(version complète de l’interview publiée dans le Cap Finistère n°946)
Au mois de février, Aides avec Avocats pour la santé dans le monde France et Inde a organisé un voyage d’étude en Inde, auquel a participé le premier secrétaire fédéral Marc Coatanéa
Il s’agissait, explique FrancescaBelli,Responsable plaidoyer international à AIDES de sensibiliser les élus français aux enjeux de l’accès à la santé pour les personnes vivants avec le VIH et la tuberculose dans le monde.
Cap Finistère : Quels étaient les enjeux du voyage que vous avez organisé en Inde ?
Francesca Belli : Il s’agissait d’abord de montrer, sur le terrain, comment est utilisé l’argent du fond mondial qui est le principal bailleur pour le financement des projets liés à la lutte contre la tuberculose le sida et le paludisme, mais qui est surtout le plus efficace et le plus transparent. Mais nous voulions aussi défendre l’idée de la mise en place d’une taxe sur les transactions financières pour financer l’accès à la santé qui, comme on peut s’en rendre compte en Inde n’est pas encore garanti. Selon les objectifs du millénaire, l’accès universel à la santé devait être effectif en 2010. Mais nous en sommes loin puisqu’on estime qu’un malade sur trois seulement a accès aux traitements.
C’est d’autant plus révoltant qu’on sait, qu’il serait possible de stopper l’épidémie de SIDA en 40 ans.
Enfin nous avons choisi l’Inde car ce pays est le principal producteur de médicaments génériques pour l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine.
Cap Finistère : Pourquoi l’Inde est devenu la fabrique de génériques ?
Francesca Belli : Pour plusieurs raisons. L’Inde a une longue tradition pharmaceutique et une culture médicale dynamique. Ce pays dispose de nombreux laboratoires très performants. Mais, l’Inde est aussi un pays de très grande pauvreté où, sans les médicaments génériques, une grande partie de la population n’aurait pas accès aux soins. Pour vous donner un exemple, encore aujourd’hui chaque jour en Inde murent 1000 personnes de tuberculose.
Cap Finistère : Mais cette production est menacée.
Francesca Belli : Oui. Les laboratoires cherchent par tous les moyens à limiter la production de génériques. Ils ont, dans un premier temps tenté de racheter les laboratoires indiens, mais l’industrie pharmaceutique indienne résiste. Il faut savoir que l’Inde a permis de distribuer des médicaments 90% moins cher et de très bonne qualité. Il existe un projet d’accord commercial entre l’Inde et l’UE. Personne ne connaît exactement les termes de ce texte mais plusieurs éléments nous font craindre des attaques contre les génériques qui pourraient être considéré comme des contre façons de marques de luxes. Mais là, il s’agit de lutter contre des maladies qui tuent 7000 personnes par jour, dont 1000 enfants. Ce texte devait être signé il y a quelques semaines mais devant la mobilisation des ONG, cette signature a été repoussée.
Cap Finistère : Pour financer l’aide au développement vous proposez une taxe sur les transactions financières.
Francesca Belli : Oui, l’éradication du SIDA est possible à condition de le vouloir et d’y mettre les moyens. C’est pourquoi nous proposons de mettre en place une taxe sur les transactions financières dont le produit serait consacré à atteindre les objectifs du millénaire en matière de santé ou de lutte contre le réchauffement climatique. Des taxes avec un dispositif de collecte semblable existent déjà au Brésil, à Taiwan ou même en Grande-Bretagne Il est donc possible de la mettre en place et nous serons très attentifs à ce que l’argent soit vraiment consacré à favoriser l’accès de tous à la santé.
Cap Finistère : Vous avez ces craintes ?
Francesca Belli : Oui, en période de crise les états peuvent réduire leur participation aux actions de solidarité internationale, mais ils peuvent aussi être tentés d’utiliser le produit d’une taxe sur les transactions financières pour alimenter leur propre budget ou se désendetter. Cependant, il faut que les Etats du nord comprennent que la coopération est un secteur stratégique et que financer l’accès à la santé revient à soutenir l’économie. Il ne faut plus voir l’aide au développement comme une dépense mais comme un investissement.