Soumission aux Insoumis ? Invention d’une nouvelle union de la gauche ? Corinne Narassiguin, secrétaire nationale du PS et vice-présidente du parlement de la NUPES nous explique comment s’organisent les discussions au sein de la nouvelle Union populaire, écologique et sociale pour comprendre ce qui est en train de se construire à gauche.
Cap Finistère : Dans quel état d’esprit se déroulent les discussions au sein de la NUPES ?
Corinne Narassiguin : Je crois que le mot le plus approprié est : positif. Chacun a bien compris le caractère historique de ce qui est en train de se passer et nous ressentons tous la même dynamique de campagne. Nous tirons dans le même sens en conservant nos spécificités.
La période des négociations du programme et des candidatures a été un peu tendue, mais comme à chaque fois que des partenaires négocient.
Dès le soir du 1er tour de la présidentielle, avec nos partenaires Écologistes et Communistes, nous avons bien compris, compte tenu de nos scores respectifs, que cet accord devait se faire, autour de la France insoumise qui avait réalisé le meilleur score. Nous avons entendu le message de nos électrices et de nos électeurs qui ont clairement fait savoir qu’ils voulaient l’union de la gauche. C’est d’ailleurs pour ça que la campagne de notre candidate n’a jamais décollé. Ce rassemblement n’est pas un accord tactique pour sauver quelques circonscriptions mais une union politique des forces de gauche pour un projet alternatif au macronisme et à l’extrême-droite.
Cap Finistère : Sur quels points les socialistes ont-ils fait entendre leur différence pour l’élaboration des 650 propositions du programme de gouvernement partagé ?
Corinne Narassiguin : Chacun est venu avec ses propositions même si la base des discussions était le programme de la France insoumise. Nous avons apporté les nôtres qui sur bien des points ont été reprises. Je pense notamment à tout ce qui touche à la santé et aux déserts médicaux. Nous avions beaucoup travaillé ce sujet, notamment grâce à nos parlementaires et nos élus locaux. Je pense aussi à la santé mentale, enjeu majeur mais trop souvent négligé.
Sur l’éducation aussi, nous avons enrichi le programme, notamment sur l’accompagnement des décrocheurs. Je pourrais aussi citer la culture et le sport.
La démocratie sociale constituait un des éléments phares du projet d’Anne Hidalgo et là encore nous avons réussi à faire passer l’idée que tout ne peut pas se régler par la loi et qu’il faut faire confiance aux corps intermédiaires pour négocier, dans le cadre de conférences sociales, le niveau des rémunérations ou la durée du temps de travail.
Enfin, là aussi parce que nous disposons d’un réseau d’élu-es locaux, nous avons amélioré la partie logement, en introduisant l’encadrement des loyers, les aides à la rénovation ou le bouclier-logement.
Cap Finistère : Mais des divergences demeurent ?
Corinne Narassiguin : Évidemment, et nous ne les cachons pas. Nous sommes dans une coalition et non dans une fusion. Par conséquent, chaque formation conserve son histoire et ses spécificités. Nous avons acté les points qui n’ont pas fait l’objet d’un consensus et nous les avons même inscrits dans le programme de gouvernement partagé en précisant qu’ils feraient l’objet de discussions à l’Assemblée.
Dans les discussions nous avons fait entendre nos différences, essentiellement sur les questions internationales, européennes et régaliennes. Nous avons par exemple tenu à ce que le texte stipule notre soutien au peuple ukrainien.
En ce qui concerne la sécurité, le texte initial pouvait laisser croire, avec le terme « violences policières », qu’elles étaient inhérentes à la police. Or, nous pensons que, si certains policiers peuvent commettre des fautes, la violence n’est pas consubstantielle de l’institution qui a, au contraire, pour mission de garantir la sécurité. De plus, certaines doctrines de maintien de l’ordre peuvent placer les forces de l’ordre dans des situations impossibles.
Nous avons également refusé l’idée d’une loi d’amnistie générale pour toutes les personnes condamnées après des manifestations. Là encore, nous refusons les généralités : nous ne pouvons pas faire preuve de complaisance vis-à-vis de ceux qui profitent des manifestations pour agresser les forces de l’ordre ou saccager les mobilier urbain.
Cap Finistère : En quoi consiste le rôle du parlement de la NUPES, dont tu es la vice-présidente ?
Corinne Narassiguin : Il ne faut pas voir ce parlement comme un super Conseil National mais plutôt comme une plateforme d’interaction entre nos mouvements politiques et des personnalités du monde intellectuel, culturel, associatif ou syndical qui soutiennent notre démarche et veulent apporter leur contribution. La gauche unie, ce ne sont pas que des accords d’appareils sur un programme et des candidatures. Ce sont aussi des personnalités qui s’engagent et qui apportent leur expertise.
A ce stade, le rôle des membres du parlement de la NUPES consiste essentiellement à soutenir les candidates et candidats aux législatives en rejoignant leurs comités de soutien ou en publiant des appels ou des tribunes.
Il faudra tirer un bilan après la campagne pour envisager l’avenir de cette instance. La gauche a réussi à retisser des liens avec de très nombreux compagnons de route qui s’étaient un peu éloignés de la politique, mais qui veulent, à leur manière, participer à l’écriture de ce nouveau chapitre de l’histoire de la gauche. Ce lieu de débat et de propositions sera précieux pour l’avenir.
Article publié dans le Cap Finistère n°1397 du 10 juin 2022
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