Ce livre aurait pu s’appeler Chronique de la haine ordinaire.
Mais Kofi Yamgnane a préféré l’intituler Mémoire d’outre-haine pour répondre aux lettres d’insultes et de menaces qu’il a reçu.
Quel contraste entre les courriers, forcément anonymes, et la réponse qu’y apporte
l’ancien maire de Saint-Coulitz ! D’un côté, on sent à travers l’écriture, les fautes, d’orthographe ou de syntaxe ou la grossièreté du vocabulaire, une haine profonde qui ne demande qu’à s’exprimer. On perçoit une réelle volonté de faire mal, de blesser, d’humilier. Tous les poncifs racistes sont concentrés dans les quelques courriers reproduits dans ce livre et peuvent se résumer en une formule : les Noirs ne sont pas légitimes pour représenter des Blancs.
En réponse, Kofi Yamgnane fait preuve de pédagogie et raconte, explique et argumente, calmement, au fil des 52 chapitres de son livre. Ou plutôt des 52 contes, puisqu’il a choisi cette forme
pour présenter son histoire personnelle, ses expériences et ses convictions.
Tous ces contes, à la manière bassar commencent de la même manière : Dati ! Daho ! Il faut que je vous raconte... Ce qui peut se traduire par « Prêtez moi la parole » et « La parole vous est donnée ».
Au long de ces 52 contes, Kofi Yamgnane revient sur son parcours personnel et explique comment un enfant du nord Togo est devenu ingénieur des Ponts et Chaussées dans le centre- Finistère, maire de Saint-Coulitz, vice- président du Conseil général, député et secrétaire d’État.
Mais Mémoires d’outre-haine n’est pas qu’une autobiographie. C’est un plaidoyer humaniste qui rappelle que l’histoire de l’humanité n’est qu’un long combat pour la dignité et l’égalité. Les préjugés racistes ont la vie dure. Ils trouvent leur racine dans des siècles de domination, d’esclavage et de colonisation qui, pour trouver leur justification, ont présenté les populations asservies des êtres inférieurs, frustres voire anthropophages. Comment expliquer autrement que les colons puissent imposer leur loi ? C’est cette vieille rhétorique qu’on retrouve encore dans les réactions racistes.
Les habitants de Saint-Coulitz, en choisissant un de leur concitoyens, d’origine togolaise, comme maire étaient en 1989 des précurseurs.
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