Morlaix : la ville et l’agglo parlent (enfin !) d’une seule voix
Enfin ! La ville de Morlaix et Morlaix Communauté parlent enfin d’une même voix, en l’occurrence, celle de Jean-Paul Vermot.
100 jours après son élection, le maire de Morlaix et président de Morlaix Communauté fait le point sur les grands enjeux du mandat : crise sanitaire, logement, mobilités, démocratie participative et maintien des activités de Hop !
Cap Finistère : A quoi ressemble le quotidien d’un maire en période de Covid ?
Jean-Paul Vermot : ça consiste à maintenir l’activité dans la ville et parfois à organiser des animations comme la foire haute, fête historique de Morlaix en prenant toutes les précautions possibles. Cette attention particulière devient une habitude pour l’ensemble des décisions que nous sommes amenés à prendre, en lien avec les services de l’Etat.
Mais ça consiste aussi à être particulièrement attentifs à l’évolution de l’épidémie, même si, pour l’instant Morlaix et sa région sont plutôt épargnés.
Cependant, en tant qu’élus, nous sommes confrontés à des situations ubuesques voire à des injustices flagrantes dans la gestion de la pandémie. Ainsi, nous avons été amenés à organiser des concerts alors même que les discothèques n’ont même pas le droit d’ouvrir. Mais ce n’est pas le maire qui décide. C’est un décret qui empêche ces établissements de se reconvertir en bars de nuits.
Les mesures que nous devons prendre ont un coût. La mise en place des protocoles engendre des dépenses et la période du confinement a entrainé des pertes de recettes qui se chiffrent à plusieurs milliers d’euros, pour l’agglomération ou la mairie.
Toutefois, cette crise a tout de même un effet positif : elle nous oblige à nous réinterroger sur certaines pratiques comme les circuits courts, le commerce local, le transport, avec l’explosion de l’usage du vélo. On a vu quelque chose se développer après le confinement. Ces tendances seront-t-elle durables ? Oui, sans doute pour une partie de la population. Mais il faut attendre quelques mois pour le vérifier et en tirer toutes les conséquences en termes de politiques publiques.
La crise sanitaire a provoqué des changements de comportements que nous devons intégrer
Cap Finistère : Justement, cette crise remet-elle en cause le projet sur lequel vous avez été élus ?
Jean-Paul Vermot : Non, pas fondamentalement. Ce projet est le fruit de quasiment 2 ans de travail collectif. Il reste notre ligne de conduite pour l’ensemble du mandat. Mais, nécessairement il y aura de la réadaptation. Nous sommes en train de revoir les prévisions d’investissements de l’équipe précédente avec des décisions un peu marquantes comme le projet de musée pour un montant de 20 millions d’euros. Or, la ville seule ne peut pas porter un tel projet. Et nous avons eu la surprise de découvrir qu’il n’y avait pas de programmation des investissements.
Nous allons rapidement voir les avantages pour Morlaix et Morlaix Communauté à travailler de concert. Pour la première, les élu-es se sont rencontrés. Le programme action cœur de ville est une convention multi partenariale. Or, jusqu’à présent, la ville de Morlaix avait construit ses projets et les plans de financement toute seule, en imaginant la participation financière des autres partenaires. Pour la première fois l’ensemble des partenaires ont tout mis sur la table pour construire une approche réellement collective. Que je sois maire et président de l’agglomération permet de faire tomber les barrières qui s’étaient développées depuis 12 ans et ouvre de nouvelles opportunités tant pour la ville que pour l’agglomération.
Le problème fondamental du pôle urbain, c’est son attractivité. Or, il y a des gens, jeunes ou plus âgées qui veulent venir s’installer à Morlaix. Mais, qui ne le peuvent pas compte tenu de l’état du bâti dans la ville. Des îlots entiers de notre patrimoine sont à la limite de l’insalubrité
Cap Finistère : Le logement était précisément l’un des axes fort de votre projet.
Jean-Paul Vermot : Absolument. Et il s’agit d’une compétence de Morlaix communauté, d’où l’importance de travailler main dans la main. On défend la création d’outils publics pour engager la réhabilitation.
Cela fait des années que la situation se dégrade sans que l’équipe précédente en prenne la mesure. Nous sommes en train de choisir le meilleur portage possible car plusieurs solutions s’offrent à nous comme la SEMPI brestoise, ou des structures qui se montent au niveau régional, comme Breizh cité. Dès 2021, nous engagerons notre projet qui consiste à acheter, rénover et remettre des logements sur le marché. Soit nous aurons notre propre outil, soit nous nous associerons avec d’autres. Mais, quoi qu’il en soit, c’est la puissance publique qui doit intervenir, par un investissement massif, car le privé ne sait pas mener ce type d’opération sur un marché qui dysfonctionne, avec plus de 500 logements vacants sur l’hyper centre morlaisien.
L’outil que nous choisirons devra aussi servir à mener des opérations dans d’autres communes de l’agglomération qui rencontrent aussi des problèmes de logements.
Cap Finistère : La question des mobilités joue aussi un rôle important dans l’attractivité d’une ville comme Morlaix
Jean-Paul Vermot : Là encore, il faut raisonner à l’échelon de l’agglomération. Le temps où Morlaix, seule, portait son projet de funiculaire est révolu. D’autant que ce projet n’est pas finançable. En revanche, nous nous tournons plutôt vers l’idée de navettes électriques qui pourraient désengorger les rues du centre ville. Nous étions confrontés à un triple problème : des bus diesel de grand gabarit, presque vides circulaient dans les rues étroites du centre-ville. L’équipe précédente ne voyait que l’axe gare/centre-ville alors que le plateau de population le plus dense se trouve au nord/est. Entre un funiculaire à 8 ou 12 millions et des navettes à 120 000 euros, notre calcul est vite fait et nous choisissons un mode de transport décarboné, qui répond aux demandes de tous les Morlaisiens. Nous avons demandé à notre prestataire de nous faire une proposition assez rapidement pour trois navettes qui sillonneraient le centre-ville.
Les mobilités ce sont aussi la marche à pied et le vélo. On a vu apparaitre, à la sortie du confinement de nombreuses pistes cyclables temporaires. Mais, certaines portions étaient considérées comme dangereuse par des usagers. Nous avons décidé d’effacer les marquages au sol sur certaines portions. La réflexion n’est pas encore achevée mais notre objectif est bien de donner la place qui lui revient à chaque mode de déplacement.
Le problème fondamental du pôle urbain, c’est son attractivité
Cap Finistère : Et bien sûr tout cela ne peut pas se faire sans démocratie participative qui était au cœur de votre projet.
Jean-Paul Vermot : Evidement. Et elle était aussi notre fil conducteur pour l’élaboration de notre projet municipal. Depuis 2 mandats, à part un vote sur le choix de l’essence des arbres pour l’aménagement d’une place et une consultation sur le parking en centre ville, juste avant la campagne électorale, les Morlaisiennes et les Morlaisiens n’ont absolument pas été consulté. Avant, nous faisions de la démocratie participative mais sans le dire. Les élu-es des municipalités de gauche allaient systématiquement à la rencontre des habitants. Nous allons renouer avec cette tradition.
Nous allons créer les conditions pour discuter du quotidien comme les trous dans les trottoirs, ou les animaux errants. Nous allons apporter des réponses à ce type de problèmes, mais nous voulons aller plus loin dans la définition de projets dans les quartiers. Nous n’arrivons pas avec un schéma tout prêt, justement parce que pour nous voulons construire une vraie démocratie participative.
Les quartiers sont une réalité à Morlaix qui ne suscite pas de débats. On en compte 11. Après, la question de savoir comment s’organise le débat à Ploujean, à la Madeleine ou à la Boissière reste ouverte. Il serait tout de même paradoxal d’imposer une méthode alors que, précisément, nous voulons redonner du pouvoir aux citoyens. Donc, le mode d’organisation pourra être différèrent selon les quartiers en fonction de ce que voudront leurs habitants. Nous voulons aussi prendre notre temps car nous sommes bien sur un engagement à l’échelle du mandat. L’enjeu est aussi de redonner confiance et de lutter contre l’abstention. Ces comités auront une dimension pédagogique afin d’expliquer comment se prennent les décisions.
A côté de ces comités, des commissions thématiques plus formelles seront aussi rapidement mises en place.
Oui le politique peut décider, oui il peut imposer.
Cap Finistère : A peine élu, tu apprends qu’Air France veut supprimer le site Hop ! de Morlaix.
Jean-Paul Vermot : Oui, même si l’idée n’est pas nouvelle et que nous nous sommes déjà opposés à ce vieux projet d’Air France. Je suis toujours en colère de voir le décalage entre le discours du gouvernement, qui annonce vouloir préserver l’emploi dans les villes moyennes et qui, dans le même temps, reste si passif voire soumis.
Avec les milliards d’euros débloqués pour la filière aéronautique, ce n’est pas à Air France de décider mais bien au gouvernement. Le problème est pourtant simple à résoudre : il est politique. Il suffit qu’un ministre, quel que soit son rang, dise à Air France : « vous allez garder cet établissement parce que nous voulons préserver l’emploi, en particulier dans les villes moyennes et en plus parce qu’économiquement votre projet ne se défend pas ». J’attends de ce gouvernement une posture que l’on pourrait qualifier de « gaullienne » mais je ne rencontre dans les cabinets ministériels que de jeunes énarques qui ne prennent pas la mesure du drame social qui est en train de se jouer.
Sur au moins trois points, le plan d’Air France est une hérésie. D’abord sur la fonction « simulateur de vols ». Il est inconcevable, pour une entreprise qui prétend vouloir gagner en compétitivité, de se débarrasser d’une activité rentable. Ensuite, sur la fonction siège social. Air France est propriétaire des bâtiments à Morlaix et ils voudraient louer des locaux à Nantes ? C’est d’autant plus incompréhensible qu’avec la crise sanitaire, la Loire Atlantique est en zone rouge tandis que le Finistère est en zone verte. Et enfin la fonction maintenance doit être préservée car sinon c’est à l’étranger que les avions seront entretenus au détriment de l’emploi français. On voit donc bien que la question n’est pas économique mais politique. Nous demandons à pouvoir mettre tous ces éléments sur la table et nous parviendrons à démontrer que ce plan est indéfendable. Hop ! c’est 276 emplois directs mais 1000 emplois au total pour le bassin de Morlaix. Rapporté à la population de Nantes, ça représenterait 20 000 emplois ! Le gouvernement nous explique qu’il veut mobiliser tous les moyens pour « action cœur de ville » et le ministre m’explique que 30 fonctionnaires du budget vont être transféré à Morlaix à l’horizon 2022 2023. Et pour Air France, on leur donne des milliards mais sans aucune contrepartie. Ce genre de comportement créé de la défiance vis-à-vis des politiques. Personne ne peut comprendre qu’on ne puisse pas imposer des conditions quand on accorde des milliards. Pour que nos concitoyens puissent à nouveau croire en la parole publique il faut que les actes soient en accord avec les discours.
Aujourd’hui, la fermeture du site est programmée pour 2023 et d’ici là les dirigeants d’Air France espèrent que nous allons nous taire, tout en délocalisant les activités pour pouvoir justifier l’abandon de Morlaix. Mais nous ne nous tairons pas.
Il suffirait d’un coup de fil pour sauver le site de Morlaix.
Je veux pouvoir croiser mes concitoyens en les regardant dans les yeux et leur expliquer que nous avons tout fait pour préserver l’emploi. Nous placerons chacun devant ses responsabilités et nous demanderons des comptes. Et si on constate des avancés, de la part de ce gouvernement nous saurons reconnaitre qu’ils ont su se mouiller. Si le premier ministre décroche son téléphone pour dire à Air France que le site de Morlaix doit être sauvé, je l’inviterai dans la minute à venir à Morlaix et je le recevrai avec les honneurs dû à ce qu’il aura fait pour notre territoire. Mais nous n’en sommes malheureusement pas encore là.
Nous avons gagné Morlaix grâce à l’union de la gauche
Cap Finistère : Tu es conseiller départemental. Te représenteras-tu en mars prochain ?
Jean-Paul Vermot : Ce n’est pas la question de ma candidature personnelle qui se pose, j’ai d’ailleurs été publiquement clair. La question, c’est celle de l’union de la gauche. Et faire l’union, c’est faire en sorte que chacun trouve sa juste représentation. Je suis pour que la gauche soit la plus unie possible dans les prochaines élections. Je soutiendrai l’union de la gauche sur le territoire. Nous avons gagné Morlaix grâce à l’union de la gauche, j’espère que nous conserverons le département et la région avec l’union de la gauche.
Article publié dans le Cap Finistère n°1328 du 16 octobre 2020