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mercredi 25 décembre
Pour une fiscalité juste

Alors qu’Emmanuel Macron a été le Président des très riches, Anne Hidalgo sera la Présidente de la justice fiscale. Christian Eckert, ancien ministre du Budget, nous explique comment la candidate entend faire participer les plus aisés à l’effort collectif.

Cap Finistère : Quel jugement portes-tu sur le bilan fiscal d’Emmanuel Macron ?
Christian Eckert : Je crois que dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, le Covid a bon dos. Car la dérive budgétaire ne date pas de la crise sanitaire et ne s’explique pas uniquement par le « quoi qu’il en coûte ». Elle avait commencé bien avant, pendant la crise des gilets jaunes lorsque le gouvernement a décidé, ou avait été obligé, de réduire les cotisations sociales. Normalement, lorsque l’État allège les cotisations sociales, il doit les compenser auprès de la sécurité sociale. Simone Veil avait d’ailleurs fait voter une loi pour que ça soit obligatoire. Jusqu’à ce que Gérald Darmanin, ministre du Budget à l’époque, annonce qu’elle ne serait pas respectée et que l’État ne compenserait pas les baisses de cotisations. Ce qui représente plusieurs milliards d’euros pour la sécurité sociale. Je rappelle que les comptes de la sécu étaient quasiment revenus à l’équilibre à la fin du quinquennat de François Hollande. Le gouvernement a beau jeu après d’annoncer qu’il est obligé de fermer des lits dans les hôpitaux.
À ce sujet, on peut être particulièrement inquiet quand on regarde, par exemple, le projet de Valérie Pécresse, qui, elle aussi annonce des baisses de cotisations qui ne manqueront pas d’aggraver le déficit de la sécurité sociale. Et on sait bien que c’est pour, ensuite, faire encore plus appel au secteur privé.
De plus, supprimer l’ISF et sortir avec la flat-tax les revenus du capital du barème de l’impôt est le signe d’une politique fiscale sur mesure pour les plus fortunés. Les dividendes sont, aujourd’hui, moins imposées que les premiers euros imposables des salariés !
Cap Finistère : En quoi consiste l’ISF climat que propose Anne Hidalgo ?
Christian Eckert : Il s’agit de rétablir l’impôt sur la fortune supprimé par Emmanuel Macron. Dans la grande majorité des cas, les impôts ne sont pas « fléchés » pour une dépense précise. Leur produit n’est pas affecté. Pour l’ISF climatique, nous faisons une exception. Nous rétablissons l’ISF, tel qu’il existait avant 2017, sur l’ensemble du patrimoine. Il devrait rapporter entre 4 et 5 milliards d’euros.
Et nous les affectons vers deux types de dépenses : d’une part, pour renforcer
les investissements dans le domaine de la transition énergétique et d’autre part
pour accompagner les ménages les plus modestes à changer de véhicule, de mode de chauffage ou à isoler leur habitation.
Cap Finistère : La question des successions revient dans le débat à l’occasion de cette Présidentielle.
Christian Eckert : C’est une question très sensible puisqu’elle touche les gens lorsque survient un décès. D’abord, il faut rappeler que la plupart des successions sont déjà dispensées de droits. Même pour des successions modestes en ligne directe, les ayants droits doivent s’acquitter d’honoraires auprès du notaire et de diverses taxes mais il ne s’agit pas d’impôt sur les successions même s’il est vrai qu’on peut rapidement arriver à plusieurs milliers d’euros.
La question revient dans le débat parce que les héritages perpétuent les inégalités et que des économistes comme Thomas Piketty ont travaillé sur ce sujet. Nous ne toucherons pas aux petites ou aux moyennes successions, en-dessous de 2 millions, et nous allons même augmenter le nombre de personnes exonérées. Nous ne toucherons pas à l’assurance vie. En revanche, nous voulons taxer, de manière progressive, les grosses successions de plusieurs millions d’euros.
Cap Finistère : La lutte contre la fraude fiscale doit aussi permettre d’augmenter les recettes de l’État.
Christian Eckert : La fraude fiscale concerne surtout les entreprises. Nous prévoyons d’en récupérer 6 milliards. En ce qui concerne les multinationales, l’accord sur une taxation à 15% est un premier pas, en sachant, qu’à l’origine, Jo Biden souhaitait un taux de 21 %. Mais il faut envisager d’aller plus loin au nom du principe selon lequel les impôts doivent être acquittés dans les pays où ont été réalisés les profits.
Pour la France, les fraudes touchent aussi à la TVA. Les particuliers peuvent aussi frauder. Il faut donc renforcer les moyens de contrôle. Les services du ministère des Finances sont assez performants et ont réalisé de gros progrès depuis dix ans. Mais, comme toujours, les fraudeurs ont une capacité d’imagination sans limite lorsqu’il s’agit de ne pas payer ce qu’ils doivent et ont, en général, un coup d’avance.

Article publié dans le cap Finistère n°1380 du 4 février 2022




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