Pour des Maisons des aidants
Un statut et un lieu pour centraliser leurs démarches administratives : voilà, notamment, ce qu’il faut rapidement accorder aux « aidants » explique Aurélia Andreu, membre du comité directeur de l’Hétairie, en charge du travail et des affaires sociales dans une note que vient de publier le Think Tank. La France n’est pas encore en retard mais elle doit très rapidement apporter des réponses à un phénomène qui va prendre de l’ampleur dans les années qui viennent.
Cap Finistère : Qui sont les aidants ? A combien peut-on évaluer leur nombre ?
Aurélia Andreu : Il est assez difficile de répondre précisément à cette question tant les situations sont différentes. Cependant, on estime qu’un Français sur 5 est un aidant dans sa vie et que 9 à 11 millions d’entre nous le sont de manière quotidienne, pour un enfant, ou un parent, pour quelqu’un qui est en situation de handicap permanent ou qui affronte une maladie.
Cap Finistère : La loi du 22 mai 2019 qui devait leur apporter des solutions ne répond pas à leurs attentes ?
Aurélia Andreu : Grace à cette loi, la question des aidants, qui était trop souvent occultée, a enfin été mise sur le devant de la scène et on a bien senti que le regard porté sur ces millions de femmes et d’hommes qui consacrent une partie de leur vie à aider leurs proches a positivement évolué.
Cependant, cette loi n’a pas vraiment changé leur vie quotidienne. La principale innovation de ce texte consistait à apporter une contribution financière aux aidants. Mais, compte tenu des critères mis en place on se rend compte que très peu la sollicitent. En effet, certains conjoints ne peuvent y prétendre ce qui exclut, de fait, une grande partie des aidants. Ensuite, elle ne peut concerner que celles et ceux qui s’occupent de personnes en situation de handicap à plus de 80%. Très concrètement, cela signifie, par exemple, qu’une majorité des parents qui s’occupent d’enfants autistes ne peuvent y prétendre. Enfin, le montant même de cette compensation (43 euros par jour) n’incite pas à la demander.
Cap Finistère : Que proposez-vous pour mieux les accompagner et les protéger ?
Aurélia Andreu : Au delà de la revalorisation de l’indemnité et de la redéfinition des critères pour pouvoir y prétendre, il faut rapidement simplifier la vie des personnes qui s’occupent d’un membre de leur famille.
Et en premier lieu, il faut définir qui est aidant car les réalités sont complexes. Il peut s’agir de parents qui s’occupent à temps plein d’enfants en situation de handicaps lourds, mais aussi de conjoints qui se soutiennent pendant quelques années pour lutter contre une maladie comme le cancer. Afin de mieux reconnaître et valoriser les aidants, de mieux accompagner l’aménagement entre vie professionnelle et vie personnelle, il paraît indispensable de leur offrir une définition juridique précise de leur rôle, de leurs contraintes et de leurs obligations.
Les situations sont diverses mais il existe malheureusement un point commun entre les aidants, permanents ou ponctuels : au delà de la souffrance psychologique liée au handicap ou à la maladie, ils se heurtent à des démarches administratives qui demandent beaucoup de temps et d’énergie pour la moindre demande, concernant l’adaptation des logements ou des véhicules ou la possibilité de partir en week-end. A tel point que bien souvent, certains préfèrent même ne pas solliciter des aides auxquelles ils auraient pourtant le droit.
Il existe quelques exemples de maisons des aidants mais il faudrait les généraliser de manière à centraliser en un même lieu l’ensemble des organismes pouvant les accompagner dans leurs démarches quotidiennes : CPAM, Agefiph, CAF, impôts… On ne peut plus se contenter de la bonne volonté de certaines collectivités. Après, reste à déterminer le seuil au-dessus duquel une commune devrait mettre en place une maison des aidants. Dans ma note, je considère qu’il faut placer la barre au-dessus de 10 000 habitants.
Tant qu’on n’a pas été confronté à ce genre de situation, on n’imagine pas le temps perdu en démarches administratives. Rien n’est jamais acquis et il faut toujours demander et justifier dans différentes administrations. Il faut donc que l’Etat et les collectivités locales s’entendent et se coordonnent afin de mettre en place des maisons des aidants où les personnes qui accompagnent un proche en situation de dépendance ne se présenteraient qu’à un seul guichet et n’aurait affaire qu’à un seul interlocuteur. Cela permettait de les faire sortir de cet univers bureaucratique chronophage. Ils pourraient ainsi se consacrer pleinement à l’essentiel, c’est-à-dire l’équilibre de leur foyer.
Enfin, l’ensemble des mesures précitées doit s’accompagner d’une revalorisation du métier d’auxiliaire de vie, scolaire ou familial, par une professionnalisation du métier, et par une meilleure rémunération. Ce métier souffre d’un turn-over endémique qui empêche le travail sur du long terme avec les malades et leurs familles.
Article publié dans le Cap Finistère n°1313 du 29 mai 2020