Pour une PAC ambitieuse
« À lui tout, seul, le Brésil est capable de nourrir la planète ». Grand témoin des Assises départementales de l’Alimentation, l’eurodéputé Éric Andrieu n’y est pas allé par quatre chemins pour replacer la question alimentaire mondiale dans son contexte. Alors que les États continents comme le Brésil, la Chine ou l’Inde poursuivent des stratégies à dix ou quinze ans, l’Europe, elle, s’apprête à baisser son budget agricole et n’arrive pas à définir une ambition alimentaire pourtant vitale.
« L’agriculture brésilienne n’a rien à voir avec ce que nous connaissons en Europe », a insisté le député européen. « Sur des milliers d’hectares, ils rasent la forêt. À coup d’engrais, puisque la terre est pauvre, ils font deux récoltes par an de soja ou de maïs OGM, puis, ils traitent les sols au glyphosate. » Les élevages peuvent compter des milliers de bovins. Certains abattoirs sont capables d’en abattre 1 800 par jour et c’est, pour eux, l’échelle de la traçabilité. C’est-à-dire que nous, en cas d’incident, nous sommes capables de savoir de quelle bête, précisément, il s’agit. Eux peuvent juste indiquer le lot dans lequel elle a été abattue.
« Nous récoltons les fruits de trente ans de déréglementation. »
Ces modes de production ne correspondant pas à nos standards sanitaires. Et pourtant, si l’Europe laisse le marché décider, c’est cette viande que nous trouverons demain dans nos assiettes
Et, alors que des géants s’approprient le marché de l’alimentation, l’Union européenne colmate les brèches. « Nous récoltons les fruits de trente ans de déréglementation », a dénoncé le parlementaire européen. « Les défenseurs de cette politique libérale nous ont fait croire que le marché se régulerait de lui-même mais on constate aujourd’hui que c’est faux, que les gros mangent les petits. » Seules trois multinationales se partagent le marché : Bayer, Dupont et ChemChina.
Pour Éric Andrieu, la question de la souveraineté agricole doit être au coeur de la campagne des élections européennes et surtout être une priorité pour la prochaine commission. « Nous devons nous fixer des objectifs politiques et ensuite mettre en place les outils pour permettre de les atteindre ». Or, dans le cadre institutionnel actuel, il est urgent que l’Union européenne se dote d’un budget propre afin de ne plus dépendre des marchandages avec les États qui veulent toujours revoir leur contribution à la baisse.
En l’état actuel, le projet de réforme de la PAC, qui se traduirait par une renationalisation de la politique agricole, est inacceptable.
Pour l’eurodéputé, l’Europe doit rapidement se doter d’une véritable politique agricole et alimentaire. Cela passera par des décisions politiques mais aussi par une mobilisation de la société civile qui doit se faire entendre, à l’échelle de l’Union européenne.
Pacte de Milan
Depuis 2015 et leur création par le ministre Stéphane Le Foll, le Conseil départemental du Finistère s’est engagé à mettre en oeuvre un Projet Alimentaire de Territoire (PAT). Il a organisé, pour la deuxième année consécutive, des Assises départementales de l’Alimentation le 12 novembre. Ce temps fort a permis de valoriser les nombreuses démarches et initiatives d’associations, d’entreprises, de professionnels ou de particuliers qui s’inscrivent dans le Projet Alimentaire Territorial du Finistère, de sensibiliser de nouveaux acteurs et nouvelles actrices et conforter la démarche auprès des partenaires déjà mobilisé.e.s. Cette journée a réuni les acteurs publics, associatifs et institutionnels pour débattre de sujets comme l’avenir de l’agriculture, la lutte contre le gaspillage, l’accès de tous à une nourriture saine et de qualité ou les enjeux de la recherche.
Le Conseil départemental a choisi de mettre l’accent sur l’accès de tous, et en particulier des plus fragiles, à une alimentation de qualité en particulier dans les Ehpad et les collèges.
Michaël Quernez, au nom du département du Finistère, a signé en préambule de cette journée le pacte de Milan. Ce document, élaboré à l’occasion de l’exposition universelle de Milan en 2015, a déjà été signé par de nombreuses villes et collectivités dans le monde. Par cette signature, le Département s’engage à lutter contre les gaspillages alimentaires, notamment dans la restauration collective et à mettre en place une gouvernance pour la politique alimentaire. Une trentaine d’organisations, de consommateurs ou de producteurs y participent et se réunissent au moins deux fois par an. Les Assises annuelles permettent de faire le point sur l’avancement des projets.
Le Conseil départemental accompagne également les transformations agricoles avec le développement des circuits courts, de l’agriculture urbaine et périurbaine, les conversions des exploitations en bio et l’installation des jeunes.
Article publié dans le Cap Finistère n°1248 du 23 novembre 2018