présidentielle. Une grande partie des Français peuvent considérer qu’elle pose le bon diagnostic mais très peu imaginent qu’elle puisse apporter des solutions. Elle souffre d’un déficit de présidentialité. Elle n’est pas jugée capable d’entrer dans le costume de président de la République de la 5e puissance mondiale. Quand on est jugé trop clivant, pas assez à la hauteur, quelle figure peut mieux servir votre cause que celle du général De Gaulle, l’homme qui voulait diriger la France au-dessus des partis ? C’est en ça que la figure du général De Gaulle l’intéresse. 
De plus, pour nous, le concept de Résistance avec un grand R, c’est celle contre le nazisme et Vichy. Mais la résistance peut être aussi perçue par un certain nombre de Français, comme le fait de se lever à un moment donné face à de nouveaux ennemis. Lorsque Renaud Camus fonde une petite organisation politique qui prône à la fois le souverainisme et la remigration il l’appelle Conseil National de la Résistance Européenne. Dans une partie de cette mouvance, il y a l’idée que le Général De Gaulle était le résistant de 1940, de 1958, et de 1968 contre la « chienlit » et il faut maintenant que quelqu’un reprenne le flambeau de la résistance face aux nouveaux périls qui menacent.
 
Cap Finistère : Cette ligne était pourtant incarnée par Florian Philippot qui a quitté le RN. 
Jean-Yves Camus : Marine Le Pen s’est débarrassé de l’homme, pas de ses idées. Florian Philipot était un numéro 2 qui, en plaçant des hommes à lui dans les rouages du parti, ambitionnait de devenir n°1. Ce n’était pas acceptable. Mais Marine Le Pen a conservé sa ligne souverainiste et ses références au gaullisme.
 
Cap Finistère : Cet hommage au général de Gaulle et à la Résistance ne risque-t-elle pas de créer des divisions au sein du RN ?
Jean-Yves Camus : Marine Le Pen est née en 1968. Toutes les références à la seconde guerre mondiale lui sont étrangères. Lorsque son père devient président du Front National en 1972 il est entouré, entre autres, d’anciens collaborateurs qui avaient combattu dans la Milice ou avaient porté l’uniforme allemand et qui vouaient une haine farouche au général De Gaulle, tout comme beaucoup de partisans de l’Algérie française. C’est un fait historique incontestable. Mais ces gens-là sont morts pour la plupart. La génération de la collaboration a disparu. Dans les sections du RN, il reste bien quelques nostalgiques qui peuvent crier à la trahison mais ils ne représentent plus grand-chose au sein du RN. Le gros des troupes appartient à une génération que ne se sent pas concernée par la seconde guerre mondiale. Le seul élément qui peut créer des frictions reste la guerre d’Algérie.
 
Cap Finistère : Dans quel état le RN sort-il de la séquence des municipales ?
Jean-Yves Camus : Les Municipales ne sont pas un scrutin favorable au RN : les enjeux sont locaux, il faut présenter des listes paritaires, avoir des candidats connus. Il peut espérer conserver les communes qu’il dirige déjà et peut-être en gagner au mieux 5 ou 6, principalement dans le bassin minier du Nord et dans le Sud, mais guère plus. Il faudra cependant regarder le résultat de Perpignan qui est la plus grande ville qui pourrait tomber. On est bien loin des 137 villes susceptibles d’élire une liste RN qu’annonçait une note de LREM au mois de janvier !
A ce propos je suis assez surpris que la presse ne relève pas plus l’incroyable légèreté avec laquelle LREM y a bâti sa liste puisque 3 de ses candidats ont rallié Louis Aliot entre les deux tours.
L’autre enjeu de ces municipales était de voir si l’alliance des droites prônée par Marion Maréchal fonctionne. Or, on constate que les digues entre la droite et l’extrême droite ont encore tenu, dans l’immense majorité des cas. On peut compter sur les doigts d’une main les membres de LR qui ont rejoint le RN. Et encore, la plupart d’entre eux étaient des élus en fin de carrière, qui avaient déjà perdu leur mandat. On n’en est pas encore au point où les listes de droite seraient prêtes à fusionner avec celles du RN, même pour gagner face à la gauche. Sur 130 listes présentes au second tour, le RN en a fusionné 5 avec des listes « divers droite » et à Trignac (Loire-Atlantique), il soutient sans y participer la liste d’un ancien maire de droite.
Cependant il ne faudrait pas voir dans ces résultats un affaiblissement du RN et de sa candidate et extrapoler les résultats sur les prochaines élections. Il n’en ira pas de même avec le scrutin de liste des Régionales et avec la Présidentielle où je pense que Marine Le Pen pourra encore améliorer son score du 1er tour et pourra vraisemblablement approcher les 40% au second tour. 
 
Article publié dans le Cap Finistère n°1317 du 26 juin 2020
 
 
 
 



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