Mexique : la situation reste explosive
C’est avec soulagement que les Mexicains ont appris la victoire des démocrates à la chambre des représentants. Pour autant, les relations avec leur voisin du nord ne sont pas encore apaisées et pourraient même s’envenimer, prévient François Boucher, conseiller consulaire au Mexique et membre de l’assemblée des Français de l’étranger.
Cap Finistère : Comment ont été accueillis les résultats des élections de midterm alors que la question du mur avec le Mexique ou des réfugiés du Honduras ont été au coeur de la campagne ?
François Boucher : La victoire des démocrates à la chambre des représentants a été accueillie avec soulagement. Ils vont pouvoir freiner Trump, comme les Républicains avaient empêchés Barack Obama de mettre en oeuvre son projet de loi sur la santé et la sécurité sociale.
Car depuis l’élection de Trump, il y a deux ans, les relations entre les États-Unis et ses voisins du sud, en particulier le Mexique, se sont considérablement tendues. Surtout autour du projet de mur à la frontière que le président américain voulait faire payer aux Mexicains ! La réaction mexicaine a été unanime pour dénoncer et refuser ce projet.
Cap Finistère : Quelles conséquences pourraient avoir la baisse des aides américaines pour les pays d’Amérique centrale promises par Trump en représailles aux colonnes de réfugiés qui s’acheminent vers les USA ?
François Boucher : La menace est prise très au sérieux par les autorités guatémaltèques. On sait bien que les États-Unis ne peuvent pas stopper l’ensemble de leurs aides du jour au lendemain. Mais les pays d’Amérique centrale sont très dépendants de l’aide américaine. Une réduction pourrait avoir des conséquences désastreuses dans des pays déjà en proie à de graves difficultés économiques et sociales.
Cap Finistère : Qui sont les réfugiés qui traversent le Mexique pour rejoindre les États-Unis ?
François Boucher : Ils viennent d’Amérique centrale, essentiellement de trois pays : du Salvador, du Guatemala et du Honduras. La situation est si difficile dans ces pays où règne une extrême violence que des milliers de paysans sont contraints de fuir. Ce sont les plus pauvres des pauvres qui parvenaient jusqu’ici à survivre en produisant du café. Ces petits paysans n’ont plus rien à perdre et décident de tenter leur chance aux États-Unis.
On estime à 200 le nombre de personnes qui, chaque jour, quittent l’Amérique centrale pour tenter de rentrer aux États-Unis. Mais les derniers chiffres, qui viennent d’être publiés, montrent que 30 à 40 % des personnes qui tentent d’émigrer sont soit capturées, soit tuées par les mafias mexicaines. Ils et elles n’ont pas décidé de former des colonnes pour faire peur aux Américains mais simplement parce que, groupés, ils sont moins vulnérables vis-à-vis des groupes qui cherchent à les exploiter. Donc le nombre ne change pas, mais au lieu de partir à quelques-uns chaque jour, ils partent à 1 000 ou 2 000 toutes les semaines.
On voit beaucoup de femmes et d’enfants dans les caravanes de réfugiés. C’est parce que la traversée du Mexique est si dangereuse pour eux qu’ils doivent se déplacer en nombre. Sans ces colonnes, ces femmes et ces jeunes n’auraient pas tenté d’émigrer. Mais comme ils n’ont pas le choix, ils se sont organisés pour être le plus en sécurité possible. Et, il y a un effet boule de neige puisque d’autres candidats à l’émigration se joignent à eux.
Cap Finistère : Comment vois-tu l’évolution des relations entre les États-Unis et l’Amérique centrale alors que le Mexique vient d’élire un président de gauche ?
François Boucher : On peut espérer, passées les élections, que Donald Trump se calmera. Mais, compte-tenu de son caractère impulsif, personne n’est sûr de rien. Des militaires sont stationnés sur la frontière et on ne sait pas ce qui se passera si des colonnes de réfugiés tentent de la passer. Le nouveau président de gauche, Lopez Obrador, qui prendra officiellement ses fonctions le 1er décembre peut leur proposer de rester au Mexique. Mais c’est bien aux États-Unis qu’ils veulent se rendre. Lopez Obrador tient un discours de solidarité vis-a-vis des réfugiés. En règle générale, les colonnes sont plutôt bien accueillies même si, au départ, l’armée mexicaine a tenté de les empêcher d’entrer au Mexique.
Mais la situation est explosive et on ne sait pas ce qui peut se passer si des colonnes tentent de franchir le Rio Grande.
Article publié dans le Cap Finistère n°1247 du 16 novembre 2018