Pragmatique et empirique
Pragmatique et empirique, la démarche « Territoires zéro chômeur » donne d’excellents résultats dans les bassins de vie où elle est expérimentée. L’enjeu, maintenant, consiste à les pérenniser et à permettre à d’autres territoires qui veulent les imiter de pouvoir le faire, comme nous l’explique Laurent Grandguillaume, ancien député et président de l’association Territoires zéro chômeur de longue durée.
Cap Finistère : Où en est l’expérience « Territoire zéro chômeur de longue durée » ?
Laurent Grandguillaume : À l’origine, il s’agit d’une initiative lancée par ATD quart monde qui est parti du postulat qu’il était préférable de mobiliser le coût du chômage pour financer des emplois pour les personnes au chômage de longue durée. D’autant que, contrairement à une idée souvent répétée, personne n’est « inemployable ». L’expérience a été lancée en 2017 sur dix territoires, dans le Nord, en Meurthe-et-Moselle, à Paris, dans la Nièvre, dans le Rhône, les Bouches-du-Rhône, le Puy-de-Dôme, les Deux-Sèvres, le Calvados et, plus près de vous, à Pipriac et Saint-Ganton en Ille-et-Vilaine. Ils recouvrent la diversité de notre pays et concernent en moyenne 5 à 10 000 habitants, le plus souvent sur deux ou trois communes.
L’association existe depuis 2016. Elle a pour but de soutenir et aider les territoires concernés mais aussi de faire la promotion de l’expérience et de préparer d’autres communes ou regroupements de communes à se lancer dans l’aventure. C’est également un comité de vigilance pour être en capacité d’alerter si les conditions ne sont pas réunies pour bien réussir l’expérimentation. Aujourd’hui, 800 personnes, embauchées par les Entreprises à But d’Emploi (EBE) créées spécialement dans le cadre de cette expérimentation, ont retrouvé un emploi et travaillent en CDI.
Cap Finistère : D’un point de vue législatif, où en est-on ? Ce dispositif va-t-il être généralisé ?
Laurent Grandguillaume : Nous n’utilisons pas le terme « généraliser » car il ne convient pas à notre état d’esprit et à ce que nous voulons faire. Comme je viens de vous le dire, dans l’un des territoires il a fallu mettre en place, pour des raisons d’efficacité et de management, une seconde Entreprise à But d’Emploi. Au départ, tel que ses initiateurs avaient imaginé le projet, à un territoire correspondait une entreprise. Sauf que, l’expérience « Territoires zéro chômeur de longue durée » s’enrichit et se transforme tous les jours. Sur le terrain, à un moment, il a fallu faire preuve d’imagination et de souplesse et inventer de nouvelles solutions. Car notre démarche consiste à partir des besoins de la base dans les bassins de vie.
Territoires zéro chômeurs n’est pas un dispositif comme il en existe déjà et comme on en a connu et qui, il faut bien l’avouer, n’ont pas donné satisfaction. Les dispositifs, imaginés nationalement et qui s’imposent uniformément à tout le monde en France, comme, par exemple, les emplois francs ou les contrats de génération, ne fonctionnent pas.
Nous, nous sommes partis du postulat qu’il faut au contraire partir des besoins du terrain, avec les habitants, demandeurs d’emploi, responsables associatifs, économiques, élus qui connaissent à la fois les demandes et les besoins de leurs territoires. Car les enjeux, les problèmes, les freins au retour à l’emploi ne sont pas les mêmes en Ille-et-Vilaine et dans les Deux-Sèvres. L’État doit jouer un rôle de facilitateur mais il doit surtout faire confiance aux acteurs qui vivent et travaillent sur place et il doit arrêter de considérer que les élus locaux vont forcément faire n’importe quoi et tomber dans le clientélisme.
D’autant qu’aujourd’hui, compte tenu de l’urgence sociale, il faut inventer de nouvelles manières de faire. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il faut changer de modèle et de méthode.
Cap Finistère : Une seconde vague est-elle prévue ?
Laurent Grandguillaume : D’abord, il faut pérenniser ce qui existe déjà dans les dix premiers territoires. La loi de 2016-2017 prévoyait une expérimentation de cinq ans. Nous demandons une nouvelle loi dès 2019 pour sécuriser les structures existantes, car elles ont besoin de visibilité à long terme, et permettre l’extension aux nouveaux territoires volontaires pour expérimenter. Déjà plus de 200 nous ont contactés. Cela suppose un vote au Parlement. Nous avons bon espoir car, le président de la République a repris « Territoires zéro chômeur » dans son plan de lutte contre la pauvreté. C’est un bon signal, reste maintenant à le concrétiser.
Article publié dans le Cap Finistère n°1264 du 29 mars 2019