Les autorités européennes et françaises sont-elles en train de se tromper et de mettre en danger notre souveraineté alimentaire ? C’est ce qu’on peut craindre après le webinaire organisé par la Commission nationale à l’Agriculture, l’Alimentation et aux Ruralités du PS, le 16 avril.
Les débats agricoles sont souvent complexes d’autant qu’ils recouvrent des dimensions régionales, nationales et européennes. Et que les défis se présentent à l’échelle mondiale.
« Et pourtant, il faut que les socialistes fassent entendre leur voix sur ce sujet », a insisté Dominique Potier. D’abord, parce que les enjeux sont tout à la fois alimentaires, sociaux, économiques, sanitaires voire géostratégiques. Et, ensuite, parce que le débat sur la transposition française de la Politique Agricole Commune (PAC) interviendra dans un peu moins d’un an, c’est-à-dire en plein milieu de la campagne présidentielle. La PAC, telle qu’elle est présentée actuellement aux États membres, n’est absolument pas à la hauteur des enjeux, a rappelé le député européen Éric Andrieu. En effet, les premiers travaux pour son actualisation ont été lancés avant le Green deal. À l’époque, il fallait simplement faire des économies sur la PAC. « Nous ne sommes donc pas face à une réforme structurelle, mais juste devant une adaptation administrative », a résumé le député européen.
Cette adaptation vise à donner encore plus de pouvoir aux États alors même qu’il faudrait, au contraire, que l’Europe ne parle que d’une seule voix face à ses concurrents brésiliens, chinois, indiens, américains... Et pourtant, comme l’a souligné Aurélie Trouvé, spécialiste de la PAC, « la politique agricole représente 40 % du budget de l’UE et 65 % du revenu des agriculteurs, avec une moyenne de 30000 euros par exploitation. En France, ce sont près de 9 milliards d’aides. » Mais, si on regarde sur le long terme, la PAC n’a pas permis de répondre au principal défi de l’agriculture depuis une trentaine d’années : la dérégulation des marchés. Car c’est bien de ça qu’il s’agit. Cet alignement des prix des productions européennes sur les cours mondiaux ont eu une double conséquence : d’abord, une très grande fluctuation des prix, à la hausse comme à la baisse, et une
accélération de la concentration et de la spécialisation des exploitations et même des régions.
Pour les Socialistes, l’avenir de l’agriculture familiale est menacé. Deux éléments doivent très rapidement être traités. D’une part, la maîtrise du coût du foncier. Les exploitations moyennes ne pourront pas survivre sans une intervention de la puissance publique. Et, d’autre part, mais les deux aspects sont intimement liés, la mise en place de dispositifs d’aide à l’installation. Ces dispositifs doivent être d’autant plus améliorés que les nouveaux agriculteurs ne sont plus, systématiquement, des enfants qui reprennent l’exploitation familiale. À tel point que les spécialistes de l’agriculture ont dû créer un acronyme pour les désigner : on parle en effet désormais de NIMA (Non Issu du Milieu Agricole) pour qualifier ces nouveaux paysans. De précieuses années ont été perdues, mais il n’est pas trop tard pour préserver notre souveraineté alimentaire. À condition que l’ensemble des citoyens s’impliquent dans ces débats.
Bio : plus vite, plus loin
« En tant que collectivités nous disposons de nombreux outils pour avancer vers la transition écologique mais nous avons besoin que l’État prenne sa place ». Plus de 300 élu.e.s, dont Émilie Kuchel pour Brest, viennent de signer un appel de la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB), demandant
d’amplifier la transition agricole.
« Les institutions doivent prendre leur part dans l’effort de transition agricole et alimentaire. C’était l’un des objectifs de la loi Egalim qui portait l’ambition de 15% de surfaces agricoles biologiques en 2022 et 50 % de produits durables en restauration scolaire, dont 20% de bio.
Pourtant le compte n’y est pas. La dynamique de conversion biologique n’a pas bougé après Egalim ; comment pouvons-nous introduire des produits biologiques dans les cantines sans conversion des surfaces agricoles ? Nous voulons une production française de qualité, gage de la souveraineté alimentaire du pays et nous voulons démocratiser les produits bio et français en restauration collective.
Alors qu’on sait que le modèle de l’agriculture biologique répond aux enjeux climatiques et écologiques contemporains, seuls 2% des 10 milliards d’euros annuels de la dernière politique agricole commune ont été orientés pour le soutenir.
En tant que collectivités nous disposons de nombreux outils pour avancer vers la transition écologique mais nous avons besoin que l’État prenne sa place. L’urgence sociale, l’urgence climatique, la dégradation rapide des écosystèmes, nous dit d’aller plus vite plus loin. L’Europe promet déjà 25 % de surfaces agricoles bio en Europe en 2030, pourquoi pas nous ? Pourquoi ne visons-nous pas une cantine bio pour tous ? Avec au moins 50 % de produits bio en restauration scolaire et une généralisation de la tarification sociale ? Certains d’entre nous y sont déjà, d’autres auront besoin du soutien de l’État pour y parvenir. »
Article publié dans le Cap Finistère n°1353 du 30 avril 2021
Partager |