Priorité au travail
Anne Hidalgo veut redonner au travail toute sa valeur et redynamiser le dialogue social au sein des entreprises, nous explique Annie Le Houérou, sénatrice des Côtes d’Armor, qui a participé à l’élaboration du programme au sein du groupe d’experts pour la question du travail et de l’emploi.
Cap Finistère : Comment envisagez- vous les conférences salariales ?
Annie Le Houérou : Elles seront la suite logique de la principale proposition d’Anne Hidalgo qui consiste à augmenter, immédiatement, le SMIC de 15 %, soit environ 200 euros par mois. Il s’agit là d’une juste reconnaissance des efforts des salariés depuis des années. Le travail doit payer et permettre de vivre dignement et les fruits de la croissance doivent être équitablement partagés. Les conférences salariales devront permettre aux partenaires sociaux, tant du côté des salariés que des chefs d’entreprises, de négocier alors que le quinquennat qui s’achève a surtout été marqué par une absence du dialogue social. Si le SMIC augmente de 15 %, il faudra revoir toutes les grilles salariales.
Cap Finistère : Anne Hidalgo s’engage à créer de nouveaux droits pour les travailleurs. Comment cela se traduira- t-il pour les salariés des petites entreprises ?
Annie Le Houérou : Il ne faut jamais oublier qu’Anne Hidalgo a été inspectrice du travail et que ces questions lui tiennent particulièrement à cœur. Nous voulons faciliter l’adhésion des salariés aux organisations syndicales. Les mesures à prendre doivent se discuter avec les syndicats : un crédit d’impôt pour les salariés syndiqués ? Une participation de l’État pour la cotisation ? Rien n’est décidé et le débat reste ouvert. Mais ce quinquennat a été marqué par l’absence de concertation et nous voulons sortir de cette impasse. Il est urgent de redonner de la vigueur au dialogue social car ce sont bien les salariés qui font la force des entreprises et on a bien vu que les entreprises qui traversent le mieux la crise sont celles qui font vivre le dialogue social.
Un salarié sur trois travaille dans une TPE ou une PME. Ils ne disposent pas des mêmes droits que ceux des grandes entreprises. C’est pourquoi nous proposerons la mise en place de comités multi-entreprises à l’échelle de territoires, de manière à ce que les salariés isolés puissent aussi avoir accès aux avantages des comités d’entreprise en matière de mutuelles ou d’accès à la culture ou aux loisirs. Nous voulons également renforcer la place des salariés dans les conseils d’administration ou les conseils de surveillance.
Cap Finistère : Les travailleurs des plateformes réclament de nouvelles protections.
Annie Le Houérou : Le gouvernement tergiverse depuis des années et cherche à créer un troisième statut entre le salariat et l’indépendance, qui ne convainc personne. Pour nous, les travailleurs des plateformes sont de faux indépendants qui doivent bénéficier d’une présomption de salariat. Les socialistes ont toujours défendu cette position et un récent rapport de l’Union européenne va dans ce sens.
« Le travail doit permettre de vivre dignement. »
Cap Finistère : Comment parvenir enfin à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes ?
Annie Le Houérou : Il est temps d’appliquer strictement la loi. Nous devons être plus coercitifs, accentuer les contrôles et diffuser la liste des entreprises qui ne respectent pas la loi. Des amendes sont prévues, appliquons-les ! Anne Hidalgo souhaite également inverser la charge de la preuve. Aujourd’hui, c’est à la salariée de démontrer qu’elle est victime de discrimination par rapport à ses collègues. Nous voulons désormais que l’entreprise soit obligée de démontrer qu’elle traite tous ses salariés équitablement.
Mais nous ne serons pas dans le tout répressif. Pour favoriser l’égalité entre les mères et les pères, nous allons instaurer un congé de paternité de seize semaines, dont six obligatoires pour les femmes et les hommes. Trop souvent, seules les mères prennent ce congé. Trop souvent, au sein du couple, la femme est la moins payée, donc c’est elle qui reste à la maison. Et certaines entreprises utilisent cet argument pour moins payer leurs salariées. Il faut casser cette spirale infernale.
Des négociations salariales seront aussi engagées pour revaloriser les salaires des métiers majoritairement féminins : métiers du soin, restauration, supermarchés. Métiers dans les secteurs pourtant dit « essentiels » pour le bon fonctionnement de notre société.
Cap Finistère : Et comment limiter les écarts de salaires dans les entreprises ?
Annie Le Houérou : Aujourd’hui, cet écart peut s’étendre de 1 à 80 et nous voulons le réduire de 1 à 20. Nous instaurerons un système de bonus-malus de manière à pénaliser les entreprises qui dépasseront cet écart.
Cap Finistère : Allons-nous engager une nouvelle étape dans la réduction du temps de travail ?
Annie Le Houérou : Nous n’engagerons pas de grande réforme et ne toucherons pas à la durée légale hebdomadaire. Cependant, nous soutiendrons toutes les initiatives qui viseront à réduire le temps de travail. Mais ce sont les entreprises et les salariés qui savent le mieux comment procéder. Les nouvelles formes d’organisation du travail, et en particulier le développement du télétravail, nécessiteront, de toutes façons, des négociations par branches. Il existe de multiples façons de réduire le temps de travail, notamment en créant des banques de temps, pour stocker les heures supplémentaires.
Article publié dans le cap Finistère n°1380 du 4 février 2022
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