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mercredi 25 décembre
NUPES : les Gauches réconciliées

Éparpillée et sonnée au soir du premier tour de la Présidentielle, la Gauche
(LFI, PS, PC, EELV) n’a mis que quelques jours pour se rassembler, se doter d’un programme partagé de gouvernement et passer un accord électoral, qui
lui a permis de présenter un ou une candidat.e unique par circonscription et ainsi être présente au second tour dans 380 circonscriptions et remporter 133 victoires. Inattendue, cette union, au sein de la NUPES, s’inscrit cependant dans une longue histoire de relations entre des formations de Gauche, comme nous le rappelle l’historien Gilles Candar, président de la Société d’études jaurésiennes et spécialiste de l’histoire de la Gauche.

Cap Finistère : En tant qu’historien, comment qualifieriez-vous le moment que vit la Gauche aujourd’hui avec la NUPES ? Peut-on dire que la théorie des Gauches irréconciliables est définitivement invalidée ?
Gilles Candar : Les « gauches irréconciliables » ne sont en rien une théorie. C’est un bon mot qui relève du combat politique, tenu jadis par Manuel Valls, qui souhaitait acter la division des Gauches et lui donner justement un caractère définitif et irrémédiable. Depuis, Manuel Valls a quitté le Parti Socialiste, puis la Gauche, et a rallié au moins le Centre droit, soutenant aux élections soit la majorité présidentielle, soit même Les Républicains, lors de l’élection régionale. En histoire, comme en politique, et dans beaucoup d’autres domaines, il est plus prudent de ne pas employer le terme « définitif ». La Gauche est actuellement dans un moment d’unité, comme elle a su ou pu l’être à plusieurs reprises, mais pas depuis longtemps (la Gauche plurielle menée par Lionel Jospin remonte maintenant à plus de vingt ans : 1997-2002).

« En histoire comme en politique, et dans beaucoup d’autres domaines, il est plus prudent de ne pas employer le terme “définitif”. »

Cap Finistère : Si on prend un peu de recul, a-t-on déjà connu une période, dans l’histoire contemporaine, où la Gauche était aussi unie que maintenant ?
Gilles Candar : Oui. Il ne faut pas exagérer non plus la solidité ou la profondeur de l’unité actuelle. C’est un commencement et les commencements sont fragiles. Mais enfin, la plupart des partis de Gauche ont pu passer un accord électoral difficile, puisque débouchant sur des candidatures uniques, dès le premier tour, ce qui ne s’était jamais fait pour des Législatives, et un programme « partagé » de gouvernement, assez complet et précis, actant accords et désaccords. L’union n’est pas totale : le Parti Radical de Gauche d’un côté, le NPA de l’autre restent à l’écart, mais la plupart des candidatures dissidentes ou d’opposition à la NUPES ont échoué à Gauche (quatre députés, élus sur cette base, dont un sortant, David Habib dans les Pyrénées-Atlantiques, qui avait été un peu contraint à la dissidence, puisque non représenté). La Gauche est donc bien unie pour l’essentiel et un intergroupe devrait fonctionner, permettant sans doute d’approfondir cette union et d’améliorer l’entente entre les groupes. Ne dissimulons pas les difficultés de la tâche : l’union a permis de gagner ou de conserver des sièges, mais la Gauche reste à peu près à six millions de voix pour l’essentiel. Les électeurs partis vers En marche ne sont pas revenus en masse et l’Extrême-droite a gagné plus de deux millions de voix, passant en gros de trois à six millions de voix. C’est la raison profonde de son succès en sièges, au-delà des très médiocres reports de voix entre Gauche, Centre et Droite face à elle.

Cap Finistère : Que nous apprend l’histoire sur les relations entre les formations de Gauche ? Quels sont les ingrédients d’une union durable ? Et, a contrario, quels sont les écueils qu’il faut éviter ?
Gilles Candar : Peut-on vraiment dire que l’histoire apprend quelque chose ? Elle met en garde en tout cas. Les périodes d’union sont fructueuses pour la Gauche, et, me semble- t-il, pour la société, permettant souvent des réformes importantes. Elles se brisent souvent sur des questions de politique internationale, qui n’aident pas à son rassemblement, c’est le moins qu’on puisse dire. Il faut à la fois que chaque partenaire soit respecté, sinon la logique de jouer la défaite pour éviter au moins le succès du partenaire abusif, devient évidemment trop tentante, et que soit reconnue une autorité d’animation et de coordination. Blum, Mitterrand, Jospin ont su jouer ce rôle. Rien n’a jamais été parfait, mais Mitterrand a nommé Mauroy, puis Rocard premiers ministres alors qu’ils s’étaient opposés à lui dans des batailles internes, a nommé des ministres communistes ou venant du PSU, ainsi que d’anciens gaullistes et de premiers écologistes. Jospin a confié d’importants ministères à Chevènement, puis à Fabius et à Lang (et même à Mélenchon), aux Communistes et aux Écologistes. L’union est difficile. Elle est un combat qui doit pouvoir être mené avec tact, mesure et, si possible, amitié.

Article publié dans le Cap Finistère n°1399 du 24 juin 2022




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