Monsieur le Premier Ministre,
Mes chers collègues,
Le président n’entend pas. Ne comprend pas. Alors c’est à notre Assemblée de prendre ses responsabilités en refusant de cautionner le plan qui nous est présenté.
Face à la défiance, à la colère, il y a une responsabilité partagée, celle de renouer le dialogue, de sortir de la crise et de fixer un nouvel horizon.
Les propositions d’hier ne répondent à aucune des questions posées. Elles sont déjà dépassées.
Pour avancer il aurait fallu changer de discours, et cesser de contraindre les Français à
choisir entre :
- l’écologie OU le pouvoir d’achat.
- les impôts OU les services publics.
Vous annoncez une discussion mais le porte-parole du gouvernement a déjà livré ses conclusions ce matin : vous abandonnez les objectifs écologiques de la COP 21 pour ne pas toucher à l’ISF ! Donald Trump, jamais en retard d’un tweet, a même déjà rendu hommage à son homologue français.
Et bien NON ! Ce que nous vous demandons, c’est pour une fois d’être fidèles au « en même temps » : en même temps le social et l’écologie. Parce que l’un ne va pas sans l’autre. Les premières victimes de la pollution, de la malbouffe, ce sont les classes laborieuses, les régions, les quartiers les plus défavorisés.
Alors comment faire ? Il faut une juste répartition des richesses et de l’effort fiscal, c’est l’égalité territoriale, c’est la justice salariale !
Personne ne peut souhaiter la crise et nous avons les moyens d’en sortir. Mais il faut tout changer. Notre pays est riche, fort de ses dynamiques territoriales, de sa créativité. Nous avons les ressources pour réussir une transition écologique juste et solidaire.
Mais les inégalités sont trop fortes. L’avenir s’écrit comme une promesse pour quelquesuns et un risque pour le plus grand nombre. La solution ce n’est pas le « ruissellement », c’est la promesse républicaine ; c’est la mobilisation de tous, la justice et l’égalité.
Jamais nous ne pourrons accepter une discussion qui se limite à cibler la fiscalité écologique sans traiter de la question sociale.
Tout doit être sur la table, tout doit être discuté : l’ISF, la flat tax, une tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, la lutte contre la fraude fiscale, la taxation des GAFAM et des transactions financières, le conditionnement du CICE, la revalorisation des salaires, des petites retraites et des minimas sociaux, le maintien des services publics de proximité, un plan d’urgence pour la rénovation des logements, l’ouverture de l’université au plus grand nombre.
Il est possible de gouverner autrement, de réhabiliter les corps intermédiaires et les élus
locaux que ce pouvoir ignore, de négocier là où ce pouvoir passe en force, de respecter là
où ce pouvoir méprise, d’entendre le peuple là où ce pouvoir croit tout savoir, d’unir les forces du pays là où ce pouvoir les divise et les oppose !
Nous vous exhortons à ne pas chercher à diviser, à opposer la demande d’ordre à la demande sociale. Ne laissez pas notre pays s’enliser dans ses divisions et ses fractures. Il est temps d’unir et de réconcilier. Ce que nous appelons de nos vœux pour le pays c’est un nouveau pacte social, démocratique et écologique.
C’est vrai, vous n’êtes pas responsables de tout. Mais c’est vous qui avez aggravé la situation en quelques mois. C’est votre cap qui est contesté et que vous devez maintenant avoir l’humilité de modifier. Jupiter, c’est fini !
Moi aussi je rêve d’un « nouveau monde ». Dans ce nouveau monde, les valeurs de la République reprennent leur place. La République ce n’est pas seulement des symboles qu’il faut vénérer. La République, elle est vivante. Elle est aujourd’hui dans la rue. Ses enfants vous demandent justice. Vous n’avez pas le droit de les décevoir.
Olivier Faure
Le 5 décembre 2018