La crise de la démocratie ne date pas d’hier et on peut même dire qu’elle dure depuis au moins 30 ans. Mais le quinquennat d’Emmanuel Macron l’a considérablement amplifiée.
Cette question occupera une place déterminante dans le débat présidentiel de 2022 et le Parti Socialiste lui a consacré son 5e Live du projet. Nouvelle étape de la décentralisation, renforcement du rôle du Parlement et meilleure prise en compte de l’avis des citoyens ont fait l’objet de propositions disponibles sur www.rdv2022.
La 5e République est à bout de souffle. Sa tendance présidentielle est fortement accentuée depuis 2017, à la fois par une concentration des pouvoirs à l’Élysée mais aussi par un affaiblissement considérable du rôle du Parlement et, en particulier, de l’Assemblée nationale qui n’a pas su, ou pas voulu, jouer son rôle de contre-pouvoir. L’exemple du recours au Conseil constitutionnel pour les langues régionales en est un exemple criant : voilà une loi votée par l’Assemblée et le Sénat, contre l’avis du ministre de l’Éducation. Et que fait Jean-Michel Blanquer ? Un membre de son cabinet rédige un recours et demande à une soixantaine de parlementaires de le signer.
Pour répondre à la question comment mieux associer les citoyens aux décisions, ce Live du projet a donné la parole à Jo Spiegel, qui, dans sa commune de Kingersheim, en Alsace, est passé de la théorie à la pratique pour élaborer un processus de co-construction qui peut inspirer d’autres équipes municipales.
« La crise démocratique vient de loin. C’est essentiellement une crise de la représentation et contrairement aux gilets jaunes, je crois à la représentation démocratique, à condition qu’on lui redonne du sens par ce que j’appelle la démocratie de construction. Elle doit être l’antidote à la fois à la démagogie, à l’autocratie, au populisme, mais aussi un antidote à ce que produisent les réseaux sociaux, c’est-à-dire des communautés virtuelles et des bulles avec des algorithmes alors qu’en réalité, il est essentiel de construire du commun. L’écosystème que nous avons mis en place n’a de sens que par rapport à cette vision : comment relier la démocratie et la République, sachant que le commun ce n’est pas l’addition des envies ou l’addition des égoïsmes. C’est un processus. D’où la notion de démocratie construction. La démocratie ne peut pas se réduire à un bulletin de vote une fois tous les cinq ou six ans. On ne peut pas réduire non plus la démocratie à un grand débat sans suite, sinon par une décision prise par le chef. C’est du cynisme absolu. Et on ne peut pas non plus se limiter à des RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne).
Bien sûr, on peut oxygéner la démocratie à partir d’interpellations citoyennes et de référendums, mais ça ne peut pas être généralisé. Pour la démocratie continue, je vais donner deux leviers de l’écosystème que nous avons mis en place.
Le premier levier, c’est la Maison de la citoyenneté, un lieu dédié aux pratiques démocratiques. C’est là que nous passons du je ou nous. C’est le lieu de toutes les fonctions démocratiques : débats, co-construction, décisions. C’est la synthèse de trois cultures qui s’ignorent ou qui s’affrontent : la culture de l’indignation symbolisé par la place Jean Moulin, la culture de l’utopie, de ce qui est à venir, symbolisé par l’espace Jean Jaurès, et la culture de la prise en compte du réel, représentée par l’agora Pierre Mendès-France. Mais, le principe fondateur de la démocratie continue est celui-ci : à chaque fois que nous mettons à l’agenda un projet inscrit dans le contrat municipal, sur la base duquel nous sommes élus, ou à chaque fois qu’on nous met à l’agenda une question qui apparaît dans le mandat, ou à chaque fois qu’on met à l’agenda une pétition qui vient de la base, ou une interpellation, nous ouvrons une séquence démocratique. Elle a un début et une fin. Ce qui est essentiel c’est qu’elle utilise toute la grammaire démocratique et pas uniquement un lexique politicien. Se mettre à l’écoute, débattre, co-construire, s’engager. Il est essentiel que cette phase soit décisive pour la décision. Comment se réalise un parcours ? Acte 1 : on invite toutes les personnes concernées. Acte 2 : organisation d’un forum-débat qui institue la séquence démocratique. Il s’agit de permettre aux gens de mettre sur la table les questions ou les peurs qui sont considérables, à chaque fois qu’on engage un changement, et de recueillir leurs premières préconisations. À l’issue de ce forum-débat, on compose un conseil participatif chargé d’aller plus au fond du sujet, de rendre compte de sa complexité. Ça peut durer un an, voire 18 mois, mais il faut inscrire le temps démocratique pour la décision. Les conseils participatifs font un compte rendu de leurs préconisations au conseil municipal, je suspends la séance. On dépasse donc la démocratie directe où on vote sans participer et la démocratie participative ou on participe sans voter ».
Le taux d’abstention particulièrement élevé pour les élections régionales et départementales appelle à une réforme profonde de nos institutions pour réconcilier les électrices et les électeurs avec leurs élu.es.
Article publié dans le Cap Finistère n°1360 du 25 juin 2021
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